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Être ou ne pas être britannique, telle est la question : idéologie des partis conservateurs britannique et écossais

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

Être ou ne pas être britannique, telle est la question -

Idéologie des partis conservateurs britannique et

écossais

Mémoire

Nadjim Fréchet

Maîtrise en science politique - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

Résumé

Les choix politiques et idéologiques des gouvernements conservateurs britanniques de Thatcher et Major ont longtemps rendu le Parti conservateur écossais impopulaire auprès des électeurs écossais. Néanmoins, le Parti conservateur écossais a remarqua-blement amélioré ses résultats électoraux lors des élections écossaises de 2016 et bri-tanniques de 2017. Ce mémoire, divisé en deux chapitres avec leur propre question de recherche, évalue si les meilleurs résultats du Parti conservateur écossais sont expli-qués par différents facteurs liés aux principaux clivages idéologiques identifiés dans la littérature, soit les clivages économique, culturel et centre-périphérie.

Le premier chapitre évalue quels clivages idéologiques a eu le plus d’effet sur le vote conservateur en Écosse et au Royaume-Uni, aux élections de 2017 avec les données de panel du British Election Study de 2014 à 2017. Les analyses montrent que plus un électeur est à droite économiquement, plus la probabilité qu’il vote pour le Parti conservateur au Royaume-Uni et en Écosse est forte. Ils démontrent également que la probabilité de voter conservateur est la même au Royaume-Uni comme en Écosse en fonction du positionnement des électeurs sur les trois clivages idéologiques. Le deuxième chapitre évalue si les récents résultats électoraux du Parti conservateur écossais ne sont pas dus à son éloignement idéologique du Parti conservateur britannique de 2012 à 2019. Avec les données du Scottish Attitude Survey de 2012 à 2015, du British Attitude Survey de 2012 à 2017, du panel du British Election Study de 2014 à 2019 et de textes parlementaires de politiciens conservateurs britanniques et écossais de 2012 à 2019, les analyses montrent que les partis conservateurs écossais et britannique ne se sont pas éloignés idéologiquement. Les analyses montrent en général que la remontée du Parti conservateur écossais n’est pas due à son éloignement idéologique du Parti conservateur britannique.

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Abstract

The political and ideological decisions of the British Conservative Party under Thatcher and Major leadership have long made the Scottish Conservative Party unpopular with Scottish voters. Nevertheless, the Scottish Conservative Party has remarkably im-proved its election results at the 2016 Scottish election and the 2017 British election. This memory thesis, divided into two distinct chapters, assesses whether the Scottish Conservative Party last electoral results can be explained by different factors related to the economic, cultural, and centre-periphery ideological cleavages.

The first chapter assesses which of the three ideological cleavages had the most impor-tant effect on the conservative vote in Scotland and the UK, at the 2017 election using panel data from the 2014-2017 British Election Study. The results show that the more a voter is on the right economically, higher is the probability that he voted for the Conservative Party in the UK and Scotland. The results also show that the likelihood of voting Conservative is almost the same in the UK as in Scotland, depending on the voters’ position on the three ideological scales. The second chapter assesses whether the Scottish Conservative Party’s recent election results are not due to its ideological detachment from the British Conservative Party from 2012 to 2019. With data from the 2012-2015 Scottish Attitude Survey, from the 2012-2017 British Attitude Survey, from the 2014-2019 panel data from British Election Study and from parliamentary debate texts of British and Scottish conservative politicians from 2012 to 2019, the results show that the Scottish and British conservative parties have not moved ideologically apart. Overall, the results tend to show that the rise of the Scottish Conservative Party is not due to its ideological detachment from the British Conservative Party.

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Table des matières

Résumé ii

Abstract iii

Table des matières iv

Liste des tableaux vi

Liste des figures vii

Remerciements xi

Introduction 1

Questions de recherche . . . 4

Le Parti conservateur britannique et la question territoriale . . . 5

Le Parti conservateur écossais : Une succursale de la maison-mère ? . 7 Cameron et la question écossaise. . . 9

Résumé du premier chapitre : Clivages idéologiques et le vote conservateur en 2017 . . . 10

Résumé du deuxième chapitre : Proximité idéologique des Conservateurs écossais et britanniques . . . 19

Contribution . . . 24

1 Clivages idéologiques et le vote conservateur en 2017 26 1.1 Clivages idéologiques, les conservateurs et les élections de 2017 28 1.1.1 Le clivage culturel . . . 29

1.1.2 Le clivage centre-périphérie . . . 33

1.1.3 Le clivage économique gauche-droite . . . 36

1.2 Données et méthodes . . . 38

1.3 Résultats . . . 40

1.3.1 Effet du positionnement idéologique des électeurs sur le vote conservateur en 2017 . . . 43

(5)

2 Proximité idéologique des conservateurs écossais et britanniques 47

2.1 Clivages, enjeux et conservateurs écossais et britanniques . . . 50

2.1.1 Le clivage culturel : les enjeux de l’Europe et de l’im-migration . . . 50

2.1.2 Les clivages centre-périphérie et économique : Les en-jeux constitutionnels et la place de l’État dans l’éco-nomie . . . 54

2.2 Données et méthodes . . . 57

2.2.1 Analyse textuelle de textes parlementaires . . . 60

2.3 Résultats . . . 62

Conclusion . . . 68

Conclusion 71 Contribution scientifique du mémoire . . . 72

Limites de la recherche . . . 73

Causalité et avenues de recherche . . . 75

Annexe 77

(6)

Liste des tableaux

A1 Effet des idéologies étudiées sur le vote conservateur aux élections

bri-tanniques de 2017 . . . 81

A2 Effet des idéologies étudiées sur le vote conservateur aux élections

bri-tanniques de 2005 à 2015. . . 82

A3 Députés des textes parlementaires sélectionnés pour l’analyse textuelle

(7)

Liste des figures

0.1 Résultats des principaux partis écossais depuis l’élection écossaise de 1999 2

0.2 Résultats électoraux des principaux partis britanniques en Écosse depuis

l’élection britannique de 2001 . . . 3

0.3 Distribution des électeurs sur l’échelle gauche-droite sur le clivage

écono-mique lors de l’élection générale britannique de 2017 . . . 14

0.4 Distribution des électeurs sur l’échelle culturelle en 2017 . . . 15

0.5 Distribution des électeurs écossais sur la dévolution, en 2017 . . . 16

0.6 Évolution du positionnement moyen des électeurs écossais et britanniques

et des Partis conservateurs britannique et écossais sur le clivage

écono-mique gauche-droite . . . 21

0.7 Évolution du positionnement moyen des électeurs écossais et britanniques

et des Partis conservateurs britannique et écossais sur l’intégration du

pays à l’Union européenne . . . 22

1.2 Position des principaux partis britanniques au Royaume-Uni sur les échelles

économique droite-gauche et culturelle . . . 31

1.3 Perception des électeurs sur le caractère écossais (scottishness) du Parti

conservateur écossais . . . 34

1.4 Position des principaux partis britanniques en Écosse sur les échelles

économique gauche-droite et culturelle . . . 35

1.5 Distribution des électeurs des deux principaux partis britanniques aux

élections de 2017 sur les échelles économique et culturelle . . . 40

1.6 Distribution des électeurs des trois principaux partis britanniques en

Écosse aux élections de 2017 sur les échelles économique et culturelle

et centre-périphérie . . . 41

1.7 Probabilité de voter pour le Parti conservateur par rapport à la position

des électeurs britanniques sur les deux échelles idéologiques des élections

britanniques de 2005 à 2017 . . . 43

1.8 Probabilité de voter pour le Parti conservateur par rapport à la

posi-tion des électeurs écossais sur les trois échelles idéologiques des élecposi-tions

britanniques de 2017 à 2005 . . . 45

2.1 Positionnement moyen des Britanniques et Écossais sur les

(8)

2.2 Positionnement moyen des Britanniques et Écossais sur les

enjeux/indi-cateurs liés au clivage économique de 2012 à 2019 . . . 54

2.3 Positionnement moyen des Britanniques et Écossais sur les

enjeux/indi-cateurs liés au clivage centre-périphérie de 2012 à 2019 . . . 55

2.4 Positionnement moyen des partis conservateurs écossais et britannique

et du SNP sur les enjeux/indicateurs liés au clivage culturel de 2012 à 2019 63

2.5 Positionnement moyen des partis conservateurs écossais et britannique

et le SNP sur les enjeux/indicateurs liés au clivage économique de 2012

à 2019 . . . 64

2.6 Positionnement des partis conservateurs britannique et écossais et du

SNP sur les enjeux liés au clivage centre-périphérie de 2012 à 2019 . . . . 66

2.7 Positionnement moyen des Britanniques et Écossais sur les

enjeux/indi-cateurs liés au clivage centre-périphérie de 2012 à 2019 . . . 67

A8 Indicateurs des analyses factorielles des échelles idéologiques pour tout

le Royaume-Uni . . . 78

(9)

À René Fréchet, Fatouma Mohamed, Julien Khader Fréchet et Gabriel Samir Fréchet. Mes sources de lumière dans les moments sombres.

