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Classification des instruments de réduction des émissions du transport maritime A partir de cette typologie, il s’agit à présent de classifier les instruments de réduction des

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 169-175)

Une prise en compte des politiques qui revêt une dimension stratégique pour les armateurs

Encadré 9 - Les biocarburants

1.2 Typologie des instruments

1.2.2 Classification des instruments de réduction des émissions du transport maritime A partir de cette typologie, il s’agit à présent de classifier les instruments de réduction des

émissions du transport maritime et de déterminer s’ils s’inscrivent plutôt dans la tradition instrumentale de l’OMI ou s’ils sont innovants dans leur format.

Formats traditionnels Formats des nouvelles approches De quelle manière

l’instrument vise-t-il à modifier les

comportements

⋅ Prescriptif ⋅ « Goal-based »

⋅ Management de la qualité

Rapport à la technologie ⋅ « Technology-following » ⋅ « Technology-forcing » Portée de l’instrument ⋅ Non rétroactivité (grandfather

clause) ⋅ Rétroactivité

Périmètre géographique ⋅ Uniformité au niveau mondial ⋅ Régionalisation

Rapport à l’information ⋅ Confidentialité ⋅ Partage de l’information

167 Tout d’abord, l’Annexe VI de MARPOL et la directive européenne 2012/33/UE plafonnent la teneur en soufre des carburants marins tout en laissant la possibilité aux armateurs d’utiliser des méthodes alternatives menant à des réductions au moins équivalentes. En ce sens, il s’agit d’une approche « goal-based » ouvrant les choix de conformité pour atteindre des objectifs de réduction d’émission fixés à partir de la teneur en soufre du carburant. Avec la désignation de zones spéciales de réduction d’émission, l’instrument introduit une différenciation réglementaire en fonction de la géographie. La directive 2012/33/UE accentue davantage la différenciation géographique en établissant des limites plus strictes dans les ports européens hors SECA. En outre, en fixant de manière ferme la date de 2020 pour le passage à 0,5 % dans les eaux européennes, l’UE prend le risque d’aboutir à trois limites différentes de teneur en soufre dans le cas où l’OMI déciderait de retarder l’application du 0,5 % : 0,1 % en SECA, 0,5 % dans les eaux européennes, et 3,5 % ailleurs. Enfin, les limites de teneur en soufre s’appliquent pour tous les navires, neufs et existants, impliquant une rétroactivité de l’instrument. Concernant son rapport à la technologie, l’instrument se situe entre « technology-following » et « technology-forcing » dans la mesure où les carburants à moindre teneur en soufre sont disponibles et n’impliquent pas de modifications importantes du navire. Néanmoins, leur disponibilité à grande échelle pour le transport maritime exige une adaptation conséquente de la part des raffineries et modifie sensiblement la configuration du marché des carburants marins. En outre, lors de l’adoption de l’Annexe VI révisée en 2008, les dispositifs alternatifs de type scrubbers existaient pour les industries terrestres, mais étaient encore à l’état de prototype pour une application au transport maritime. En ce sens, la possibilité d’utiliser l’option scrubber implique un « forçage » technologique. La technologie de la propulsion des navires au GNL était existante lors de l’adoption de l’Annexe VI mais son usage demeurait limité aux navires méthaniers81 et à quelques ferrys82. En outre, l’usage du GNL pour la combustion des navires requiert une logistique importante à terre. Au delà de l’aspect technologique, l’Annexe VI de MARPOL et la directive européenne participent à une reconfiguration du marché des carburants marins entraînant des réorganisations structurelles importantes.

Les normes Tier sur les NOx fixent des valeurs limites d’émission par kilowattheure, et constituent donc une approche « goal-based ». Si les normes Tier I et Tier II sont satisfaites par l’optimisation des processus de combustion, la norme Tier III en revanche implique l’installation d’une technologie dédiée à la réduction du NOx, au choix parmi plusieurs existantes (réduction

81 Lors de son transport par les navires méthaniers, le gaz naturel liquéfié s'évapore naturellement malgré l'isolation des cuves. Ces pertes sont récupérées afin d'alimenter les moteurs en remplacement du carburant classique ou en complément.

