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4. Comptage 1. Problème de comptage

4.5. Les classes d’isogénie

On a vu qu’un objet(V;τ, τ)de C(T, T;s)détermine une classe de conjugaisonγ0 dans G(F)qui est(T, T)-admissible et s-norme enT. On va voir que, réciproquement, une classe de conjugaison deG(F)qui est(T, T)-admissible ets-norme enT, détermine uniquement une classe d’isomorphisme deC(T, T;s). Ceci constituera l’analogue de la théorie de Honda–Tate dans notre problème de comptage. Il s’agit encore d’une variante d’un théorème de Drinfeld, déjà généralisé par Laumon, Rapoport, Stuhler et par Lafforgue à d’autres contextes.

THÉORÈME 1. –L’application qui associe à un objet(V;τ, τ)deC(T, T;s)la classe de conjugaisonγ0 deG(F)conjuguée dansG(F⊗Fq k)à γ=τsτ1, définit une bijection de l’ensemble des classes d’isomorphisme deC(T, T;s)sur l’ensemble des classes de conjugaison deG(F)qui sont(T, T)-admissibles ets-normes enT.

Démonstration. –Il s’agit de vérifier que l’application (V;τ, τ) →γ0 est injective et surjective. Vérifions d’abord lasurjectivité.

Soitγ0une classe de conjugaison deG(F)qui est(T, T)-admissible ets-norme enT. On va construire un objet(V;τ, τ)deC(T, T;s)dont la classe de conjugaison dansG(F)associée estγ0en plusieurs étapes.

Étape 1 : leφ-espace irréductible(W, ψ)facteur de(V, τ). Prenons un représentant de la classe de conjugaisonγ0qu’on noteγ0∈D×. SoitE=F0]la sous-F-algèbre deDengendrée parγ0. C’est une extension de corps deFpuisqueDest une algèbre à division. Le degré de cette extensione= [E:F]divise le rang deDqui est égal àd.

Notons XE le normalisé de X dans E. D’après l’hypothèse de (T, T)-admissibilité, le diviseurdiv(γ0)se casse en somme de deux diviseurs de degré0supportés respectivement par TetT

div(γ0) = divT0) + divT0).

Soit ET le plus petit sous-corps deE tel queDiv0(XET)Q contient encore la Q-droite engendrée pardivT0). NotonseT = [ET:F].

La paire (ET,divT0)/s) est alors une φ-paire minimale. Soit (W, ψ) un φ-espace irréductible correspondant à(ET,divT0)/s); il est bien défini à isomorphisme près. Soitb le plus petit entier naturel tel que

divT0) s 1

bDiv0(XET).

D’après le théorème 4 de 4.3,End(W, ψ)est une algèbre à division centrale surET de dimension b2surET et

dimF⊗k(W) =beT.

Étape 2 : structure de Dop-module sur le bon multiple de (W, ψ). Considérons le multiple(V, τ) = (W, ψ)r avecr=d2/beT. L’espace vectorielV a donc la bonne dimension d2surF⊗k. Notons que

dimETMr

End(W, ψ)

=r2b2= d4 e2T.

Pour donner àV une structure deDop-module par rapport à laquelleτestidD⊗σ-linéaire, il suffit de construire un plongement

Dop →Mr

End(W, ψ)

ou, ce qui est équivalent, un plongement d’algèbres simples centrales surET

DopFET →Mr

End(W, ψ) .

Ceci est encore équivalent à l’existence d’une autre algèbre simple centraleCsurET telle que (DopFET)⊗CMr

End(W, ψ) . Une telle algèbre simple centraleEdoit avoir la dimension

dimET(C) =dimETMr(End(W, ψ)) dimET(DopFET) =d2

e2T et l’invariant

inv(C) = inv

End(W, ψ)

inv

DopFET

l’égalité étant prise dansDiv0(XET)Q/Z. Pour queCexiste il faut et il suffit que inv

End(W, ψ)

inv

DopFET

∈eT

d Div0(XET)/Div0(XET).

Rappelons un lemme [14, III.4, lemme 4].

LEMME 2. –Soient E une extension de F et A une algèbre simple centrale sur E de dimension d2. Soit E une extension de E de degré e. Pour qu’il existe un plongement de E →A, il faut et il suffit quee divise det que l’image deinv(A)dansDiv0(XE)Q/Z soit dans

inv(AEE)∈e

dDiv0(XE)/Div0(XE).

