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2. METHODES DE PREVENTION DES INFECTIONS DU SITE OPERATOIRE

2.1. APPROCHE CLINIQUE DE LA PREVENTION DES ISO

2.1.1. Approches classiques :

La prévention des infections nosocomiales a fait l’objet de nombreuses recherches ce qui a permis de baser l’essentiel des pratiques sur l’évidence. Plusieurs recommandations ont ainsi été publiées ces dernières années (10,49–51). Ces méthodes de prévention ont été largement diffusées et sont maintenant connues par, et reconnues de la plupart des professionnels de santé. Les méthodes cliniques de prévention peuvent être classées en trois catégories en fonction de la période à laquelle elles sont appliquées. La phase pré- opératoire inclut principalement la préparation cutanée du patient (la douche pré- opératoire, la dépilation, la décontamination lors du portage de Staphylococcus aureus), les mesures d’antisepsie des personnels chirurgicaux (lavage ou friction chirurgicale des mains et le port de tenue adéquate), et enfin la préparation de l’antibioprophylaxie. La phase peropératoire intègre également la préparation cutanée du patient qui intègre l’antisepsie de la peau avant incision, la préparation du champ opératoire par le champage ou encore la normothermie du patients.

2.1.2. Nouvelles approches :

Ces dernières années ont vu apparaître de nouveaux dispositifs appliqués au niveau du site opératoire pour la prévention de l’ISO. Le concept d’”antibioprophylaxie in situ” a été développé il y a plusieurs années avec l’utilisation de matériels imprégnés d’antibiotiques ou d’antiseptiques afin d’inhiber la croissance bactérienne. Des cathéters veineux centraux, des sondes vésicales ou encore des fils de sutures imprégnés d’antiseptiques ou d’antibiotiques étaient les premiers matériels à apparaître sur le marché. L’intérêt de ce concept et de ce type de dispositifs coûteux reste souvent controversé. En chirurgie, les ciments ou les

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« espaceurs » imprégnés d’antibiotiques ont été développés pour la pose ou la reprise de prothèses en orthopédie; les valves prothétiques imprégnées d’antibiotiques ou d’antiseptiques pour prévenir l’endocardite après remplacement valvulaire (52–54).

Les implants chirurgicaux imprégnés d’antibiotiques permettent de limiter la croissance bactérienne dans la plaie chirurgicale après fermeture cutanée avec plusieurs intérêts théoriques :

- une action locale au niveau du site opéré par un antibiotique bactéricide large spectre. C’est le cas pour les pansements imprégnés gentamicine que nous avons étudiés. La gentamicine est un antibiotique qui possède un large spectre antibactérien incluant les staphylocoques et les bactéries à Gram négatif.

- des concentrations très importantes d’antibiotiques au niveau du site d’implantation - une action prolongée par une diffusion pendant plusieurs jours d’antibiotiques après la pose.

- une réduction de l’impact écologique sur les flores commensales, contrairement à l’antibioprophylaxie systémique classique.

Inscrit dans ce concept, les compresses de collagène imprégnées de gentamicine sont apparues en vue d’être placées dans la plaie opératoire en fin de chirurgie propre (cardiaque ou orthopédique) ou contaminée (colorectale).

Figure n°9 : Coupe sternal schématisant la pose d’une compresse imprégnée de gentamicine en chirurgie cardiaque (la compresse est représentée par le rectangle hachuré)

Malgré de nombreux d’avantages théoriques, l’intérêt de ces dispositifs médicaux est controversé. C’est notamment le cas pour les compresses de collagène imprégnées de

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gentamicine disposées dans le champ opératoire en fin de chirurgie. Plusieurs essais randomisés ont été réalisés en chirurgies colorectales et cardiaques jusqu’à faire l’objet de méta-analyses. Mais la controverse subsiste en chirurgie cardiaque.

En chirurgie colorectale, la méta-analyse d’essais randomisés concluait à un effet protecteur (OR=0,3 (0,2-0,6)) de l’implant avant la réalisation d’un autre large essai randomisé en simple aveugle publié en 2010 (55). Lors de cet essai multicentrique, la compresse était un facteur de risque de survenue d’ISO. Selon les auteurs, la compresse favoriserait la survenue d’ISO par une fixation des bactéries sur le collagène permettant d’amorcer l’infection (56).

En chirurgie cardiaque, deux essais randomisés et une étude quasi-expérimentale ont été réalisés pour évaluer la prévention des ISO après sternotomie. Comme précédemment, les résultats de ces études divergent. Une première étude bicentrique quasi-expérimentale menée sur près de 2000 patients sans critères d’inclusion spécifiques retrouvait des taux d’ISO inférieurs parmi les 967 patients implantés en 2007-2008 en comparaison de 983 patients historiques (2000-2002) qui ne l’étaient pas (4,3 vs 9,0 %) (57). Les auteurs concluaient à une réduction relative de 53 % (4,7 % en absolu) de l’incidence des ISO après sternotomie lors de l’utilisation des éponges de collagène. Un premier essai randomisé incluant 542 patients avec pontage aorto-coronarien. Les patients recevaient une compresse imprégnée de gentamicin coupée en bandes. Les patients étaient suivis 90 jours en post-opératoire avec des définitions suivant les critères du CDC. Les taux d’infections sternales étaient de 4 % (11/272) dans le groupe intervention vs 5,9 % (16/270) dans le groupe sans compresse. Les taux de médiastinites étaient respectivement de 1,1 % vs 1,9 %. Les différences n’étaient pas significatives (58). Cette étude a été suivie 5 ans plus tard par un essai randomisé de phase 3 en simple aveugle, réalisé dans 48 services de chirurgie aux Etats-Unis (59). Lors de cet essai, 1502 patients à haut risque infectieux définis par la présence de diabète et/ou une obésité ont été inclus avec l’implantation de deux compresses en fin de chirurgie. Le critère de jugement principal était la survenue d’ISO à 90 jours. Il n’apparaissait pas de différence de taux d’ISO entre les patients traités (63/753, 8,4 %) et non traités (65/749, 8,7 %, p=0,83).

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Aucune différence n’était non plus constatée lors de la stratification ISO superficielle/ISO profonde. Cette étude a lancé la controverse en concluant à une absence de diminution des taux d’ISO lors d’implantation de deux compresses dans une population à risque. Enfin, la méta-analyse des deux essais randomisés et de l’étude quasi-expérimentale incluant 3994 patients, retrouvait un effet protecteur de la compresses imprégnées de gentamicine avec un taux d’incidence d’ISO plus faible chez les patients implantés (OR = 0,6 (0,4-1,1)) mais sans significativité (60). A ce stade, des études complémentaires étaient donc nécessaires pour compléter les résultats obtenus. Un dernier essai randomisé en double aveugle monocentrique, publié à la même période que notre étude présentée en résultats, incluait 720 patients sans critères particuliers. Le critère de jugement principal était la survenue d’ISO à 30 jours. L’incidence d’ISO profonde était de 3.52 % (13/367) dans le groupe témoin contre 0,56 % (2/353) dans le groupe intervention (P= 0,014; odds ratio ajusté, 0.15; IC95%, 0.02–0.69) (61). A ce stade, quatre études avaient été publiées : deux essais randomisés positif et un négatif puis une étude quasi-expérimentale positive.