(10)

I believe that a world without moralism, gossip, and judgment would quickly decay into chaos. But if we want to understand ourselves, our divisions, our limits, and our potentials, we need to step back, drop the moralism, apply some moral psychology, and analyze the game we’re all playing.

(11)

Remerciements

Mes premiers mots de remerciement vont à mes deux directeurs de recherche, Eric Montigny et Yannick Dufresne. Eric, ta patience avec un étudiant pas toujours facile à gérer et ton expérience de chercheur ont été la clé du succès de l’aboutissement de ce mémoire. Comme tu le dis souvent, un bon mémoire est un mémoire terminé et tes conseils ont été indispensables à la finition de ce projet. Je suis fier d’avoir eu un grand politologue comme toi pour me diriger. Yannick, plus que mon directeur de recherche et mon mentor, tu es devenu le grand frère que je n’ai jamais eu. Merci pour ta confiance inébranlable en mes capacités et merci de m’impliquer dans tes projets. Je suis fier de dire que je suis un de tes premiers étudiants. Jamais je ne serai en mesure de te rembourser la dette que je te dois.

Merci aux membres de mon comité d’évaluation François Gélineau et Marc-André Bodet pour leurs commentaires judicieux tout au long de l’écriture de ce mémoire. Marc, tes cours étaient parmi les plus intéressants de mon parcours académique et ont grandement contribué à ma réflexion sur le monde et sur son fonctionnement.

Merci au corps professoral et au département de science politique de l’Université Laval pour leur soutien financier, académique et humain ces 5 dernières années. Merci à la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, le Groupe de recherche en communication politique et au Centre pour l’étude de la citoyenneté démocratique pour leur implication active dans mon parcours. Merci à leurs étudiants affiliés parmi lesquels je me suis fait de très bons amis.

Merci à la Chaire de leadership en enseignement des sciences sociales numériques et à ses étudiants affiliés qui sont devenus d’excellents amis. Je pense ici à Alexis Bibeau Gagnon, Catherine Ouellet, Alexandre Fortier-Chouinard, Camille Tremblay-Antoine,

(12)

Marc-Antoine Rancourt, William Poirier, Adrien Cloutier et Maxime Blanchard. Je suis très fier de faire partie de notre incroyable équipe et de travailler avec vous sur d’incroyables projets de recherche.

Merci à mes amis de toujours, Alvaro Dominguez, Jaime Lopez, Luis Carlos Falla, Samir Quintero, Juan Manuel Gomez et Odanis Ulloa. Es para siempre hermanos.

Merci à mes parents René et Fatouma et à mes deux frères Julien et Gabriel. Sans vous je n’aurais pu accomplir le peu que j’ai accompli. Je vous dédie ce mémoire. Merci également à ma famille québécoise et comorienne pour votre soutien indéfectible. Merci à tous ceux que j’ai pu oublier et bonne lecture.

(13)

Introduction

La dévolution des pouvoirs de Westminster vers les parlements des nations périphériques du Royaume-Uni a amené les principaux partis britanniques à s’adapter sur le plan organisationnel. La dévolution opérée à la fin des années 90, a transformé ce système partisan, autrefois très centralisé, en un système partisan à multiples niveaux (multi-level party system). Les principaux partis britanniques ont rapidement délégué la gestion des affaires courantes des parlements régionaux des nations celtiques du pays à leur branche locale (Deschouwer,2006;McGarvey,2015). Si le Parti travailliste ou le Scottish National Party ont profité électoralement de leur appui à la dévolution des pouvoirs de Westminster en Écosse (Hopkin et Bradbury,2006), les choix politiques et idéologiques des gouvernements des premiers ministres Thatcher et Major ont longtemps rendu sa branche écossaise, et cette formation politique en général, impopulaire auprès des électeurs de cette région du Royaume-Uni (Randall et Seawright,2015).

De nombreux experts estiment notamment que les mesures économiques idéologique-ment à droite du gouverneidéologique-ment Thatcher et subséquemidéologique-ment du gouverneidéologique-ment Major ont contribué au déclin de la branche écossaise du Parti conservateur. La déconstruc-tion de l’État providence britannique par les gouvernements de Thatcher et Major a été perçue comme étant une mécompréhension de son importance pour les Écossais, plutôt à gauche sur le plan économique (Keating, 2010; Seawright et Curtice, 1995). Le désinvestissement de l’État britannique en Écosse s’est également accompagné d’une opposition des gouvernements Thatcher et Major à la création d’un Parlement écos-sais (Bale, 2012;Denver, 2002;Keating, 2016;McEwen,2002). Si la position du Parti conservateur sur la création d’un Parlement en Écosse a souvent changé pour des rai-sons électorales1, la Première ministre Thatcher a finalement condamné cette option.

1. Suite à la défaite de son parti lors des élections générales de 1966, le chef du Parti conservateur et futur Premier ministre Edward Heath a notamment soulevé la possibilité de la création de parlements au Pays de Galles et en Écosse afin d’augmenter les appuis pour son parti dans ces régions. La Première

(14)

Elle estimait notamment que la dévolution allait inévitablement mener l’Écosse vers la sortie du Royaume-Uni. Cette position a également été réitérée par les chefs du Parti conservateur qui ont succédé à Thatcher, soit le Premier ministre John Major et William Hague (Bale, 2012, 225-227 ; Bochel et collab., 1998, 168-169). L’opposition du Parti conservateur à la création d’un Parlement en Écosse en fit aux yeux des Écossais une formation politique représentant des intérêts du centre du pays, au détriment de ceux des périphéries celtiques du Royaume-Uni (Curtice,2012; Randall et Seawright, 2015). Malgré ces facteurs historico-politiques difficiles, le Parti conservateur écossais a remar-quablement amélioré ses résultats électoraux lors des élections écossaises de 2016. Pour la première fois depuis les élections écossaises de 1999, le Parti conservateur écossais a remplacé le Parti travailliste comme opposition officielle au Parlement. Avec 31 sièges, il a obtenu le deuxième plus grand nombre de voix après le Scottish National Party, soit 22.5% des votes écossais. Comme le démontre la Figure0.1, le Parti travailliste écossais a été le parti au gouvernement lors des premières années du Parlement écossais. Malgré sa défaite en 2007, le Parti travailliste restait, jusqu’à l’élection de 2016 la principale force d’opposition au Scottish National Party au pouvoir (Aiton et collab., 2016). Figure 0.1 – Résultats des principaux partis écossais depuis l’élection écossaise de 1999

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 1999 2003 2007 2011 2016 Nombre de sièg es au parlement écossais 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 1999 2003 2007 2011 2016 % des v otes écossais

Partis : Conservateur Vert Travailliste Lib−Dem SNP

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 1999 2003 2007 2011 2016 Nombre de sièg es au parlement écossais 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 1999 2003 2007 2011 2016 % des v otes écossais

Partis : Conservateur Vert Travailliste Lib−Dem SNP

Source :Aiton et collab.(2016).

ministre Thatcher avait également promis la création d’un Parlement écossais lors d’un rassemblement politique à Glasgow peu après son élection à la tête du Parti conservateur en 1975 (Bale,2012).

(15)

Depuis la création du Parlement écossais, le vote du Parti conservateur écossais stagnait autour de 15% des voix. Si le déclin du Parti travailliste à partir de l’élection écossaise de 2007, a profité électoralement au Scottish National Party, la Figure 0.1 démontre que c’est le Parti conservateur écossais qui a bénéficié électoralement de la chute des travaillistes lors de l’élection écossaise de 2016. En effet, on observe un léger recul des appuis du SNP qui a obtenu un gouvernement minoritaire avec 63 sièges et du Parti travailliste qui a perdu 13 sièges lors de cette même élection (Anderson, 2016; Johns et collab., 2009;Mazzoleni, 2009).

