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Clichy-sous-Bois vue de l’extérieur

Un Clichois loin de chez soi - Témoignage.

A

près avoir étudié le droit pendant une année, je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout ma vocation. J’ai passé quelques mois à me renseigner sur ce qui pourrait me convenir. Entre la peur de ne rien trouver et celle de ne pas être prise dans un enseignement spécifique qui me plairait, j’ai finalement été acceptée en BTS commerce international. J’ai fait le choix d’aller dans un lycée privé sur Paris et de me former pendant 2 ans dans un environnement totalement différent de là où je vis.

Dès le premier jour, nos professeurs nous ont proposé de faire des groupes afin d’échanger autour de plusieurs questions, l’une d’entre elles était « d’où venez-vous ? » et les réponses étaient diverses et variées. Dans le lot, il y avait ma ville. Tout s’est déroulé pour le mieux durant le restant de l’activité, mais à la fin plusieurs élèves sont venus me demander où est-ce que se situait Clichy-sous-Bois. On aurait plutôt tendance à penser que c’est une tentative pour approcher un autre élève et faire ami-ami avec lui/elle. Quelque chose de tout à fait normal le jour de la rentrée. En réalité, les questions n’ont cessé de fuser de partout et certains se sont même permis d’ajouter leur avis : « c’est où ça ? » ; « j’en ai déjà entendu parler, je ne pourrais pas y vivre mdr » ;

« je n’habite pas loin, mais je ne sais pas comment tu fais pour tenir, courage ! », etc. J’avais le sentiment d’être un étranger, une espèce encore non découverte dans un lieu déjà établi. Entre l’utilisation irrespectueuse de pronoms démonstratifs pour désigner ma ville et les encouragements non nécessaires à ma « survie » en banlieue, j’ai eu le droit à des vertes et des pas mûres. Je me suis demandée à plusieurs reprises si c’était l’expression d’une pensée maladroite ou simplement une volonté de rabaisser un banlieusard dans un établissement qui n’a pas l’habitude d’en recevoir, mais la réponse à ma question reste encore floue aujourd’hui.

Les cours ont commencé et les devoirs ont commencé à s’enchaîner un à un. Trois à quatre contrôles par semaine et quelques devoirs à rendre, le niveau d’exigence plutôt élevé était précisé en amont dans le règlement de l’établissement et cela ne m’a jamais posé un problème.

Un jour, j’ai obtenu la misérable note de 4,5/20 à un contrôle et un professeur s’est permis de critiquer devant toute la classe le niveau qui n’était pas assez élevé chez certains, pour ne pas me citer.

Je me rappelle ses paroles « Je ne sais pas d’où vous venez pour certains, mais vous n’avez pas l’air de connaître l’ampleur des choses ici. On est là pour travailler, pour étudier, et je sais que certain(e)s viennent de lycées où le niveau était faible, mais ici vous allez apprendre à avancer ! ». Il y avait très clairement une allusion au niveau d’étude qui leur paraissait faible en banlieue. C’était comme si on n’avait pas le droit à l’erreur. Ce n’était pas vraiment de la bienveillance, mais plutôt un discours immoral et dénué de sens sur la différence entre la banlieue et la capitale. C’était clairement « nous sommes meilleurs que vous, pliez-vous et taisez-vous ». Un sentiment de frustration est né en moi, je n’avais pas le droit à la parole. J’ai longtemps cherché le regard d’une personne dans la classe et on s’est compris, mais le reste ne se sentait pas du tout concerné parce qu’ils étaient tous en accord avec le prof.

Clichy-sous-Bois vu de l’extérieur c’est une méconnaissance totale de la part des individus et un manque de renseignement, des préjugés et des opinions intolérables. Beaucoup de monde se permet d’émettre des hypothèses comme si notre ville était un mystère de la nature qui demeure inconnu aux yeux de tous. Comme si les personnes qui y résident étaient des extra-terrestres, des sauvageons et des moins que rien. Heureusement, avec toutes les mesures mises en œuvre la ville a évolué et certaines personnes commencent enfin à se rendre compte de l’évolution de notre ville, des nombreux talents qui s’y cachent et des merveilleuses personnes qui y vivent. Il aura quand même fallu attendre le projet du Grand Paris Express, du désenclavement de la ville pour que les critiques aient du bon sens et qu’elles soient réellement objectives. On ne juge pas un livre à sa couverture, il faut lire l’histoire et la laisser continuer.

