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1.1 Les biopiles et piles à combustible

1.1.3 Classification et principes de fonctionnement

Il est possible de classifier en deux catégories les biopiles enzymatiques selon la fonction du biocatalyseur :22

1. Production de combustible : Dans ce type, les enzymes ne sont pas impliqués dans la production directe d’énergie, mais plutôt dans la formation du substrat nécessaire à une pile à combustible conventionnelle.

2. Production directe d’énergie : Les enzymes sont impliqués directement dans la production d’énergie par l’entremise d’une chaîne de réactions enzymatiques qui participent au transfert électronique entre le substrat combustible et l’anode (Figure 1.2).

Les enzymes rédox employées dans ces dispositifs électroniques peuvent être divisées en trois catégories selon la localisation du centre rédox nécessaire au transfert des électrons entre les différents substrats aux électrodes (Figure 1.4) :22

1. Le centre redox est faiblement lié à la protéine de l’enzyme lui permettant de diffuser sur une certaine distance comme la nicotinamide adénine dinucléotide (NADH/NAD+) ou la nicotinamide adénine dinucléotide phosphate

(NADPH/NADP+). La glucose déhydrogénase et l’alcool déhydrogénase en sont des exemples.

2. Une partie du centre rédox est située en périphérie de la structure de l’enzyme. La laccase, horseradish peroxidases, cytochrome C peroxidase ainsi que d’autres enzymes ayant plus d’un atome de cuivre en leur site actif en sont des exemples.

3. Le centre redox est fortement lié à la protéine de l’enzyme qui elle-même est située profondément à l’intérieure de la structure de l’enzyme. La glucose oxidase est la plus étudiée de ce type.22

Figure 1. 4 : Schéma démontrant trois groupes d’enzymes selon la position du centre actif

de l’enzyme a) pouvant diffuser, b) situé en périphérie de la structure enzymatique et c) fortement lié et enfouit à l’intérieur de la structure de l’enzyme.22,37-38 Illustration tirée de la référence 22.

Les deux premières catégories peuvent effectuer un transfert électronique direct (TED) entre le site actif de l’enzyme et la surface de l’électrode. Les enzymes se retrouvant dans la deuxième catégorie sont affectés par l’orientation spatiale de l’enzyme en surface de

l’électrode, se trouvant par le fait même un facteur clé affectant l’activité enzymatique. Pour la troisième catégorie, il a été démontré par plusieurs travaux37-38 qu’aucun TED n’est observé en raison d’une distance supérieure à 21 Å entre le centre redox et l’électrode. Dans un tel cas, l’utilisation de molécules artificielles, ayant des propriétés chimiques semblables aux substrats naturels de ces enzymes, permet un transfert électronique assisté par un médiateur rédox (TEM) entre l’enzyme et l’électrode. Il existe une vaste gamme de médiateur rédox dont les multiples structures amènent une vaste couverture de potentiel oxydo-réductif approprié au système.39-43

Idéalement, la tension aux bornes d’une biopile est indépendante du courant soutiré de cette dernière. Cependant, dans la réalité, le voltage fluctue en raison de pertes lors du fonctionnement de la pile. En effet, la différence entre le potentiel observée (Vcell) et le potentiel d’équilibre thermodynamique de la réaction globale de la biopile (Ecell) est due à trois phénomènes thermodynamiques majeurs : (1) la chute ohmique, (2) le transport de masse ( conc) et enfin (3) la surtension d’activation aux électrodes ( act). À l’état d’équilibre et en assumant que les réactifs sont spatialement dispersés de façon homogène, la tension de la biopile peut être approximée selon l’équation suivante :13,44

= − − − Éq. 1. 1

où le deuxième terme représente la chute ohmique qui est la sommation de toutes les composantes résistives (ayant une résistivité (ρ) et une épaisseur (l) caractéristique) i du système multiplié par la densité de courant j généré. Ce terme peut d’ailleurs être approximé par la loi d’Ohm.45-47 Plusieurs phénomènes contribuent à la chute ohmique dont la résistance de contact et au transport de charges à travers les différentes composantes de la biopile. Ceci inclut les résistances de nature ionique et électronique provenant des collecteurs de courant (fils, soudure, etc), de l’électrolyte, de la membrane séparant les cathodes et anodes, sans oublier les interfaces de toutes ces composantes. Il est primordial

que l’optimisation de chacune de ces composantes n’affectent pas négativement l’enzyme, i.e. par une diminution de l’activité enzymatique observée.13 La résistance due au transport de masse, conc, du combustible et/ou du médiateur redox fait naître un gradient de concentration important observable dans le voisinage des électrodes lorsque la biopile fonctionne à courant élevé. Ce type de perte peut être minimisé si le système a un apport en combustible, comburant et médiateur redox élevé et constant pouvant être assuré par une convection du milieu électrolytique ou système fluidique répondant à cette exigence. À de faibles courants, la barrière d’énergie au transfert de charge est suffisamment élevée pour empêcher un transfert efficace d’électrons provenant du médiateur rédox ou de l’enzyme à l’électrode. Ainsi un phénomène act est observé, et ce pour chaque électrode de la biopile. La minimisation de cette surtension peut être réalisée notamment en augmentant la surface des électrodes et en modifiant les conditions d’opération telle que le pH et la température. Les relations de Tafel ou de Butler-Volmer (c.f. Éq. 2.41 et 2.49) peuvent approximer ces valeurs de surtension tandis que la valeur de Ecell peut être calculée à partir de la détermination de la variation de l’énergie libre de Gibbs pour les réactions à l’anode et à la cathode.45,47 La Figure 1.5 illustre la variation de la tension ainsi que la densité de puissance délivrée de la biopile. Cette puissance (Pcell) peut être exprimée selon l’équation suivante :

= = ⁄ Éq. 1. 2

où Rext est une résistance externe dont la valeur est connue. Un autre paramètre servant à évaluer la performance d’une biopile est l’efficacité coulombique qui se définit comme étant le ratio de coulomb transféré du substrat combustible vers l’anode, sur le maximum théorique oxydé ramené en percentile.48 Il existe trois causes majeures pouvant réduire cette efficacité : 1) l’existence de réactions alternatives ne donnant pas de courant ; 2) la formation d’une biomasse ; et 3) le mélange non-voulu des réactifs aux deux électrodes, un problème particulièrement observé dans les systèmes n’ayant pas de membrane pour séparer les compartiments anodiques et cathodiques.13

Figure 1. 5 : Variation de la tension de cellule et de la densité de puissance d’une biopile

en fonctionnement. Les pertes majeures de tension ainsi que l’approximation de la plage de densité de courant sont indiquées. Illustration tirée de la référence 13.

Enfin, la puissance recherchée pour une biopile qui servirait à alimenter des implants artificiels varie. L’estimation de la puissance nécessaire pour un sphincter urinaire par exemple est de 200 W tandis que pour le cas de reins artificiels est de 20 mW.11 Il est intéressant de souligner que la compagnie Sony© a mis au point une biopile pouvant délivrer une puissance de 50 mW.10 Cependant, les concentrations du sucre et de l’oxygène dans le sang sont de 5 mM et 45 M11 comparativement à 400 mM et 200 M pour la solution de glucose employée pour la biopile de Sony©. Il est donc nécessaire de développer de nouveaux matériaux d’électrodes, de nouvelles techniques d’immobilisation d’enzymes, de médiateurs rédox afin de permettre une amélioration de la performance des biopiles pour le domaine médical.