Tel que montré par la Figure0.2, la montée des Conservateurs en Écosse s’est maintenue lors des élections générales britanniques de 2017, car le Parti conservateur britannique, aidé logistiquement et politiquement par sa branche écossaise et par l’implication directe dans la campagne de sa cheffe locale, Ruth Davidson, a fini deuxième et a obtenu le plus grand nombre de sièges dans la région, après le Scottish National Party, soit 13 sièges à Westminster et 28.6% des voix écossaises (Keating,2016;Scottish Conservative Party,

2017).

Figure 0.2 – Résultats électoraux des principaux partis britanniques en Écosse depuis l’élection britannique de 2001 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 2001 2005 2010 2015 2017 Nombre de sièg es écossais à W estminster 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 2001 2005 2010 2015 2017 % de v

otes des Écossais

Partis : Conservateur Travailliste Lib−Dem SNP

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 2001 2005 2010 2015 2017 Nombre de sièg es écossais à W estminster 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 2001 2005 2010 2015 2017 % de v

otes des Écossais

Partis : Conservateur Travailliste Lib−Dem SNP

Source :Apostolova et collab.(2017).

Bien que la baisse des appuis du Scottish National Party a également bénéficié au Parti travailliste écossais, lors de l’élection britannique de 2017, le Parti conservateur écossais est devenu le deuxième parti politique d’Écosse, ce qui était un scénario difficilement

(16)

concevable, du fait de son étroite association à sa branche britannique, très impopulaire chez les électeurs écossais (Convery, 2016; Curtice, 2012; Denver, 2002; Hepburn et McLoughlin, 2011;Johns et collab., 2013;Johns et collab.,2009).

Il est possible que les récents bons résultats du Parti conservateur écossais soient ex-pliqués par son repositionnement idéologique par rapport au Parti conservateur britan-nique, afin de rejoindre l’électorat écossais. Cette hypothèse est plausible, car le Parti conservateur britannique a longtemps misé sur l’Angleterre, plus imposante électorale-ment que l’Écosse, pour faire des gains (Convery, 2013;Green,2011;Steven et collab.,

2012; Webb et Bale, 2014). En effet, l’approche downsienne, dite de proximité, des

théories spatiales du vote démontre que les partis politiques s’adaptent à leur électorat, notamment en allant chercher les électeurs médians ou centristes, en modérant leurs positions idéologiques. Cette stratégie fut notamment adoptée par les partis de gauche, comme le Parti travailliste britannique, à partir de la deuxième moitié des années 90. Le Parti conservateur écossais s’est possiblement éloigné du Parti conservateur britannique afin de se rapprocher de l’électeur écossais pour maximiser ses gains électoraux (Dalton et McAllister, 2015; Downs,1957; Karreth et collab.,2013).

Il est également possible que le Parti conservateur écossais soit plutôt resté proche des électeurs conservateurs d’Écosse et du Parti conservateur britannique en général afin d’envoyer un signal idéologique clair à la droite écossaise. L’approche directionnelle des théories spatiales du vote explique notamment que les partis évoluant dans un système politique multipartite vont adopter des positions à la limite de la zone d’acceptabilité des électeurs de son côté du spectre idéologique afin de maximiser ses gains (Macdonald

et collab., 1991;Rabinowitz et Macdonald,1989; Wheatley et collab., 2014).

Questions de recherche

Afin de comprendre la montée du Parti conservateur écossais dans cette région du Royaume-Uni, ce mémoire est divisé en deux chapitres distincts avec leur question de recherche propre. Le premier chapitre de ce mémoire se penche sur les clivages idéologiques influençant le vote des Conservateurs au Royaume-Uni et en Écosse, à partir du cas de l’élection britannique de 2017. La question de recherche de ce premier chapitre sera donc : Quel clivage idéologique a eu le plus d’effet sur le vote conservateur

(17)

en Écosse et au Royaume-Uni, aux élections de 2017 ?

Ce chapitre évalue quel clivage idéologique prédit le mieux un vote pour le Parti conser-vateur au Royaume-Uni et en Écosse en fonction du positionnement de ces derniers sur l’échelle de mesure. En plus d’une revue succincte de la littérature sur les clivages idéo-logiques importants au Royaume-Uni, le premier chapitre de ce mémoire apporte une contribution empirique à cette dernière. Ce chapitre évalue la probabilité de voter pour le Parti conservateur au Royaume-Uni et en Écosse en fonction de la position des vo-tants sur les principaux clivages identifiés, lors de l’élection générale de 2017, à partir d’échelles de mesure idéologiques dont la fiabilité est confirmée avec des analyses fac-torielles (Cochrane, 2013; Kriesi et collab., 2006; Van der Brug et Van Spanje, 2009;

Van Elsas et Van Der Brug, 2015).

Le deuxième chapitre de ce mémoire se penche sur l’évolution du positionnement des Partis conservateurs écossais et britannique sur les clivages idéologiques évaluées dans le premier chapitre. Il évalue si les Partis conservateurs britannique et écossais se sont éloigner idéologiquement entre 2012 et 2019 à partir de données d’enquêtes électorales et de textes parlementaires. La deuxième question de recherche de ce mémoire est donc : Le Parti conservateur écossais s’est-il éloigné du Parti conservateur britannique sur des enjeux liés aux principaux clivages idéologiques étudiés de 2012 à 2019 ?. Ainsi, ce deuxième chapitre évalue si l’éloignement idéologique des deux partis peut expliquer les récents bons résultats du Parti conservateur écossais. La section suivante de cette introduction présente une revue de la littérature à propos du Parti conservateur bri-tannique et de son approche quant à la question territoriale au Royaume-Uni. Les deux dernières sections présentent les deux chapitres de ce mémoire.

Le Parti conservateur britannique et la question

territoriale

Pour comprendre la position du Parti conservateur écossais sur l’échiquier politique, il est nécessaire de décrire l’évolution du Parti conservateur britannique sur la question territoriale, les deux partis étant liés institutionnellement (Convery, 2016). Avant le référendum sur la dévolution proposé par le gouvernement travailliste de Tony Blair

(18)

en 1997, le Parti conservateur britannique était principalement opposé à la création de parlements régionaux et à la décentralisation des pouvoirs de Westminster vers ses régions (Randall et Seawright, 2015, 107-109).

On peut retracer l’opposition du Parti conservateur aux revendications régionalistes des différentes nations constitutives du pays aux revendications autonomistes des Irlandais à la fin du XIXe siècle. Le Parti conservateur s’est notamment opposé aux différents projets de loi dit « Home Rule » proposés par le Premier ministre libéral William Ewart Gladstone et qui visaient à octroyer un Parlement à l’Irlande. Ces tentatives de décentralisation législative visaient à déléguer l’administration des politiques locales aux Irlandais, tout en gardant la mainmise du Parlement britannique sur la gestion des politiques impériales et internationales (Fitzsimons, 1960, 194 ; Jackson, 2005, 18-25 ;

McCaffrey, 1960, 78-80 ; Seawright et Curtice, 1995). L’opposition du Parti

conserva-teur aux revendications régionalistes était principalement due à son idéologie unioniste2 prônant l’unité politique du Royaume-Uni sous la gouvernance du Parlement britan-nique (Aughey,2005, 18-23 ;Lynch,2015a, 125-127 ;Norton,2005, 105-109 ;Seawright,

2005, 70-71).

Néanmoins, le Parti conservateur est resté flexible sur cet enjeu pour des raisons stra-tégiques. Le Premier ministre Edward Heath s’est notamment montré ouvert à une certaine dévolution législative des pouvoirs de Westminster vers les nations celtiques du Royaume-Uni, avec la déclaration de Perth, surtout pour freiner la croissance du SNP vers la fin des années 60. La Première ministre Thatcher, alors cheffe de l’opposi-tion, a définitivement condamné cette opl’opposi-tion, en adoptant une position ferme sur toute dévolution des pouvoirs de Westminster. Comme le démontre Mazzoleni (2009), peu d’attention fut accordée à l’enjeu de la décentralisation des pouvoirs de Westminster vers l’Écosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord dans les plateformes électorales du Parti conservateur, jusqu’à l’élection de 1997 (Convery,2016;Randall et Seawright,

2015;Seawright et Curtice, 1995).

2. Au Royaume-Uni, le clivage centre-périphérie, soit le clivage opposant les tenants d’un gouver-nement central fort et les partisans d’une plus grande autonomie des gouvergouver-nements régionaux, est communément appelé le clivage unioniste-nationaliste (Lynch,2007, 329).

(19)

Le Parti conservateur écossais : Une succursale de la

maison-mère ?