On a les inclusionsET ⊂E⊂Dopde sorte qu’en vertu du lemme ci-dessus, on a inv

DopFET

∈eT

d Div0(XET)/Div0(XET).

Par ailleurs, grâce au théorème 4 de 4.3, on sait que l’invariant inv

End(W, ψ)

Div0(XET)Q/Z

est égal à l’image de−divT0)/sDiv0(XET)Q. Il reste donc à démontrer que divT0)

s ∈eT

d Div0(XET).

On va utiliser le lemme suivant.

LEMME 3. –Soitγ0un élément deD× dont la classe de conjugaison est unes-norme enT. SoitElaF-sous-algèbre deDengendrée parγ0. Notonse= [E:F]. Alors on a

divT0)∈e

dDiv0(XE) divT0)est la partiediv(γ0)supportée parT.

Démonstration. –SoitDle centralisateur deEdansD. C’est une algèbre à division centrale de rangd/esur E. En remplaçant D parD etF par E, on peut supposer que l’élémentγ0

appartient àF. En une placex∈ |T|,DxGLd(Fx). Il existe doncδ∈GLd(FxFqFqs)tel que

γ0=δσ(δ)· · ·σs1(δ).

On en déduit que

det(γ0) = Ns

det(δ)

de sorte que la valuation dedet(γ0)est divisible pars. Or vu comme élément du centreFx, on a det(γ0) =γ0dd’où le lemme. 2

Suite de l’étape 2. L’inclusion ET ⊂E induit un revêtement π:XE →XET de degré e/eT. L’application injective π: Div0(XET)Div0(XE) induit par tensorisation avec Q l’application usuelle ET× Q→E×Q. Mais on a aussi l’application π: Div0(XE) Div0(XET). Pour toutQ∈Div0(XET), on aπ(Q)) =ee

TQ. On en déduit que si Q∈Div0(XE)Im

Div0(XET)Q alorsπ(Q))est aussi égale àee

TQ.

D’après le lemme, il existe un diviseur Q∈Div0(XE) tel que divT0)/s = edQ. En particulier,Q est dansDiv0(XE)Im[Div0(XET)Q] si bien queQ=eeTπ(Q)). On obtient donc une égalité de diviseurs deXET

divT0) s =eT

d π(Q)

avecπ(Q)Div0(XET). C’est ce qu’il fallait pour qu’il existe une algèbre simple centraleC surET telle que

DopFCEnd

(W, ψ)r .

Étape 3 : plonger E dans les endomorphismes de (V, τ). On a obtenu unDopFq k-moduleV muni d’une bijectionidD⊗σ-linéaireτ. De plus, l’anneau des endomorphismes de (V, τ)est égal àC. Il reste à construire une bijectionidD⊗σs-linéaireτ qui commute àτ. Il revient au même de construire une action deγ0ou ce qui est équivalent de montrer l’existence d’un plongementE →C. D’après le lemme 2, il suffit de démontrer que[E:ET] =e/eT divise d/eT et que

inv(C)∈e

dDiv0(XE)/Div0(XE).

La première divisibilité est automatique. Par ailleurs, dansDiv0(XE)Q/Z, on a l’égalité inv(C) =divT0)

s inv Dop

.

PuisqueEpeut être plongé dansDop, on a d’après le lemme 3 inv

Dop

∈e

dDiv0(XE)/Div0(XE).

Par ailleurs, on a

divT0) s ∈e

dDiv0(XE)

d’après le lemme 3. Donc, on peut plonger E dans C= End(V, τ) et obtenir une bijection idD⊗k-linéaire deV commutant àτ. Posonsτ=γ0τs.

Étape 4 : le triplet (V;τ, τ) est bien un objet de C(T, T;s). Soit n un entier assez divisible tel qu’il existe un D⊗Fq Fqn-sous-module de V, stable par τ et τ, tel que V = VFqnk. NotonsElaF-sous-algèbre deEnd(V)engendrée parτn|V etτn|V. On a dans El’égalité

γ0n=τns

Vτn

V.

Les paires (E, γ0n) et (E, γ0n) sont isomorphes dans la catégorie E de sorte que le diviseur div(γ0n)surXE est supporté parT∪T. Par construction deτ, la partie dediv(γ0n)supportée parT estdiv(τns|V); il s’ensuit que la partie supportée parTestdiv(τn|V).