82 Le premier navire non méthanier à propulsion GNL, un ferry pour un fjord norvégien, a été construit en 2000 (Jouffray et al., 2013).

168 catalytique sélective, recirculation des gaz d’échappement, propulsion au GNL, etc.). Au moment de leur adoption, les méthodes d’optimisation de la combustion pour les normes Tier I et Tier II, et la technologie réduction catalytique sélective pour la norme Tier III étaient connues83. En ce sens, ces normes sont « technology-following », mais encouragent en parallèle une amélioration de ces techniques de dépollution et le développement de nouvelles. La norme Tier I, initialement non rétroactive, a été étendue aux moteurs construits entre 1990 et 2000 sous conditions de disponibilité de méthodes approuvées de réduction et de respect d’un critère coût efficacité. En ce sens, elle est partiellement rétroactive. Les normes Tier II et Tier III en revanche sont non rétroactives. Les normes Tier I et Tier II s’appliquent de manière uniforme au niveau mondial, tandis que la norme Tier III est limitée aux zones NECA.

L’EEDI, en fixant des objectifs d’amélioration de l’efficacité énergétique nominale des navires tout en laissant la liberté aux constructeurs des moyens techniques pour les atteindre, s’inscrit clairement dans l’approche « goal-based ». Ne s’appliquant qu’aux navires neufs, cet instrument est non rétroactif. L’EEDI permet de promouvoir l’innovation technique pour améliorer l’efficacité énergétique au stade de la conception des navires. Le niveau d’exigence évoluant vers plus de sévérité, l’incitation est continue pour améliorer tous les éléments techniques impactant l’efficacité énergétique du navire. Néanmoins, cette incitation est tempérée par le fait que l’abaissement de la vitesse nominale du navire peut permettre d’atteindre l’indice requis sans nécessairement s’accompagner d’amélioration technique. Il s’agit donc plutôt d’incitation au progrès technique que de forçage technologique à proprement parler.

Le SEEMP s’apparente par son format aux instruments de management de la qualité, même si Johnson et al., (2013) ont montré qu’il était dépourvu de certains concepts que l’on trouve dans d’autres systèmes de management comme le code ISM (« such as requiring a company policy and a management representative ; a management commitment to providing resources corresponding to responsabilities ; clear requirements for procedures for monitoring as well as goal settings ; and procedures for acting on non-conformities, for internal audit, and for management reviews »). L’absence de ces exigences peut, selon ces auteurs, compromettre sérieusement le succès de l’instrument. L’instrument, par sa portée, est rétroactif, mais vise à fournir un cadre pour la compagnie afin qu’elle améliore l’efficacité énergétique de ses navires sur le plan opérationnel dans une démarche d’amélioration continue. L’instrument n’implique

83 Hyvättinen et Hildén (2004) expliquent que le motoriste Wärtsilä a commencé à s’intéresser aux méthodes de réduction des émissions de NOx de ses moteurs marins dès le milieu des années 1980,

« influenced by the rise of environmental issues within other fields that either contributed to strategic thinking within the company or provided direct incentives to develop new technology ».

169 donc pas d’investissements importants pour la flotte existante et peut permettre à la compagnie de réaliser des économies de carburant.

Le projet européen de surveillance, de déclaration et de vérification des émissions de CO2

des navires, et la proposition de système de collecte de données international s’inscrivent tous deux dans l’idée de partage de l’information et de transparence des armateurs sur leurs émissions vis-à-vis du régulateur. La possibilité de rendre publiques ces données est envisagée.