Après le référendum de 1997 sur la dévolution, le Parti conservateur britannique s’est progressivement éloigné de sa position anti-dévolution qui était la sienne depuis les mandats de Thatcher afin de s’adapter au contexte politique post-référendaire. Bien que le Parti conservateur britannique soit resté relativement centralisateur sous la di-rection de William Hague, ce dernier a mené une importante réforme organisationnelle de son parti, communément appelée « The Fresh Future ». Hague a notamment créé de nouvelles structures régionales pour que les instances écossaises soient plus auto-nomes dans leur gestion des dossiers politiques au Parlement écossais. Cette réforme a notamment permis à la branche écossaise du Parti conservateur de choisir ses propres candidats et d’élire son chef local. « The Fresh Future » a également mené à la création d’un bureau central pour la section écossaise du parti (Convery,2016; Heppell,2014). Bien que le Parti conservateur écossais se soit vu octroyer une importante autonomie sur la gestion de ses affaires locales, ce dernier n’a eu que peu de droit de regard concernant les décisions prises sur le fonctionnement de l’ensemble du parti. « The Fresh Future » a, contrairement aux attentes, contribué à renforcer le pouvoir de la maison-mère dans la prise de décisions stratégiques. En effet, le Parti conservateur écossais ne s’est pas vu octroyer un droit de regard sur le programme du parti par rapport aux questions touchant l’ensemble du Royaume-Uni. Cette situation était également accentuée par la faible représentation conservatrice écossaise au Parlement britannique. En effet, aucun député du Parti conservateur n’a été élu en Écosse lors de l’élection de 1997. De l’élection de 2001 à celle de 2015, les conservateurs n’ont fait élire qu’un seul député écossais au Parlement britannique (voir Figure 0.2). Cette situation a réduit l’importance de l’Écosse dans la stratégie électorale conservatrice qui s’est concentrée sur l’Angleterre pour faire des gains. Elle a également amené le Parti conservateur à nommer des représentants parlementaires venant de l’Angleterre pour l’Écosse (dit Shadow Secretary of State for Scotland en anglais), jusqu’en 2005, soulignant ainsi le problème de la représentation conservatrice dans cette région du pays. Les successeurs de William Hague à la tête du Parti conservateur, soit Ian Duncan Smith et Michael Howard, se sont peu intéressés sur les questions territoriales et sur le développement de la branche écossaise du parti lors de leur mandat à sa tête. Ces derniers ont plutôt

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travaillé à la reconstruction du parti, toujours divisé à l’interne entre sa faction europhile et eurosceptique. Ils ont également travaillé sur le développement d’une image plus conciliante sur le plan de l’économie afin d’éloigner le parti de son héritage thatchérien (Convery,2013; Convery, 2016; Detterbeck,2012;Mazzoleni,2009; Steven et collab.,

2012).

Bien que la branche écossaise du Parti conservateur s’est adaptée à la dévolution sur le plan organisationnel,Convery (2016) explique que ce dernier ne cherchait pas l’autono-mie complète par rapport à sa maison-mère. En effet, le Parti conservateur écossais s’est plutôt contenté de gérer les affaires parlementaires pour la maison-mère à Holyrood, le Parlement écossais. Après le référendum de 1997, une frange significative des membres du Parti conservateur écossais était toujours opposée au principe de la dévolution et ses dirigeants étaient déterminés à ne pas interférer avec les objectifs pan-nationaux de la maison-mère (Convery, 2016).

Si la possibilité de se séparer formellement du Parti conservateur britannique a été soulevée lors de la course au leadership du Parti conservateur écossais de 2011, ses membres ont finalement rejeté cette option en élisant Ruth Davidson à sa tête. Cette dernière était fortement opposée à la séparation des deux partis et elle voulait que la position du Parti conservateur écossais sur la dévolution s’en tienne à la nouvelle mouture du Scotland Act présentée par le gouvernement de coalition de David Cameron en 2010. Murdo Fraser, le candidat qui a fini second lors de cette course au leadership, a proposé la séparation formelle du Parti conservateur écossais du Parti conservateur britannique, afin de changer son image d’un parti anti-écossais auprès des électeurs de la région. Fraser estimait que le renouvellement du conservatisme en Écosse passait par la refonte du Parti conservateur écossais en une nouvelle formation politique de droite séparée, mais alliée au Parti conservateur britannique, à partir du modèle de la CDU et de la CSU en Allemagne. Bien que Murdo Fraser ait perdu la course, un nombre important de membres du Parti conservateur écossais ont voté pour sa candidature. Ruth Davidson l’a remporté au troisième tour du scrutin3 avec 55.24% des voix4, alors que Murdo Fraser a récolté 44.76% des voix (Convery, 2012;Loughlin et Viney, 2015;

McGarvey,2015; Torrance, 2012).

3. Le mode de scrutin utilisé pour la course au leadership du Parti conservateur en 2011 fut le vote alternatif (Convery,2012).

4. Ruth Davidson a remporté 40.1% des voix au premier tour du scrutin, alors que Murdo Fraser a remporté 36.9% des voix (Convery,2012).

(21)

L’influence de cette frange sur le positionnement du Parti conservateur écossais reste à évaluer, car cette dernière a pu avoir un impact sur le positionnement idéologique du parti. Selon Convery (2016), le Parti conservateur écossais reste toujours proche insti-tutionnellement du Parti conservateur britannique, malgré les chocs politiques internes et externes au parti, sous le mandat de Ruth Davidson à sa tête, comme le référendum sur l’indépendance de l’Écosse de 2014. Convery (2016) suggère que cette proximité institutionnelle démontre que le Parti conservateur écossais est resté idéologiquement proche de sa maison-mère, telle que le désirait Ruth Davidson lors de la course à la chefferie de 2011.

Cameron et la question écossaise

Le gouvernement de coalition sous la direction de David Cameron a promis d’accroître les pouvoirs des parlements régionaux suite au rapport de la commission Calman mise en place par le Parlement écossais. Cette commission visait à évaluer les effets de la dévolution et à apporter des changements si nécessaire au Scotland Act de 1998. Les conclusions de la commission Calman suggéraient que le gouvernement britannique devait octroyer dix points d’impôt de plus et plus de pouvoirs de taxations au Par-lement écossais afin de respecter l’esprit de la loi de 1998. Le Scotland Act de 2012 fut adopté afin d’implanter les conclusions du rapport Calman. Bien que le rapport ait mené à l’adoption du Scotland Act de 2012, le référendum sur l’indépendance de l’Écosse de 2014 a amené le gouvernement Cameron à promettre d’accroître les pouvoirs du Parlement écossais pour conserver la région à l’intérieur de l’union britannique. Les Conservateurs ont notamment promis d’octroyer au Parlement écossais le prélèvement de la taxe sur le revenu et le contrôle d’une portion de la taxe sur les biens et les services ou des compétences législatives comme la gestion de l’aide au logement (Loughlin et

Viney, 2015; McGarvey, 2015).

Cette plus grande décentralisation asymétrique des pouvoirs de Westminster vers le Parlement écossais a suscité de la frustration chez les députés conservateurs de l’Angle-terre qui n’avaient plus de droit de regard sur de nombreux dossiers politiques touchant l’Écosse. En effet, si les députés écossais à Westminster ont le droit de voter et de se pro-noncer sur les dossiers politiques touchant l’Angleterre, les députés anglais ne peuvent plus se prononcer sur les questions touchant les compétences dévolues au Parlement

(22)

écossais. Cette situation amena le Parti conservateur sous la direction de David Came-ron à appuyer une solution déjà proposée par William Hague lorsqu’il était lui-même chef du parti. Les Conservateurs proposèrent d’accorder seulement aux députés anglais le droit de voter sur des projets de loi touchant l’Angleterre au Parlement britannique. Cette série de procédures parlementaires, communément appelée (English votes for En-glish laws) au Royaume-Uni, se voulait une solution de remplacement à la proposition de créer un Parlement pour l’Angleterre (Guibernau,2007; Keating et Laforest, 2018;

McGarvey,2015).

