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A PPROCHE CLINIQUE DE LA PREVENTION DES ISO, LES COMPRESSE IMPREGNEE DE GENTAMICINE COMME NOUVEL OUTIL DE LA PREVENTION IN SITU DE l’ISO EN CHIRURGIE CARDIAQUE

DISCUSSION ET PERSPECTIVES

1. A PPROCHE CLINIQUE DE LA PREVENTION DES ISO, LES COMPRESSE IMPREGNEE DE GENTAMICINE COMME NOUVEL OUTIL DE LA PREVENTION IN SITU DE l’ISO EN CHIRURGIE CARDIAQUE

Lors de notre étude prospective quasi-expérimentale menée à partir d’une cohorte de patients à haut risque infectieux (obèses et/ou diabétiques) bénéficiant de pontages aorto-coronarien avec greffe de double artères mammaires internes, les éponges de collagène imprégnées de gentamicine ne réduisaient pas les taux d’infections profondes de manière significative. La population d’étude a été choisie en considérant qu’un effet protecteur du pansement serait majoré dans une population reconnue à haut risque d’infection post-opératoire en chirurgie cardiaque. Les résultats de notre étude, en défaveur du dispositif, venaient s’ajouter à ceux d’un précédent essai randomisé. La description de la microbiologie des ISO montrait que les patients traités par la compresse avaient une prévalence plus importante de staphylocoques coagulase négative et plus faible de S.aureus que les patients sans compresse. La présence majoritaire des staphylocoques coagulase négative est cohérente avec les précédentes études (99,101). La résistance à la gentamicine contribue probablement à la sélection de certaines espèces. Les patients traités avaient le même risque d’ISO mais étaient plus à risque d’être infectés par des germes résistants à la gentamicine que les patients sans compresse. Une précédente étude a également constaté que les staphylocoques coagulase négative résistants à la gentamicine devenaient prédominants lorsqu’une antibioprophylaxie chirurgicale induisait une pression de sélection (102). Dans notre population à haut risque, la pose de compresse imprégnée de gentamicine semble modifier la physiopathologie des ISO. En effet, nous remarquions des délais de survenue d’ISO plus importants chez les patients implantés. Cela peut s’expliquer par la cinétique locale des concentrations en gentamicine. Friberg et al ont démontré une décroissance rapide des concentrations en gentamicine des liquides de redons en post- opératoire, passant de 260 mg/L 2 heures après l’insertion à 20 mg/L à 12 heures. Il est probable que la gentamicine inhibe la croissance bactérienne dans les premières heures post-opératoires sans pour autant prévenir complètement l’infection. Après diminution des

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concentrations et obtention de concentrations locales en gentamicine suffisamment basses, le processus infectieux peut débuter pour provoquer l’ISO.

Comment expliquer les résultats contradictoires dans la littérature ?

Lors de la revue de la littérature abordée précédemment (cf § 2.1.2 page 33), trois essais randomisés et une étude quasi-expérimentale ont évalué ces compresses. Trois études étaient positives dans des populations générales de chirurgie cardiaque et 1 essai randomisé était négatif dans une sous-population de patients à risque.

Les auteurs des différentes études ont évoqué plusieurs hypothèses pour expliquer la divergence des résultats. Tout d’abord la préparation de la compresse. Le fabriquant recommande d’appliquer la compresse sèche roulée dans la plaie opératoire avant la pose des fils d’acier, puis de la fixer par suture ou par l’utilisation de colles. Les techniques chirurgicales sont parfois différentes selon les études. Lors du plus large essai randomisé mené en chirurgie cardiaque, les chirurgiens trempaient les compresses dans de l’eau physiologique pour faciliter l’implantation du dispositif (59). Nous pouvons supposer un relargage de gentamicine durant cette phase d’humidification avec une diminution de la concentration en antibiotique et donc de l’activité du dispositif implanté.

Le nombre de compresses implantées variait d’une à deux en fonction des études. Certaines études utilisaient une compresse coupée en bandes pour la répartir sur la plaie opératoire. Le nombre de compresses permet une couverture plus ou moins importante de la plaie. Une plaie mal recouverte provoque probablement des variations des concentrations locales de gentamicine.

