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N ous allons maintenant mettre à profit les calculs précédents pour essayer d’évaluer la pertinence d’une expérience de mesure de rayonnement thermique de champ proche avec le microscope

VIII.4 Circuit thermique et sensibilité de la sonde

Nous allons maintenant utiliser les calculs précédents pour estimer la sensibilité de notre sonde. Les paramètres clés sont donnés par la géométrie du circuit emprunté par le flux de chaleur et les conductivités thermiques des matériaux. On se basera sur un calcul où la sonde est utilisée en régime permanent. On peut donc décrire le circuit thermique par différents éléments de conductances thermiques, que nous allons maintenant calculer. On note Gsp la conductance de la sphère, Gsw la conductance de la zone entre la sphère et la sonde Wollaston et Gp la conductance de la sonde. Dans ce chapitre, on considère que l’élévation de température est confinée dans la partie dénudée du fil de Wollaston.

Deux configurations sont possibles : soit c’est la bille qui est chauffée, soit c’est la surface qui est chauffée. Dans le cas où le substrat est chauffé, celui-ci rayonne sur la bille, sur la partie apparente du SThM, et tout autour dans la chambre à vide où est situé le SThM. Comme la zone de chauffage sur le substrat est relativement grande, on n’a pas un chauffage localisé. Dans le cas où c’est la pointe qui chauffe la bille, la zone de chauffage est étendue (bille+pointe=100 microns+diamètre de la bille), mais les éléments étant fins (le diamètre du fil est 5 microns), la surface éméttrice est plus faible. De plus, la pointe SThM est plus chaude à son extrémité, comme nous le montre le profil de température dans la pointe Wollaston en l’absence de bille. On estime donc que la meilleure des situations est celle où la bille est chauffée et non le substrat. C’est d’ailleurs le type de configuration qu’ont étudiés Nayaranaswamy et Chen (Narayanaswamy, 2007).

VIII.4.1 Conductance de la sphère

On considère dans ce chapitre une sphère de verre. Notons premièrement que le verre n’est pas un matériau optimum pour le transfert de puissance thermique, car il ne conduit pas très bien. Sa conductivité thermique vaut en effet λ ≃ 1.4 Wm−1K−1. L’ordre de grandeur de Gsp peut être déterminé simplement en remarquant qu’elle est de l’ordre de λSl avec S = πR2 et l de l’ordre du rayon R. Pour une sphère de rayon R = 5 10−6 m on trouve que

Gsp≃ λR ≃ 7 10−6WK−1

(VIII.8)

Une simulation numérique par éléments finis (logiciel FEMLAB), qui prend en compte un contact avec le polymère adhésif sur une surface de 1µm2et l’arrivée d’un flux thermique issu de la surface, nous donne une estimation de Gsp= 9, 7 10−6WK−1.

VIII.4.2 Conductance à l’interface sphère-sonde Wollaston

Le contact à l’interface entre la sphère et le fil de Wollaston dénudé peut être décrit à l’aide de deux conductances thermiques. En effet, le flux emprunte deux voies pour se propager : soit directement par le contact solide entre la sphère et le fil, soit à travers le polymère qui les maintient collés.

Conductance solide-solide

Nous devons maintenant évaluer la conductance solide-solide entre le fil de platine rhodié et la sphère. D’après la théorie de Hertz du contact entre deux corps, l’aire du contact peut être décrite à l’aide d’un rayon de contact moyen :

a = (RF

K )

VIII.4. Circuit thermique et sensibilité de la sonde 139

où R = R1R2

R1+R2 est la moyenne des rayons de courbure des corps et K la moyenne des modules élastiques. Nous considérons que les corps en présence n’adhèrent pas facilement l’un à l’autre.Nous avons besoin d’après l’équation précédente d’une estimation de la force exercée par l’un des corps sur l’autre. Cette force est due au polymère adhésif qui colle les corps entre eux. On peut estimer cette force comme étant au mieux de l’ordre de la contrainte d’élasticité. On obtient alors un rayon a d’environ 100 nm et une conductance de contact maximale de Gc ≃ 4.10−7 Wm−2K−1. Remarquons qu’une situation sans contact est possible si le polymère ahésif ne permet qu’un contact lâche.

Conductance liée au polymère

Nous allons maintenant évaluer la conductance du polymère adhésif Gpo. La conductivité des polymères est en général dans la gamme [10−2; 5.10−1] Wm−1K−1. Le polymère que nous avons choisi pour le moment doit pouvoir être résistant à une élévation de température. Une option enviseagable est l’utilisation de colles avec inclusion de particules micrométriques métalliques. Notre option est différente, afin qu’un contact micrométrique soit possible, ce qui n’est a priori pas le cas lorsqu’il y a des inclusions de même taille.

Certains polymères de Norland, thermodurcissables sous éclairement U.V., peuvent résister jusqu’à 125oC. Nous avons choisi l’un d’entre eux, dont la conductivité thermique est λpo= 0.17 Wm−1K−1. On considère que les lignes de flux dans le polymère sont verticales. La conductance dépendra de la distance entre le fil et la sphère dsw. Si l’on estime le diamètre du cylindre de contact d’une taille supérieure à 1 µm, ce qui est une minoration probablement, on trouve que la conductance thermique vaut 2.5 10−5 WK−1 lorsque dsw = 100 nm. En conséquence, la conductance au contact solide-solide sera négligeable devant la conductance due au polymère.

Finalement, ces évaluations nous montre qu’il est possible de transmettre correctement une éléva-tion de température, puisque les résistances thermiques du circuit sont faibles devant celle qui est due au transfert par rayonnement de champ proche. A très courte distance et pour des sphères de très gros rayon, elle sont comparables dans le cas le plus défavorable.