Contre l’avis des Travaillistes dans l’opposition et celle des Libéraux-démocrates avec lesquels ils formaient le gouvernement, les Conservateurs de David Cameron ont poussé pour l’implantation de l’EVEL juste après le référendum de 2014 sur l’indépendance de l’Écosse. Selon Bale (2016), la priorisation de ce dossier à la Chambre des communes démontrait le détachement du Parti conservateur britannique de la question écossaise, à la suite d’un référendum aux résultats plus serrés qu’attendus, soit 55.3% pour l’option du non et 44.7% pour le camp du oui. L’appui du Parti conservateur britannique pour une telle mesure illustrait le clivage prononcé entre l’Angleterre, dont 98% des députés conservateurs à Westminster provenaient en 2014, et l’Écosse. Le dossier de l’EVEL et le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne en 2017 ont contribué à renforcer l’image d’un Parti conservateur et de sa branche écossaise comme étant défenseur des intérêts et d’un nationalisme anglais au détriment des intérêts de l’Écosse (Bale, 2016; Henderson et collab., 2017; Randall et Seawright, 2015). Or, les récents résultats du Parti conservateur écossais (voir les Figures 0.1 et 0.2) pourraient être expliqués par son repositionnement par rapport au Parti conservateur britannique pour se rapprocher de l’électorat écossais.

Résumé du premier chapitre : Clivages idéologiques et

le vote conservateur en 2017

La littérature démontre que les idéologies, ou systèmes de croyances5 selon les termes

de Converse (1964), demeurent un important facteur prédictif du vote, du fait de la

5. Converse(1964) définit une idéologie comme étant un ensemble d’idées ou d’enjeux liés par la

contrainte ou par interdépendance. Cette définition d’une idéologie est celle qui est privilégiée dans ce mémoire.

(23)

plus grande polarisation des électeurs et des partis politiques sur de nombreux enjeux saillants dans les pays occidentaux (Abramowitz et Saunders, 1998; Abramowitz et

Saunders, 2006; Jost, 2006; Lachat, 2008; Lewis-Beck et collab., 2008). De nombreux

chercheurs démontrent empiriquement que certains clivages idéologiques sont impor-tants pour comprendre les divisions politiques des démocraties occidentales. C’est par-ticulièrement le cas au Royaume-Uni où trois clivages idéologiques ont été identifiés comme étant très saillants dans les débats politiques de ce pays (Wheatley et collab.,

2014;Wheatley,2016). Suite à la montée du Parti conservateur écossais (voir les Figures

0.1 et 0.2), le premier chapitre de ce mémoire cherche à mesurer l’effet des principaux clivages idéologiques identifiées dans la littérature sur le vote pour le Parti conservateur au Royaume-Uni et en Écosse, lors des élections britanniques de 2017. Il tente ainsi de voir quel clivage idéologique est le plus important facteur prédictif du vote conserva-teur au Royaume-Uni et en Écosse en 2017 en fonction du positionnement des élecconserva-teurs sur les trois principaux clivages. La question de recherche de ce premier chapitre est : Quel clivage idéologique a eu le plus d’effet sur le vote conservateur en Écosse et au Royaume-Uni, aux élections de 2017 ?.

Les paragraphes suivants décrivent brièvement les trois importants clivages idéologiques au Royaume-Uni par rapport aux élections britanniques de 2017, les hypothèses de ce chapitre du mémoire et les données et méthodes utilisées pour répondre à sa question de recherche.

Certains politologues suggèrent empiriquement qu’un nouveau clivage politique a pris de l’importance par rapport aux anciennes divisions idéologiques en politique européenne. C’est notamment le constat de Kriesi (1998) qui affirme que les clivages qui ont tradi-tionnellement animé les principaux débats politiques européens sont en déclin. Comme

Inglehart(2015),Kriesi(1998) explique que l’amélioration des conditions de vie des Oc-cidentaux a mené à l’apparition d’un nouveau clivage politique opposant les gagnants et les perdants de la transformation de l’Occident. Ce nouveau clivage politique, que Kriesi qualifie de "culturel", serait un des deux principaux clivages idéologiques en Eu-rope, en plus du clivage économique gauche-droite. De nombreuses études démontrent empiriquement que le clivage culturel est distinct du clivage économique gauche-droite, car les acteurs politiques des deux côtés du clivage culturel ne sont pas nécessairement du même côté par rapport au clivage économique. Les indicateurs de ce clivage sont principalement la position des électeurs ou des partis sur les enjeux liés à

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l’immigra-tion, sur les enjeux liés à l’intégration des pays d’Europe à l’Union européenne et sur les enjeux liés aux questions identitaires et morales sur le plan social (Bornschier,2010;

De Vries et Edwards, 2009; De Vries et collab., 2013; Kriesi, 1998; Kriesi et collab.,

2006;Kriesi et collab., 2008; Wheatley, 2016).

Le clivage culturel est particulièrement important au Royaume-Uni du fait de nombreux enjeux saillants liés à ce dernier. Les enjeux liés à l’immigration et liés au processus d’intégration du Royaume-Uni à l’Union européenne ont particulièrement animé les débats politiques de ce pays. Ils ont été très importants dans la stratégie électorale du Parti conservateur britannique, longtemps divisé sur ces questions, depuis la fin du mandat de Thatcher à la tête de la formation politique en 1990. La montée du UKIP6, un parti politique ouvertement europhobe et anti-immigration, a poussé le Parti conservateur à adopter un positionnement plus eurosceptique sur l’Europe et plus ferme sur l’immigration. La pression du UKIP a finalement amené le Premier ministre du Royaume-Uni et chef du Parti conservateur, David Cameron, à promettre un référendum7 sur le maintien ou la sortie du pays au sein de l’Union européenne en 2016 (Bale, 2012; Bale,2016; Webb et Bale, 2014; Wheatley, 2015;Wheatley, 2016). Si le Royaume-Uni a choisi de sortir de l’Union européenne, après un référendum sur la question en 2016, les enjeux liés au Brexit étaient toujours saillants lors des élections générales britanniques de 2017 du fait des négociations à venir avec l’Union européenne.

Mellon, Jonathan and Evans, Geoffrey and Fieldhouse, Edward and Green, Jane and

Prosser, Christopher (2018) démontrent que les électeurs britanniques ont

principale-ment fait leur choix en fonction des enjeux liés à ce clivage. Les électeurs du UKIP auraient notamment changé d’allégeance pour le Parti conservateur de Theresa May, alors que les Remainers8 ont voté pour le Parti travailliste de Jeremy Corbyn. Cette question a été également un élément important de la campagne électorale de 2017 en Écosse, car les Écossais ont choisi en nombres conséquents de demeurer dans l’Union eu-ropéenne lors du référendum de 2016. La question eueu-ropéenne a mainte fois été soulevée par le Scottish National Party qui a promis de tenir un référendum sur l’appartenance de l’Écosse au Royaume-Uni afin de rester membre du marché unique européen (Hepburn

et McLoughlin, 2011; Hobolt,2018; Uberoi, 2016).

6. United Kingdom Independence Party en anglais. 7. Communément appelé Brexit ou British exit.

(25)

Bien que son importance dans le paysage politique européen est remise en question, le clivage économique reste important pour comprendre la politique au Royaume-Uni (Kriesi et Frey,2008). Comme le démontreHobolt(2018), les enjeux liés au clivage éco-nomique gauche-droite étaient aussi très saillants lors des élections de 2017, car Jeremy Corbyn, le chef du Parti travailliste, a promis d’accroître la taille de l’État britannique en investissant substantiellement dans les services publiques et en nationalisant certains secteurs clés de l’économie du pays. L’impact du clivage économique par rapport au cli-vage culturel sur le vote conservateur lors des élections de 2017 reste à être mesuré

(Hobolt, 2018; Mellon, Jonathan and Evans, Geoffrey and Fieldhouse, Edward and

Green, Jane and Prosser, Christopher, 2018; Wheatley,2015;Wheatley, 2016).

Wheatley et collab. (2014) démontrent empiriquement que le clivage centre-périphérie

est également un des clivages idéologiques expliquant le plus le comportement électoral des électeurs des nations celtiques du Royaume-Uni comme l’Écosse. Il démontrent notamment que le clivage centre-périphérie de Lipset et Rokkan (1967) est le clivage central des débats politiques en Écosse. Les indicateurs principaux de ce clivage au Royaume-Uni restent la position des électeurs et des partis politiques par rapport au processus de dévolution des pouvoirs de Westminster vers les parlements des périphéries celtiques du Royaume-Uni (Johns et collab.,2013;Wheatley et collab.,2014). Les gains des Conservateurs britanniques au détriment du SNP en Écosse lors de l’élection de 2017 (voir Figure0.2) pourraient être expliqués par l’importance des enjeux liés à l’unité du Royaume-Uni suite au Brexit. En effet, suite au Brexit, le SNP a proposé de tenir un référendum pour sortir du Royaume-Uni afin de rester membre de l’Union européenne et du marché unique européen (Bale,2016). La plateforme électorale du Parti conservateur écossais pour l’élection britannique de 2017 semble attester de l’importance des enjeux liés au clivage centre-périphérie, car elle met l’accent sur l’importance de bloquer un potentiel deuxième référendum du SNP sur l’indépendance de l’Écosse afin de protéger l’intégrité du pays (Scottish Conservative Party, 2017).

