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Chapitre I : La reconnaissance de l'imprévision au sein des systèmes

A. Les clauses de hardship

La clause de hardship est une clause d'adaptation du contrat qui prévoit une possibilité de révision des stipulations contractuelles lorsque l’équilibre de celui-ci a été déstabilisé par la survenance de circonstances imprévisibles. Cette définition est assez générale, pourtant la rédaction des clauses de hardship est loin d’être homogène. Certainement, on pourrait consacrer un mémoire entier à l'analyse des différents types

128 Rajski J., Klauzule hardship w kontraktach zawieranych w międzynarodowym obrocie

gospodarczym, PPH, mars, 1999, p. 1.

de clauses de hardship. Pour les besoins du présent travail, nous allons nous limiter à la présentation de leur structure et à leur place dans les systèmes juridiques et dans la pratique contractuelle internationale.

En général, une clause de hardship se compose de deux parties. Dans la première partie, elle énonce ses conditions d’applicabilité. Autrement dit, elle définit la notion de hardship. Ceci peut être fait soit de façon générale (on se réfère seulement à un changement imprévisible des circonstances) ou bien plus précisément. Les parties peuvent notamment donner des exemples des circonstances qui seront considérées comme hardship, comme par exemple le changement de la législation, les grèves, l'augmentation du prix des matières premières, etc. Mais, la seule détermination des circonstances imprévisibles ne suffit pas pour que la clause de hardship soit mise en vigueur. Il faut encore que les circonstances en question déstabilisent l'équilibre contractuel. C’est surtout l'appréciation de ce déséquilibre qui pose le plus de difficultés. Parfois, les clauses essaient de rétrécir la notion de déséquilibre, par exemple en indiquant qu'il doit être substantiel ou fondamental. Souvent, elles vont encore plus loin en se référant à la bonne foi et à l’équité selon lesquelles il serait injuste de faire peser les conséquences de l'imprévision sur l'un des cocontractants. Mais quelle que soit la technique de rédaction, la solution la plus simple pour sortir de cette impasse est celle qui consiste à céder l'appréciation des faits à un tiers130. En tout cas, c’est toujours à la partie qui se prévaut du hardship qu’il appartient de prouver son existence. Ceci est d'autant plus simple et incontestable si la discorde sur l'applicabilité de la clause de hardship est arbitrée par une personne extérieure contrat, surtout au regard de ses effets que l’on définit ci-après.

La régulation des effets de la survenance du hardship se divise elle aussi en deux phases. Tout d'abord, les parties se voient soumises à l'obligation de renégociation en bonne foi, en respectant l’obligation de loyauté. Très souvent, la seule renégociation suffit pour remédier à un contrat déséquilibré. Son succès n'est pas seulement dû au fait que les parties qui avaient signé le contrat sont dans une meilleure position pour pouvoir y porter remède. Ce qui force les parties à renégocier et à arriver à un consensus est surtout leur crainte d’arriver à la caducité du contrat131. En effet, à l’échec des négociations deux solutions peuvent être envisagées. Soit le

130 Ibid.

contrat est soumis à la révision judiciaire ou arbitrale dont l’étendue n’est jamais certaine. Soit il trouve sa fin et tout le projet économique se voit annihilé. C'est la crainte de cette dissolution immédiate qui incite fortement les parties à chercher la solution la plus convenable pour tous, et la plupart des litiges s'arrête d’ailleurs à ce moment132.

La popularité des clauses de hardship dans les contrats internationaux a fait que les rédacteurs des Principes d'Unidroit, en 1994 déjà, ont inclus la problématique de hardship dans leur projet. Celle-ci fut répétée dans les Principes de 2004 et ceux de 2010. Les Principes lui consacrent notamment trois articles l’art. 6.2.1., l’art. 6.2.2. et 6.2.3 que nous allons analyser plus précisément dans les chapitres suivants. Quant aux droits nationaux analysés dans le présent mémoire, on ne peut que constater que la validité d'une clause de hardship ne pose pas de problèmes. L'insertion d'une clause de hardship à un contrat découle justement du principe de l'autonomie de volonté.

Or, si les clauses de hardship sont un élément quasiment indispensable dans les contrats internationaux et que leur validité n'est pas contestable, les pratiques contractuelles au sein des trois cultures juridiques considérées ici diffèrent considérablement. Les auteurs polonais, qui ont introduit les articles relatifs à l’imprévision dans l’ordre juridique polonais, ont bien remarqué que si l'imprévision judiciaire est un élément enraciné dans la culture juridique polonaise, les clauses de hardship sont étrangères à la pratique contractuelle polonaise133. C’est pourquoi, il était d’autant plus urgent de donner un moyen juridique aux juges, submergés à l’époque par de nombreuses demandes de révision de contrats. Et puis, il ne faut pas oublier que le code polonais, socialiste dans ses principes, diffère beaucoup des codes français et espagnol qui sont en quelque sorte les échos du libéralisme. En plus, la France et l'Espagne, contrairement à la Pologne, prennent part à la mondialisation et à l’économie du marché depuis bien plus longtemps. C’est pourquoi leurs pratiques contractuelles ont pu s'adapter aux standards et aux problèmes que rencontrent les contrats commerciaux, tandis qu’en Pologne, ce n’est que maintenant que les juristes s’aperçoivent de l'utilité d’une clause de hardship au sein des contrats134.

132

Ibid.

133 Czachórski W. réd., Zobowiązania, zarys wykładu, Éd. 11, Lexisnexis,Varsovie, 2009, p. 320. 134 Rajski J., Z problematyki funkcjonowania zasady pacta sunt servanda i klauzuli rebus sic stantibus