Dans notre population, la chirurgie coronarienne s’effectuait de manière quasi- exclusive après prélèvement des deux artères mammaires internes. Il est reconnu que la dérivation de ces deux artères diminue la vascularisation de la partie antérieure du thorax. Cela participe à un retard de cicatrisation par l’ischémie locale produisant parfois des déhiscences mécaniques de la plaie, avec de potentielles contaminations post-opératoires.

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Les différences de techniques opératoires rendent également délicate la comparaison des résultats des différentes études.

Les études différaient également par leurs méthodes. Les essais randomisés multicentriques permettent de minimiser les biais. En revanche, les critères de jugement peuvent faire l’objet d’hétérogénéité. Les taux d’ISO, exclusivement utilisés dans la littérature, sont des indicateurs peu robustes et soumis à une forte variabilité de diagnostic (103). La versatilité des taux d’ISO peut également s’expliquer par des différences de durées de suivi. Les 3 essais randomisés publiés avaient des durées de suivi différentes allant de 30 à 90 jours. Notre étude retrouvait des délais prolongés de survenue d’ISO lors de la pose des compresses. Des durées de suivi de 30 jours sont trop courtes pour le diagnostic d’infections tardives. L’arrêt de la surveillance à 30 jours fait probablement diminuer artificiellement les taux d’ISO des patients avec compresses. Les définitions des critères de jugement différaient également en fonction des études. Deux essais avaient comme critère de jugement principal l’infection sternale profonde et comme critère secondaire les infections superficielle. Le dernier essai avait comme critère de jugement principal l’ensemble des ISO après sternotomie. Enfin, le premier essai randomisé était ouvert, le second était réalisé en simple aveugle alors que le dernier l’était en double aveugle. Ces différences méthodologiques peuvent également expliquer l’hétérogénéité des résultats.

Les populations d’études étaient variables en fonction des études. Un essai randomisé ainsi que l’étude quasi-expérimentale incluaient des patients bénéficiant d’une chirurgie coronarienne (57,58). Le second essai randomisé se focalisait sur des populations à plus haut risque infectieux, diabétique et/ou obèses (59), et le dernier essai incluait tout type de patients (61). Ces différences de populations peuvent également expliquer les différences de résultats obtenus. Il aurait été plus logique d’obtenir une efficacité plus importante de la compresse parmi les populations à haut risque infectieux dont les taux d’ISO de base sont plus élevés. Nous observons l’inverse avec 2 études négatives dans ces sous-populations, dont la nôtre, et 2 études positives dans des populations « classiques » de chirurgie cardiaque. Par ailleurs, les effectifs du premier essai randomisé contrôlé ouvert ne permettaient pas aux auteurs de conclure statistiquement (58).

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En conclusion, les données actuelles disponibles dans la littérature ne montrent pas d’efficacité probante des pansements imprégnées de gentamicine pour la prévention des ISO en chirurgie cardiaque. L’absence d’efficacité retrouvée lors de notre étude sur une population à haut risque est concordante avec les résultats d’un essai randomisé. La mise en question de l’efficacité n’aurait pas été posée de la même manière en l’absence de ces deux études. Notre étude apporte également la notion de retard de l’ISO chez les patients implantés ainsi que la modification de la microbiologie vers les germes résistants à la gentamicine. Ces conclusions doivent être pondérées par l’hétérogénéité des études publiées. Les techniques d’insertion peuvent jouer un rôle considérable dans l’efficacité de ces compresses et nécessitent une standardisation ou des innovations pour la faciliter. Malgré de larges divergences, le principe d’une prophylaxie in situ est séduisant et nécessiterait des travaux supplémentaires. En réalité, de nombreux chirurgiens appliquent des antibiotiques au niveau du site opératoire par pulvérisation ou injection sous-cutanée (104). En chirurgie orthopédique, les ciments imprégnés d’antibiotiques sont utilisés en routines lors de pose de PTH et PTG sans réelle preuve de leur efficacité. Des études complémentaires permettraient d’établir une évidence de l’intérêt de ces techniques.

2. APPROCHE EPIDEMIOLOGIQUE DE LA PREVENTION DES ISO, UTILISATION DE VIGNETTE POUR