Anis

« Je suis la France. Je suis cette partie du Pays que vous ne voulez pas reconnaitre. Mais habituez-vous à moi : français d’origine, sûr de moi, présomptueux ».

Mohamed Ali est un symbole pour moi. J’écris car je veux faire passer un message de paix. Un message qui pourra faire du bien, un mes-sage qui pourrait défendre notre République contre le mal. Je veux faire revenir cette joie de vivre qui nous unit, ce sourire qu’on s’empêche de garder en soi. Je veux redonner vie au matin. De mes petites mains, de ma grande plume, je peux vaincre l’épée qu’est le rejet de l’autre. Cette noirceur qui nous empêche de vivre ensemble malgré nos différences car au fond, la seule chose où nous sommes tous vraiment identiques, c’est dans le fait que nous sommes tous uniques.

J’écris car je veux faire de ce dernier jour mon dernier silence. Car quand on garde le silence, on permet à ces crimes de continuer. Je ne veux plus être victime de ce racisme alimenté par des faibles de conscience. J’écris pour me révolter. J’écris car je trouve que « c’est une folie de haïr toutes les roses parce qu’une épine nous a piqué », une folie de détester quelqu’un pour ce qu’il est et non pour ses actes. Je ne veux plus voir des victimes de ce racisme, de cette haine. Je sais que personne ne naît en haïssant quelqu’un. Personne ne naît raciste, on le devient. Alors j’ai foi en l’être humain et en ses capacités

Je suis cette jeunesse qui représente l’espoir, cette jeunesse différente des autres mais unie. Je suis cette jeunesse qui ne prend pas souvent la parole mais qui est capable de comprendre ce que certains grands ne peuvent pas comprendre. Que nous sommes tous pareils. Je suis cet adolescent qui sera bientôt adulte. Je suis cette petite harcelée à l’école. Je suis cette maman enceinte qui n’attend que son enfant. Je suis cette femme battue. Je suis cet homme qui ne demande qu’à être libre. Je suis ce détenu injustement condamné qui ne demande que sa liberté. Je suis aveugle, je ne vois que du noir autour de moi. Je suis sourd, je ne peux entendre ta voix.

Et pourtant, je sens le malaise qui règne autour de nous. Je suis ce mari veuf qui ne demande qu’après son amour. Je suis cet enfant abandon-né. Je suis orphelin du monde. Je suis musulman, juif, athée, chrétien insulté pour mes croyances. Je suis ce soldat de la précarité de nos quartiers qui se bat pour servir des causes qu’il ne comprend même pas.

Je suis cette jeunesse des quartiers de France stigmatisée par des fausses rumeurs, montré du doigt par des reportages mensongers cette jeunesse qui ne rêve plus, qui n’apprend plus, qui ne dort plus, cet enfant qui a pour réveil le bruit des autorités et pour berceuse la peur.

Je suis cette famille massacrée, détruite par la barbarie. Je suis ce jeune qui travaille pour subvenir aux besoins de son avenir, qui renonce à son enfance pour survivre. Je suis ces familles qui crient famine en temps de crise. Je suis Rosa Parks qui a montré à l’humanité entière qu’on pouvait se lever contre les injustices en restant assis. Je suis Martin Luther King, mort pour ses convictions. Je suis Mohamed Ali qui par la simple force de ses poings, qui par son histoire et sa couleur de peau a su marquer nos esprits. Je suis la liberté d’expression. Je suis ce professeur d’histoire géo (Samuel Patty) injustement assassiné. Je suis Bouna, je suis Zyed partis trop tôt pour la simple raison d’avoir eu peur.

Nous sommes plusieurs enfants à vivre dans un appartement insalubre et parfois même plusieurs à devoir partager la même chambre. Je suis contre la violence et je suis objecteur de conscience. Je suis habitant de la Terre et je défendrai mes couleurs, mon pays jusqu’à mon dernier battement de cœur et mon dernier souffle. Je suis les marcheurs de l’égalité de 1983 qui attendent toutes les revendications de notre cause.

Je suis un être humain comme toi et je souffre. Nous sommes de différentes origines, chacun son histoire mais tous le même problème Je suis contre les injustices et je me lève contre l’ignorance, je suis parmi ces citoyens qui refusent la division.

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