Des études démontrent également que les électeurs écossais votant ou s’identifiant comme Conservateurs ont tendance à être pro-centre plutôt que pro-périphérie.Curtice

(2012) note que les électeurs du Parti conservateur écossais s’identifiaient notamment comme britanniques ou seulement comme étant britanniques. Les électeurs du Parti conservateur en Écosse sont également davantage opposés à l’octroi de plus de pouvoirs au Parlement écossais. Ainsi, le clivage centre-périphérie reste un important facteur

(26)

ex-plicatif du vote des électeurs conservateurs des nations périphériques du Royaume-Uni comme l’Écosse (Alonso et collab., 2015; Bale, 2016; Curtice, 2012; Johns et collab.,

2013;Wheatley et collab.,2014).

Figure 0.3 – Distribution des électeurs sur l’échelle gauche-droite sur le clivage écono-mique lors de l’élection générale britannique de 2017

0 0.1 0.2

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Position sur l'échelle gauche−droite

Densité

Partis : SNP Conservateur Travailliste

Source : British Election Study Inter-election panels de 2014-2017 (n=15634).

Note : Les répondants ont inclusivement répondu à la 11e à la 13e vague de l’enquête électorale. L’échelle mesure la position des répondants de 0 (pour très à gauche) à 10 (pour très à droite) sur le clivage économique. Le graphique montre les trois partis les plus importants lors de l’élection de 2017. En effet, le Parti conservateur, le Parti travailliste et le Scottish National Party ont obtenu plus de 85 % des voix au Royaume-Uni, plus de 90% des voix en Écosse et 95% des sièges à Westminster.

Comme l’expliqueHobolt(2018), les enjeux liés au clivage économique ont été particu-lièrement saillants lors de l’élection de 2017, du fait du programme très interventionniste des Travaillistes de Corbyn (Hobolt,2018). Néanmoins, même si le clivage gauche-droite sur le plan économique reste important au Royaume-Uni, les études dénotent une dé-polarisation des électeurs britanniques sur les enjeux liés à l’économie, depuis le début

(27)

des années 90 (Adams et collab.,2012; Green, 2007; Wheatley et collab.,2014). Figure 0.4 – Distribution des électeurs sur l’échelle culturelle en 2017

0 0.1 0.2

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Position sur l'échelle culturelle

Densité

Partis : SNP Conservateur Travailliste

Source : British Election Study Inter-election panels de 2014-2017 (n=15145).

Note : Les répondants ont inclusivement répondu à la 11e à la 13e vague de l’enquête électorale. L’échelle mesure la position des répondants de 0 (pour très cosmopolite) à 10 (pour très communau-tariste) sur le clivage culturel.

En effet, la littérature tend à démontrer que le clivage économique est moins déterminant qu’avant pour expliquer le vote des Britanniques. Comme l’expliquentMellon, Jonathan and Evans, Geoffrey and Fieldhouse, Edward and Green, Jane and Prosser, Christopher

(2018), les Britanniques semblent avoir voté principalement selon leur position sur la question européenne, lors de l’élection générale de 2017. La Figure0.39 montre que les

9. Les échelles de mesure des différents clivages idéologiques étudiés dans le chapitre 1 de ce mémoire sont construites avec plusieurs variables, afin de réduire les erreurs de mesures causées par l’utilisation d’une seule variable. Toutes les échelles de mesure idéologiques sont construites avec une variable, à des fins introductives. Seule l’échelle culturelle est construite avec plus d’une variable, soit une variable sur l’appui des répondants à l’Europe et une variable sur leur appui à l’immigration au Royaume-Uni. L’échelle culturelle comptera également plus de variables dans le premier chapitre (Ansolabehere

(28)

électeurs conservateurs et travaillistes sont moins polarisés sur le clivage économique gauche-droite.

Figure 0.5 – Distribution des électeurs écossais sur la dévolution, en 2017

0 0.1 0.2

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Position sur la dévolution

Densité

Partis : SNP Conservateur Travailliste

Source : British Election Study Inter-election panels 2014-2017 (n=1583).

Note : Les répondants ont inclusivement répondu à la 11e à la 13e vague de l’enquête électorale. L’échelle mesure la position des répondants de 0 (pour plus de dévolution de pouvoir vers le Parlement écossais ou pro-périphérie) à 10 (pour beaucoup moins de pouvoir pour le Parlement écossais ou pro-centre).

Au contraire, la distribution de la Figure 0.4 montre que les électeurs des principaux partis restent plus polarisés sur les enjeux liés au clivage culturel, comme l’appui à l’Union européenne ou leur positionnement sur l’immigration. Cette observation est conséquente avec cellesDe Vries et collab. (2013) ouKriesi(1998) sur la prédominance du clivage culturel sur les scènes politiques européennes (De Vries et Edwards, 2009;

De Vries et collab., 2013; Kriesi, 1998; Kriesi, 2007; Kriesi et collab., 2006; Mellon,

et collab.,2008). Le positionnement des votants écossais sur les échelles idéologiques sera évalué au même titre que le positionnement des électeurs de l’ensemble du Royaume-Uni.

(29)

Jonathan and Evans, Geoffrey and Fieldhouse, Edward and Green, Jane and Prosser, Christopher,2018).

Comme l’expliquent Johns et collab. (2013) ou Wheatley et collab. (2014), le clivage centre-périphérie reste important pour comprendre le choix des électeurs des nations celtiques du Royaume-Uni comme l’Écosse. Comme le montre la Figure0.5, il y a une certaine polarisation entre les électeurs du SNP par rapport aux électeurs conserva-teurs sur la question de la dévolution des pouvoirs de Westminster vers le Parlement écossais. Cela concorde avec les études qui démontrent que les électeurs du Parti conser-vateur sont généralement plus réfractaires à l’octroi de plus de pouvoir au Parlement écossais (Johns et collab., 2013; Johns et collab., 2009; Wheatley et collab., 2014). Bien que le Parti travailliste était le meneur du camp du non lors du référendum sur l’indépendance de l’Écosse de 2014 (McGarvey, 2015), la Figure 0.5 montre une plus grande distribution d’électeurs du Parti conservateur à l’extrémité de l’échelle centre-périphérie par rapport à ceux des autres partis. La distribution des électeurs travaillistes et libéraux-démocrates est moins prononcée que celle des Conservateurs, après le point 4 sur l’échelle de la dimension centre-périphérie, démontrant que les électeurs du Parti conservateur sont plus pro-centre que les électeurs des autres partis unionistes en Écosse. Les distributions des électeurs travaillistes et libéraux-démocrates suggèrent également que les votants de ces deux partis sont plutôt proches idéologiquement sur la question de la dévolution. Les électeurs du Parti conservateur se démarquent donc de ceux du Parti travailliste et ceux des Libéraux-démocrates, car ils sont plus en défaveur de la dévolution des pouvoirs de Westminster vers le Parlement écossais. La littérature sur la question amène les trois hypothèses suivantes :

Hypothèse 1: Plus les électeurs sont du côté communautaire de l’échelle culturelle, plus leur probabilité de voter pour le Parti conservateur au Royaume-Uni et en Écosse est élevée

Hypothèse 2: Plus les électeurs sont du côté pro-centre de l’échelle centre-périphérie, plus leur probabilité de voter pour le Parti conservateur en Écosse est forte

Hypothèse 3: Plus les électeurs sont à droite sur l’échelle économique gauche-droite, plus leur probabilité de voter pour le Parti conservateur au Royaume-Uni comme en Écosse est importante

(30)

Afin de répondre à la question de recherche de ce premier chapitre, les analyses de ce der-nier se basent sur les données de panel du British Election Study de 2014 à 2017. 21558 répondants ont répondu aux questions avant, pendant et après la campagne électorale de 2017 (la vague 11 à 13 de l’enquête), soit un nombre d’observations assez impor-tant pour faire des inférences descriptives sur l’effet des clivages idéologiques étudiés sur le vote Conservateur au Royaume-Uni. Le panel de 2014-2017 du British Election Study compte également de nombreuses questions pertinentes pour la construction des échelles de mesure des clivages idéologiques évalués dans ce chapitre, en plus des va-riables contrôles sociodémographiques. En effet, les 21558 répondants des vagues 11 à 13 ont respectivement répondu aux questions posées lors de la vague correspondant au référendum écossais de 2014. De nombreuses questions posées lors de cette période sont pertinentes pour la construction de l’échelle liée à la dimension idéologique centre-périphérie (Adams et collab.,2012;Eijk Van Der et collab.,2017;King et collab.,1994;

Lewis-Beck et collab.,2008; Wheatley et collab., 2014; Wheatley, 2015).