Soitx∈ |X−T|. Par ce qui précède, l’élémentτxns|Vx est une unité de Ex. L’application idD⊗σ-linéaireτx|Vx duDxFq Fqn-moduleVx a unens-normeτxns|Vx compacte. D’après Kottwitz,τx|Vx doit fixer unDxFqFqn-réseau de sorte que la paire(Vx, τx)est isomorphe à la paire(DxFqk,idDx⊗σ).

L’assertion surτse démontre de même.

Étape 5 : la classe de conjugaison associée à(V;τ, τ)est bienγ0. C’est évident sur la construction deτ=γ0τs.

On a donc démontré que l’application(V;τ, τ)→γ0 de l’ensemble des classes d’isomor-phisme des objets deC(T, T;s)sur l’ensemble des classes de conjugaison deG(F)qui sont (T, T)-admissibles ets-norme enT, estsurjective. Nous allons maintenant vérifier qu’elle est injective.

Soitγ0une classe de conjugaison deG(F)qui est(T, T)-admissible ets-norme enT. Soit ElaF-sous-algèbre deDengendrée par un représentantγ0de la classe de conjugaisonγ0.

Soit(V;τ, τ)un objet deC(T, T;s)dont la classe de conjugaison associée dansG(F), est γ0. Puisque(V, τ) est irréductible comme D⊗Fq k-module muni d’une bijection idDFq k-linéaire, en oubliant l’action de D, comme φ-espace, (V, τ) est isotypique. Le φ-espace irréductible (W, ψ), facteur de (V, τ), est complètement déterminé par γ0, car la φ-paire qui lui est associée par le théorème 4 de 4.3 est isomorphe dansE à laφ-paire(E,divT0)). Ainsi (W, ψ)est nécessairement leφ-espace irréductible construit dans l’étape 1.

Commeφ-espace,(V, τ)est donc nécessairement isomorphe à(W, ψ)roù l’entierrest défini comme dans l’étape 2. La structure deDop-module est alors donnée par un homomorphisme d’algèbres

Dop End (W, ψ)r.

Dans l’étape 2, on a démontré que celui-ci existe. Il est de plus unique à automorphisme intérieur près, d’après le théorème de Skolem–Noether.

Il reste à construire une bijection idD⊗σs-linéaire τ de V commutant à τ telle que l’automorphismeτsτ1 est conjugué dans G(F Fqk)àγ0. Il revient au même de plonger

l’algèbre E=F0] dans le commutant C de Dop dans End (W, ψ)r. On a démontré dans l’étape 3 que ce plongement existe. Il est unique à automorphisme intérieur près, de nouveau d’après le théorème de Skolem–Noether. 2

4.6. Le groupe des automorphismes de(V;τ, τ)

Soitγ0une classe de conjugaison deG(F)qui est(T, T)-admissible ets-norme enT. Soit (V;τ, τ)l’objet deC(T, T;s)qui lui correspond et qui est bien défini à isomorphisme près.

On va démontrer que le groupe des automorphismes de(V;τ, τ) est le groupe desF-points d’une forme intérieureJγ0 du centralisateurGγ0 deγ0 dansG. D’après le principe de Hasse pour les groupes adjoints, la classe d’isomorphisme de cette forme intérieure est complètement déterminée par celle des groupes locaux Jγ0,v, formes intérieures deGγ0,v qu’on va décrire explicitement.

L’automorphismeγ=τsτ1deV détermine une classe de conjugaison deG(F⊗Fqk)dont on choisit un représentant noté aussiγ. SoitGγ(FFqk)le centralisateur deγdansG(F⊗Fqk).

Puisqueτcommute avecγ,τdétermine un automorphisme deGγ(FFqk). Formons le produit semi-direct

Gγ(FFqk)τ.

Il est clair queAut(V;τ, τ)est le groupe des points fixes deGγ(FFqk)sous l’action deτ. On veut construire unF-groupeJγ0dont le groupe desF-points estAut(V;τ, τ).

On choisit un représentant γ0∈G(F) dans la classe de conjugaison γ0. Le centralisateur Gγ0 étant défini sur F, l’endomorphisme de Frobenius agit comme un automorphisme sur Gγ0(FFqk). Formons le produit semi-direct

Gγ0(FFqk)σ.

Il est clair que le groupeGγ0(F)est le groupe des points fixes deGγ0(FFqk)sous l’action deσ.