VIII.4.3 Sensibilité avec la sonde Wollaston

Comme nous connaissons les conductances, nous pouvons maintenant évaluer la température moyenne du fil de platine rhodié. La résistance thermique entre l’échantillon plan et l’extrémité du fil de platine est

Rtot = 1 GN F + 1 Gsp + 1 Gc = 1 Gtot (VIII.10)

où GN F est la conductance thermique entre la sphère et la surface plane de l’échantillon. Pour un grand nombre de distances et de rayons de sphère on aura Gtot ≃ GN F.

Nous détectons dans l’échantillon la chute de température due au flux circulant vers l’échantillon froid.

Le profil de température dans la sonde Wollaston est parabolique (voir Partie 1), et la température moyenne de la sonde est donnée par

TM = T0+ρeI 2 0L2 3λS + (TSurf − T0) GtotL 2(2λS + GtotL) − ρeI 2 0L3Gtot 4λS(2λS + GtotL) (VIII.11)

avec Gtot = R1tot et les autres notations sont identiques à la Partie 1. C’est l’élévation (ou la diminution) de température moyenne

∆T = GtotL 2(2λS + GtotL)  (TSurf − T0) −ρeI 2 0L2 2λS  (VIII.12) que nous mesurons dans la sonde (voir Partie 1). On peut séparer deux termes dans cette différence de température. D’une part, la puissance dissipée par effet Joule peut désormais s’échapper par rayonnement de champ proche vers la surface et n’est plus confiné dans la pointe, ce qui diminue la température. D’autre part, un flux supplémentaire peut être généré si on chauffe ou refroidit la surface, car il n’y aura alors pas équilibre du rayonnement. Ces deux termes sont donc dus à des causes différentes. 10−8 10−7 10−6 10−5 10−3 10−2 10−1 100 101 102 Gtot (WK−1) T mesuré (K) T=15 K T=30 K T=60 K T=105 K T=150 K T=210 K T=300 K T=Tsurf − T0

Fig. VIII.11 – Ecart de température à mesurer dans la sonde en fonction de la conductance Gtot

On voit immédiatemment que la sensibilité à GN F est maximale lorsque Gtot << 2λSL , où λSL = 1.5 10−5 WK−1. Ceci est toujours vrai pour les métaux d’après nos calculs. C’est également vrai pour toute une gamme de distances et de tailles pour les matériaux diélectriques. Dans le cas où Gtot ≃ GN F et où on refroidit fortement la surface, on a ∆T = GNFL

4λS (TSurf − T0) ≃

GNF(TSurf−T0)

3 10−5 K. Un comportement linéaire est ainsi observable sur la figure 11. Pour une surface refroidie de 100 K on trouve qu’on peut détecter une conductance de 1.5 10−7 WK−1 si on estime la limite de sensibilité en température du microscope SThM à 0.5 K. Cela nous montre que la détection du flux rayonné par des métaux sera quasiment impossible avec ce dispositif. Par contre, la mesure de matériaux diélectriques semble possible pour des distances inférieures à 50 nm si on se réfère à la figure 6. Nous avons ici fait tous les calculs dans un régime permanent, mais remar-quons que pour un régime harmonique à très basse fréquence les profils seraient quasi identiques. Il faudrait que la fréquence soit dans ce cas très inférieure à a/(R + L + D)2 où a est l’ordre de grandeur de la diffusivité thermique (10−6 à 10−5 m2s−1), ce qui nous donnerait une fréquence de l’ordre de quelques Hz.

Il semble donc possible de mesurer une puissance échangée due au rayonnement thermique de champ proche si l’on refroidit la surface. Mais ce type de mesure ne permettra que d’observer des

VIII.5. Conclusions 141

échantillons diélectriques. La saturation des métaux à courte distance ne sera pas observable. Une autre technique doit alors être envisagée, comme par exemple celle de Kittel (Kittel, 2005).

VIII.5 Conclusions

Nous avons étudié dans ce chapitre une configuration expérimentale permettant la mesure du rayonnement thermique de champ proche. Cette configuration expérimentale consiste à utiliser le microscope AFM à sonde thermique locale, placé en chambre à vide, et sur lequel une bille sphérique est collée à l’extrémité de la sonde thermique. L’utilisation de ce microscope dédié à l’étude de phénomènes thermiques semblait prometteuse, et les simulations numériques montrent qu’il doit être en effet possible de mesurer un flux rayonné en champ proche avec la sonde Wollaston pour des distances inférieures à quelques dizaines de nanomètres pour certains matériaux (diélectriques). Néanmoins, ces mesures n’ont pas été effectuées pour le moment à cause de la rugosité des sphères micrométriques que nous avons obtenues. Celles-ci sont souvent très détériorées par rapport à ce que nous espérions. Nous pouvons remarquer que les mesures de forces de Casimir sont souvent faites à des distances supérieures à 50 nm, seuil assez élevé au regard des simulations que nous avons faites. L’observation de la saturation pour les métaux ne semble pas possible compte tenu de ces caractéristiques techniques. Une autre technique, qui repose sur l’effet bilame et qui a été développée par Chen et Nayaranaswamy suite aux travaux de Majumdar (Nakabeppu, 1995), est envisagée actuellement pour commencer. La sensibilité en température est bien meilleure qu’avec la sonde Wollaston, de deux ordres de grandeur au moins. La mesure du rayonnement de champ proche de métaux doit donc être possible avec cette méthode.

Conclusion