Les échelles de mesure des clivages idéologiques étudiés sont construites à partir d’ana-lyses factorielles. Cette méthode est privilégiée, car une analyse factorielle décrit la corrélation entre les différents indicateurs d’un phénomène latent. D’autres indicateurs comme l’alpha de Cronbach sont utilisés pour évaluer la cohérence interne des échelles de mesure idéologique. La première valeur propre est également un des indicateurs uti-lisés pour évaluer la fiabilité des échelles de mesure idéologique (Kim et Mueller,1978).

Ansolabehere et collab.(2008) démontrent également que la construction d’échelles de

mesure d’enjeux ou d’idéologies avec plusieurs indicateurs (variables) permet de réduire les erreurs de mesures liées à l’utilisation d’une seule variable pour évaluer le position-nement idéologique des électeurs. Des modèles de régression logistique sont privilégiés pour tester les hypothèses de ce chapitre. La probabilité de voter pour le Parti conser-vateur britannique, en fonction du positionnement des électeurs sur les trois clivages idéologiques étudiés, (et des contrôles sociodémographiques adéquats) est évaluée par les probabilités prédites des modèles de régression (Hanmer et Ozan Kalkan, 2013;

(31)

Résumé du deuxième chapitre : Proximité idéologique

des Conservateurs écossais et britanniques

Le deuxième chapitre de ce mémoire évalue directement si le Parti conservateur bri-tannique et sa branche écossaise se sont éloignés idéologiquement dans le temps sur des enjeux et indicateurs des trois clivages idéologiques identifiées dans le premier cha-pitre. La question de ce chapitre est : Le Parti conservateur écossais s’est-il éloigné du Parti conservateur britannique sur des enjeux liés aux principaux clivages idéolo-giques étudiés de 2012 à 2019 ? Ainsi, le deuxième chapitre tente de savoir si le Parti conservateur écossais s’est éloigné du Parti conservateur britannique, afin de rejoindre l’électorat écossais, depuis le début du mandat de Ruth Davidson, l’actuelle cheffe du Parti conservateur écossais, à sa tête.

Sur le plan institutionnel aussi bien qu’organisationnel, les études tendent à démontrer que les Partis conservateurs britannique et écossais restent étroitement liés (Bradbury,

2009; Detterbeck, 2012). C’est également le constat de Convery (2016) qui explique

que le Parti conservateur écossais reste une formation politique qui s’est difficilement adaptée à la dévolution du fait de son étroite association avec le Parti conservateur britannique. Si le Parti conservateur écossais a accepté la dévolution sur le plan pro-grammatique, Convery juge que ce n’est pas le cas sur le plan philosophique. Il démontre que le Parti conservateur écossais reste attaché à son identité britannique sur le plan constitutionnel et par le fait même aux intérêts du centre plutôt que ceux de la périphé-rie écossaise (Convery, 2016). Cette tendance est également observée chez les électeurs du Parti conservateur écossais parCurtice(2012) ouDenver (2002), car ils démontrent que ces derniers restent assez opposés aux revendications autonomistes du peuple écos-sais. D’après les données du Scottish Social Attitudes Survey de 2010, Curtice (2012) remarque notamment que l’appui au Parti conservateur écossais était de 42% chez les Écossais qui estimaient que la création de leur Parlement régional était une erreur (

Cur-tice, 2012; Denver, 2002). La Figure 0.5 suggère également qu’un nombre significatif

d’entre-eux restent contre l’octroi de plus de pouvoir au Parlement écossais. Le Parti conservateur écossais est donc plus susceptible d’être à proximité du Parti conservateur britannique sur cette question.

(32)

élec-teurs conservaélec-teurs et par le fait même de la branche britannique du parti par rapport aux enjeux liés au clivage centre-périphérie afin de maximiser ses gains auprès des élec-teurs de son côté du spectre idéologique (Macdonald et Rabinowitz, 1998; Macdonald

et collab., 1991; Rabinowitz et Macdonald, 1989). Le fait que les principaux partis

en Écosse sont plutôt pro-périphérie sur le plan idéologique supporte cette hypothèse. Avoir une position diamétralement opposée aux autres formations politiques écossaises permettrait au Parti conservateur écossais de se démarquer de ses adversaires en Écosse

(Wheatley et collab., 2014). La contre-hypothèse est que le Parti conservateur écossais

va idéologiquement s’éloigner du Parti conservateur britannique, afin de se rapprocher des électeurs écossais plus pro-périphéries.

Si certains chercheurs estiment que les valeurs sociales-démocrates du peuple écossais sur le plan économique expliquent le déclin du Parti conservateur britannique et de sa branche régionale en Écosse (Bale, 2012; Keating, 2016; McEwen, 2002; Steven

et collab., 2012),Curtice (2012) démontre que cet argument tient difficilement

empiri-quement. Bien que les Écossais soient généralement un peu plus à gauche que le reste du Royaume-Uni sur le plan économique, Curtice (2012) démontre, avec les données du British Attitude Survey et du Scottish Social Attitudes Survey, que l’écart entre le positionnement moyen des électeurs écossais et anglais sur des enjeux économiques n’est pas suffisant pour expliquer les défaites électorales du Parti conservateur écossais ou sa montée depuis 2016 (voir Figures 0.1 et 0.2) (Curtice, 2012; Seawright et Curtice,

1995).

La Figure0.6 semble confirmer le constat deCurtice(2012) ou de Seawright et Curtice

(1995), car le positionnement moyen des Écossais et des Britanniques sur l’axe gauche-droite n’est pas significativement différent de 1997 à 2017.

En observant la Figure0.6, on remarque également que les Partis conservateurs britan-nique et écossais ne sont pas éloignés idéologiquement par rapport au clivage économique gauche-droite (Curtice, 2012; Seawright et Curtice, 1995). Cela concorde aussi avec le constat deGreen(2007) etJohns et collab.(2013) qui remarquent que le clivage gauche-droite est un facteur moins prédictif du vote des Britanniques et des Écossais. Sur ce point, le Parti conservateur écossais n’a donc pas à s’éloigner du Parti conservateur britannique sur le clivage économique.

(33)

Figure 0.6 – Évolution du positionnement moyen des électeurs écossais et britanniques et des Partis conservateurs britannique et écossais sur le clivage économique gauche-droite ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1997 2001 2005 2010 20152017

(a) Positionnement moyen des électeurs

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1997 2001 2005 2010 20152017

(b) Positionnement moyen des Conservateurs

Reste du Royaume−Uni Écosse

Source : British Election Study de 1997 à 2005 et le British Election Study Inter-election panels de 2014-2017.

Note : Le graphique (a) montre le positionnement moyen des électeurs britanniques et écossais sur l’échelle gauche-droite. Le graphique (b) montre le positionnement moyen des électeurs britanniques et écossais s’identifiant comme partisan du Parti conservateur sur la même échelle. L’échelle mesure la position des répondants de 0 (pour très à gauche) à 10 (pour très à droite) sur le clivage gauche-droite sur l’économie.

distinguée du reste du pays en votant pour rester membre de l’Union européenne au référendum de 2016 sur le Brexit. 62% des Écossais ont voté pour que le pays reste à l’intérieur de l’Union européenne, alors que 53.4% des Anglais ont voté pour quitter cette dernière (Uberoi, 2016). Sur ce point Jolly (2007) démontre que la position pro-Union européenne du SNP a été utilisée pour se démarquer du Parti conservateur britannique et de sa branche écossaise, plus eurosceptique sur les enjeux sur l’intégration du pays à l’Union européenne.

Hepburn et McLoughlin(2011) explique que le SNP et les Écossais sont plus pro-Union

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consti-Figure 0.7 – Évolution du positionnement moyen des électeurs écossais et britanniques et des Partis conservateurs britannique et écossais sur l’intégration du pays à l’Union européenne ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1997 2001 2005 2010 20152017

(a) Positionnement moyen des électeurs

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(b) Positionnement moyen des Conservateurs

Reste du Royaume−Uni Écosse

Source : British Election Study de 1997 à 2017.