Néanmoins, cette éventualité peut porter atteinte au secret commercial. Dans le cas d’une publication, l’instrument ajoute une logique d’atteinte à la réputation dans sa manière de modifier les comportements. L’instrument s’appliquerait à tous les navires de son périmètre (européen ou mondial), impliquant sa rétroactivité. Néanmoins, la mesure des émissions n’implique pas forcément pour l’armateur d’équiper son navire d’un instrument de mesure. En effet, le projet de règlement européen et la proposition de système de collecte de données international permettent l’utilisation de données déjà existantes à bord des navires. Notamment, le système européen autorise la méthode des notes de livraison de soutes, qui repose sur la quantité et le type de combustible tels qu’ils figurent dans la note de livraison de soute84, complétés par des inventaires manuels périodiques des soutes. Le relevé du niveau de fuel dans le réservoir en début et en fin d’un voyage compris dans le périmètre de l’instrument, combiné à l’information sur la quantité de fuel ravitaillée pendant le voyage (contenue dans la note de livraison de soute) permet de calculer la quantité de carburant que le navire a consommé pendant le voyage. La seule exigence de cette méthode est donc le relevé régulier par le personnel de bord de la quantité de carburant contenue dans le réservoir. Les autres méthodes reposent sur l’utilisation de débitmètres (qui à la différence du relevé manuel permettent une mesure en continue de la quantité de carburant consommée) ou d’appareil de mesure directe des émissions dans les cheminées.

Enfin, dans le cas hypothétique de l’aboutissement d’un instrument de marché pour les émissions de CO2 du transport maritime, la modification des comportements passerait par l’envoi d’un signal-prix aux agents économiques pour qu’ils prennent en compte les effets externes de leur activité. Il s’agit donc d’une logique tout à fait différente de celles que nous avons établies précédemment (format prescriptif, goal-based ou management de la qualité).

L’instrument s’appliquerait à tous les navires, impliquant une rétroactivité. L’armateur devrait arbitrer entre les coûts de réduction des émissions de sa flotte (par des mesures techniques et/ou

84 La note de livraison de soute est un document fourni à l’opérateur par le fournisseur de carburant spécifiant la quantité et la qualité du carburant vendu. La note de livraison de soutes doit être conservée à bord dans un endroit où elle soit facilement accessible aux fins d'inspection. Elle doit être conservée pendant une période de trois ans à compter de la livraison du fuel-oil à bord. Il s’agit d’une exigence de l’Annexe VI de MARPOL (Règle 18 sur la disponibilité et la qualité du carburant).

170 opérationnelles, voire même une réduction de son activité) et le prix du permis sur le marché (ou du crédit carbone dans un système de compensation ou de taux de la taxe dans le cas d’une taxe carbone). Un tel instrument nécessite un système de mesure, de report et de surveillance des émissions, et donc un partage de l’information avec le régulateur.

A partir de ces analyses, le tableau 16 propose une classification générique de chaque instrument suivant la typologie élaborée précédemment. Il ressort de cette classification que les instruments de réduction des émissions présentent un grand nombre d’éléments s’inscrivant dans les nouvelles approches de la politique maritime en matière de sécurité et d’environnement : absence de prescriptions, rétroactivité, différenciation géographique de certaines mesures, partage d’informations avec le régulateur (voire avec le public). Certains instruments présentent même des aspects inédits dans l’instrumentation maritime : l’incitation soutenue et continue à l’amélioration (ce qui donne une efficacité « dynamique » au système de régulation), et dans le cas hypothétique de l’aboutissement d’un instrument de marché, la modification des comportements par un signal-prix. Les politiques de réduction des émissions du transport maritime donnent ainsi lieu à des changements par l’accumulation d’éléments nouveaux voire inédits dans leur format instrumental. Qu’impliquent ces formats d’instrument pour les armateurs ?

171 Tableau 16 - Classification générique des instruments de réduction des émissions du transport maritime

Technology-following Non rétroactif NECA Sans objet

EEDI (Annexe

VI de MARPOL) Goal-based Incitation au progrès

technique Non rétroactif Uniformité au

En jaune : format s’inscrivant dans les approches traditionnelles ; en orange : format s’inscrivant dans les nouvelles approches ; en rouge : format inédit.

172 1.3 Implications des formats instrumentaux pour les armateurs

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