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Chapitre 1 Les blessures psychiques de guerre 5

2. L’exemple français 62

1.2   Traumatisme, stress et PTSD: les définitions 64

1.2.1   Le traumatisme, ou l’«école» française basée sur le traumatisme 64

1.2.1.2   Clinique du traumatisme psychique 69

Il faut souligner que ce qui produit le traumatisme, ce n’est pas tant l’événement en tant que tel mais la réalité de la rencontre avec la mort, autrement dit le vécu subjectif du sujet.

« La névrose traumatique204 est la seule affection psychiatrique qui, survenant d’un accident d’origine externe dans la vie du malade, tire ses particularités de la nature même des effets intrapsychiques immédiats de cet accident »205.

Un événement, aussi spectaculaire qu’il ait pu être pour un sujet, peut ne pas l’avoir été pour un autre, cependant la pathologie psychotraumatique est la même pour tous. Elle se décline en trois phases distinctes de réponses aux chocs extérieurs :

a. La phase immédiate ou « réaction émotionnelle immédiate » qui peut débuter avant que l’événement stresseur ne se soit terminé. Elle dure quelques heures voire une journée et peut se qualifier de « réaction aigüe à un facteur de stress »206. Des symptômes végétatifs de stress dépassé (sidération stuporeuse, agitation motrice incohérente, fuite panique éperdue, etc.) peuvent apparaître. Vécus comme une altération de la conscience, ils s’accompagnent d’autres symptômes illustrant le trauma (dissociation péri traumatique de la conscience), principalement le désarroi sous le coup de la surprise, la frayeur, la

204 Le traumatisme psychique est, selon la position francophone, aujourd’hui appréhendé sous les vocables

de « syndrome psycho-traumatique » ou d’« état de stress post traumatique » (ESPT), mais correspond à une même entité clinique initiale, celle de la névrose traumatique.

205 François Lebigot, Le cauchemar et le rêve dans la psychothérapie des névroses traumatiques, Nervure

1999 ; 12(6).

70 terreur, l’horreur, la sidération cognitive (perte de l’orientation dans le temps et l’espace, impression de temps accéléré ou ralenti, arrêt de la pensée, etc.).

b. La phase « post-traumatique immédiate » qui est évolutive et peut se manifester après un temps de latence de plusieurs semaines ou de plusieurs mois (voire des années) précédant l’installation d’une névrose traumatique. Deux possibilités : soit les symptômes de la période immédiate s’estompent, le sujet n’est plus obnubilé par le souvenir et commence à reprendre ses activités ; soit ils persistent (symptômes végétatifs et de déréalisation), le sujet demeure obsédé par le souvenir de l’événement et est dans l’incapacité de reprendre ses occupations. Des signes non spécifiques peuvent apparaître tels l’insomnie, l’irritabilité, le retrait.

c. La phase « différée-chronique » pendant laquelle les symptômes s’installent progressivement de manière plus structurée autour de trois manifestations particulières : l’altération de la personnalité ; le syndrome de répétition ou reviviscence, et les symptômes non spécifiques. Il s’agit du SSPT (PTSD anglo-saxon).

- L’altération de la personnalité, consécutive au trauma qui se traduit par un

triple blocage des fonctions du moi :

- blocage de la fonction de filtration : le sujet n’est plus capable de filtrer dans son environnement ce qui est dangereux de ce qui ne l’est pas, d’où son attitude d’alerte permanente, son hypervigilance207 et sa résistance à l’endormissement ; - blocage de la fonction présence : le sujet se sent détaché du monde, d’où son impression de déréalité, de monde lointain, sa perte de motivation pour des activités perçues auparavant comme motivantes, sa vision d’un avenir bouché (dépression208) ; - blocage de la fonction de relation équilibrée envers autrui : le sujet est devenu dépendant, en quête d’affection, insatisfait, mécontent mais incapable d’aimer les autres, de les comprendre, de se faire comprendre (enfermé en lui-même). Marqué par l’impact du trauma, le sujet a désormais une autre perception du monde.

207 Supra, note 56 (source). 208 Supra, note 189.

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- La répétition (ou reviviscence)209 traduit la preuve de la nature réelle du traumatisme psychique ou de la rencontre avec le réel de la mort. Elle se produit de jour comme de nuit et plonge le sujet dans « le hors du temps du traumatisé »210. Pendant la

journée, il s’agit d’hallucinations sensorielles et de souvenirs intrusifs qui replongent le sujet dans la scène traumatique (reviviscence). Durant la nuit, il s’agit de cauchemars de répétition de l’événement traumatique avec réveil brutal en état de stress (signes neurovégétatifs de tachycardie, sueur, tremblements, vertiges, etc.). Le vécu est parfois si intense que le sujet peut expérimenter des phénomènes de dépersonnalisation (sensation de perte d’identité), de déréalisation (distorsions temporelles et perte de contact avec la réalité) ou encore de rêve éveillé. Le souvenir peut être réactivé par des impressions sensorielles (odeurs, bruits, images) en lien avec la scène traumatique, douloureusement vécues et parfois contournées par des conduites d’évitement. Ces stimuli traumatiques peuvent être à l’origine de réactions agressives mais aussi de crises d’angoisse, de panique et peuvent entrainer des symptômes phobiques (agoraphobie, peur de certains lieux), qui renforcent les conduites d’évitement.

- Les symptômes non spécifiques (qui font suite à l’exposition traumatique)

comprennent : l’asthénie (physique, psychique, sexuelle) ; l’anxiété ; les superstructures psychonévrotiques (crises et conversion en hystérie, phobies liées à l’événement et rituels de protection lié au trauma) ; les plaintes somatiques et les troubles psychosomatiques (psoriasis, asthme, hypertension, ulcère gastrique) ; les troubles de conduite (anorexie, boulimie, alcoolisme, toxicomanie, conduites suicidaires et conduites agressives).

Pour résumer, selon la pathologie psychotraumatique, tout individu soumis à une situation potentiellement traumatisante est susceptible de passer par trois phases successives de réponses au choc : (1) la phase de réaction émotionnelle immédiate qui ne dure que quelques heures voire une journée ; (2) la phase post-traumatique immédiate, évolutive, qui apparaît après une période de latence de plusieurs semaines, mois ou années, et (3) la phase différée chronique pendant laquelle les troubles peuvent s’inscrire

209 Supra, note 56 (source).

210 C. Barrois., Action du traumatisme, traumatisme en action, action sur le traumatisme, dans Nouvelle

72 dans la durée, soit sous forme de troubles psychiatriques (syndrome de répétition), soit sous la forme d’un changement de personnalité du sujet (dépression, troubles anxieux, hypervigilance), avec la manifestation de symptômes non spécifiques qui peuvent précéder l’événement traumatique. L’ensemble de ces trois symptômes (DRH), constituant le syndrome psychotraumatique.