LEMME 1. –Pourrassez divisible, on a un isomorphisme de produits semi-directs Gγ(FFqk)

τr

−→Gγ0(FFqk) σr

.

Démonstration. –Prenons uneFq-structure deDopFqk-moduleV. Pour une extension assez grande deFq,τ etτvont être définis sur cette extension si bien qu’il va en être de même deγ.

On peut donc supposerγ=γ0.

SoitE=F[γ]. Puisque l’homomorphismeE×Div0(XE)a un noyau et un conoyau finis, on peut décomposer

γr=δsδ1

avecδ, δ∈E× tels quediv(δ)soit supporté parT, et div(δ)parT en utilisant l’hypothèse que γ est (T, T)-admissible et s-norme en T, pour un entier r assez divisible. L’assertion d’injectivité du théorème 1 de 4.5 montre que les triplets(V;τr, τr) et(V;δσr, δσrs)sont isomorphes car ils correspondent tous les deux à la classe de conjugaison deγr. Il ne reste qu’à remarquer queδ∈E×appartient au centre deGγ(FFqk)de sorte que les actions deσret de δσrsurGγ(FFqk)sont les mêmes. La proposition s’en déduit. 2

PROPOSITION 2. –Soitγ0une classe de conjugaison deG(F)qui est(T, T)-admissible et s-norme enT. Soit (V;τ, τ)la classe d’isomorphisme de la catégorie des fibres génériques

C(T, T;s)qui lui correspond par le théorème1 de4.5. Il existe une forme intérieureJγ0 de Gγ0telle que

Jγ0(F) = Aut(V;τ, τ).

Démonstration. –Le triplet(V;τ, τ)induit une paire(V;γ)où on peut voirV comme un G-torseur surF⊗Fqket oùγ:V →V est un automorphisme de ceG-torseur. L’hypothèse queγet γ0soient conjugués dansG(F⊗Fqk)implique que la paire(V, γ)est isomorphe à(GFqk, γ0).

L’ensemble des isomorphismes

L:= Isom

(GFqk, γ0),(V, γ) définit donc unGγ0-torseur surF⊗Fqk.

Le diagramme commutatif

σV τ

σ(γ)

V

γ

σV τ V

induit un isomorphismeτ:σL−→ L et donc une classe dans H1

σ, Gγ0(F⊗k) .

La proposition se ramène à démontrer que l’image de cette classe dans H1

σ, Gadγ0(F⊗k)

provient d’un cocycle continu, c’est-à-dire d’un élément de H1(Z, G adγ0(F ⊗k)), ce qui est le contenu du lemme précédent. 2

D’après le principe de Hasse pour les groupes adjoints, la forme intérieureJγ0 deGγ0 est complètement déterminée par les formes localesJγ0,vdeGγ0,vqu’on peut décrire facilement à partir de(V;τ, τ).

Soit v une place de X en dehors de T. Par hypothèse la paire (Vv, τv) est isomorphe à(DvopFq k,idDv⊗σ). Les vecteurs fixes sous τv forment donc unDopv -module libre Vxτv=1. Puisqueτv commute àτ, il laisse stableVvτv=1 et sa restriction à Vvτv=1 est une bijectionDxop-linéaire dont la classe de conjugaison estγ0. Un automorphismeDvopFq k-linéaire de Vv qui commute à τv laisse stable Vvτv=1. Si de plus, il commute à τ, sa restriction à Vvτv=1 doit commuter à la restriction de τv. Cela définit une bijection de Jγ0(Fv)avec le centralisateur deγ0dansG(Fx).

– Pour une place x∈ |T|, on a nécessairementx /∈ |T|, de sorte que la paire (Vx, τs)est isomorphe à

(DxFqFqs)Fqs k,idD

xFqFqs⊗σs .

Les vecteurs fixes sousτx forment unDxFqFqs-moduleVxτx=1libre de rang1. Puisque τxcommute àτx,τxdéfinit une bijectionσ-linéaire deVxτx=1dans lui-même et donc une classe deσ-conjugaisonδxdu groupeG(FxFqFqs). On déduit de la relationγ0=τsτ1 que las-norme deδx est égale à γ0. Le groupe Jγ0(Fx)est alors le centralisateur tordu deδx.

COROLLAIRE 3. –Si en toutes les placesvdeF,Jγ0,vest isomorphe àGγ0,valorsJγ0 est isomorphe àGγ0.

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