Note : Le graphique (a) montre le positionnement moyen des électeurs britanniques et écossais sur l’intégration du pays à l’Union européenne. Le graphique (b) montre le positionnement moyen des électeurs britanniques et écossais s’identifiant comme partisan du Parti conservateur sur cette même question. L’échelle mesure la position des répondants de 0 (pour très en faveur de l’intégration à l’Union européenne) à 10 (pour très en défaveur de l’intégration à l’Union européenne).

tutionnels de l’Écosse et de dialoguer directement avec les autres nations européennes sans l’entremise du Royaume-Uni et de son gouvernement. Si on peut affirmer que l’éloignement du Parti conservateur écossais du Parti conservateur britannique pour rejoindre un électorat qui est en moyenne plus en faveur de l’intégration du pays à l’Union européenne, la Figure 0.7 semble démontrer le contraire. En effet, le position-nement moyen du Parti conservateur écossais10 reste assez proche du Parti conserva-teur britannique. Au contraire, le Parti conservaconserva-teur écossais semblerait en moyenne plus proche de l’électorat du reste du Royaume-Uni sur cette question que de celui de

10. Le positionnement moyen des électeurs s’identifiant au Parti conservateur (Party Id) est utilisé comme proxy imparfait de l’idéologie de ce dernier.

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l’Écosse. Les Figures 0.6 et 0.7 semblent démontrer que le Parti conservateur écossais est plutôt idéologiquement éloigné de l’électeur écossais moyen et plutôt proche du Parti conservateur britannique. L’hypothèse principale de ce chapitre sera donc :

Hypothèse 1: Le Parti conservateur écossais restera idéologiquement proche du Parti conservateur britannique de 2012 à 2019 sur les enjeux liés aux trois clivages étudiés.

Devant l’important sentiment autonomiste et identitaire des Écossais sur les enjeux liés au clivage centre-périphérie dans la littérature (Wheatley et collab.,2014), la deuxième hypothèse de ce chapitre est :

Hypothèse 2: Le Parti conservateur écossais s’est idéologiquement éloigné du Parti conservateur britannique de 2012 à 2019, afin de se rapprocher de l’électorat écossais seulement par rapport au clivage centre-périphérie.

Pour répondre à la question de recherche de ce chapitre, les données utilisées sont celles des enquêtes électorales du Scottish Attitude Survey de 2012 à 2015, celles du British Attitude Survey de 2012 à 2017 et celles du panel du British Election Study de 2014 à 2019. Ces données sont pertinentes pour répondre à la question de recherche de ce chapitre, car l’enquête contient des variables liées aux enjeux/indicateurs théorique-ment liés aux trois clivages étudiés. Cependant, ces bases de données n’ont pas assez de questions pertinentes pour mesurer le clivage centre-périphérie au Royaume-Uni et en Écosse. En effet, les questions liées au clivage centre-périphérie ont été posées qu’aux répondants écossais. Pour mesurer le positionnement des partis conservateurs écossais et britannique par rapport au clivage centre-périphérie, une analyse textuelle de textes de débats parlementaires de politiciens conservateurs à Holyrood et à Westminster est menée à partir de la méthode d’analyse non-supervisée Wordfish. Comme le soulignent

Proksch et Slapin (2010), avec le développement de nouvelles méthodes d’analyse

au-tomatisée, les textes parlementaires offrent une source importante du positionnement idéologique des partis politiques sur divers enjeux (Grimmer et Stewart,2013; Proksch et Slapin,2010). Si les enquêtes d’opinion donnent plutôt la position du public sur diffé-rents enjeux, les textes parlementaires exposent plus clairement le système de croyances des élites politiques (Converse,1964;Stimson,2018;Zaller,1992). Les textes parlemen-taires prélevés pour cette étude sont des textes de débats parlemenparlemen-taires, de 2012 à 2019. Cette période est importante dans l’histoire récente du Parti conservateur écossais, car

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elle correspond au mandat de l’actuelle cheffe de sa branche écossaise, Ruth Davidson. Comme le Parti conservateur écossais a amélioré ses performances électorales sous son mandat, cette période est importante pour déterminer si le Parti conservateur écossais s’est éloigné idéologiquement de sa branche britannique pour faire des gains (McGarvey,

2015).

Contribution

Outre une meilleure compréhension de l’élection britannique de 2017, le premier cha-pitre de ce mémoire cherche à contribuer à l’importante littérature évaluant les clivages idéologiques cruciaux pour comprendre les débats politiques au Royaume-Uni et en Écosse. À la lumière de la montée du Parti conservateur en Écosse, ce chapitre évaluera empiriquement si les facteurs idéologiques influençant le vote pour le Parti conserva-teur dans l’ensemble du Royaume-Uni sont les mêmes. Ce premier chapitre vise plus généralement à apporter une meilleure compréhension du comportement électoral des votants britanniques presque 20 ans après la mise en place de la dévolution (Wheatley,

2016;Wheatley, 2015).

Le dernier chapitre de ce mémoire cherche à mieux comprendre la soudaine montée du Parti conservateur écossais lors des dernières élections écossaises et britanniques. Si l’approche organisationnelle/institutionnelle a longtemps été priorisée pour évaluer l’éloignement et le rapprochement des partis politiques de leurs branches régionales, le deuxième chapitre de ce mémoire opte pour une comparaison idéologique de la posi-tion des deux formaposi-tions politiques, sur les enjeux liés aux clivages pertinents dans la littérature sur le sujet (Convery, 2016; Deschouwer,2006; Smiley, 1987).

Ce chapitre contribue également aux travaux bourgeonnant sur les nouvelles méthodes de collecte et d’analyse automatisée de textes. Les résultats de l’analyse textuelle per-mettent de vérifier si une sélection à priori de données textuelles améliore la mesure du positionnement des Partis conservateurs écossais et britanniques sur l’échelle centre-périphérie. La fiabilité des méthodes non-supervisées d’analyse textuelle comme Word-fish est très critiquée dans la littérature due à l’importante validation des résultats que les chercheurs doivent faire à posteriori. Une sélection à priori des textes en fonction de critères précis contribue au champ en vérifiant si cette procédure peut améliorer les

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résultats d’analyse de textes avec des méthodes non-supervisée (Benoit et collab.,2016;

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Chapitre 1

Clivages idéologiques et le vote

conservateur en 2017

De nombreuses études montrent empiriquement que plusieurs clivages idéologiques res-tent distincts du clivage économique gauche-droite (Cochrane, 2015; Kitschelt et

Hel-lemans, 1990; Marks et Steenbergen, 2002). Kriesi (1998) démontre notamment que

le clivage culturel est bien distinct du clivage économique et qu’il est particulièrement saillant dans les démocraties européennes. Kriesi démontre que le clivage culturel reflète une division politique entre, d’un côté, ce qu’il appelle les gagnants et, de l’autre, les perdants de la mondialisation. Au Royaume-Uni, ce clivage est notamment perceptible à l’intérieur des débats sur l’immigration et sur l’appartenance du pays à l’Union euro-péenne (Kriesi et collab.,2006). D’autres telsKatz(2001) ouWheatley et collab.(2014), démontrent également que le clivage centre-périphérie reste important pour comprendre les divisions politiques de nombreuses démocraties occidentales telles que le Canada ou le Royaume-Uni. Au Royaume-Uni, le clivage centre-périphérie divise principalement les partisans d’une plus grande autonomie politique pour les nations celtiques du pays aux unionistes prétendant que la décentralisation des pouvoirs de Westminster vers les parlements de ces régions affaiblit l’unité de l’ensemble du pays (Alonso et collab.,2015;

Wheatley,2016).

Ces clivages idéologiques sont tous importants pour analyser le comportement élec-toral des électeurs britanniques et plus particulièrement celui des électeurs du Parti conservateur au Royaume-Uni. Le clivage culturel est important pour comprendre le comportement de ses électeurs, car ils ont tendance à être plus eurosceptiques et

Figure

Figure 0.2 – Résultats électoraux des principaux partis britanniques en Écosse depuis l’élection britannique de 2001 0510152025303540455055 2001 2005 2010 2015 2017
Figure 0.3 – Distribution des électeurs sur l’échelle gauche-droite sur le clivage écono- écono-mique lors de l’élection générale britannique de 2017
Figure 0.5 – Distribution des électeurs écossais sur la dévolution, en 2017
Figure 0.6 – Évolution du positionnement moyen des électeurs écossais et britanniques et des Partis conservateurs britannique et écossais sur le clivage économique  gauche-droite ● ● ●● ●● ● ● ● ● ●● ●● 012345678910 1997 2001 2005 2010 20152017
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