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La sélection peut se baser sur des valeurs de phénotypes. Dans ce cas les éleveurs font se reproduire entre eux les animaux portant les phénotypes d’intérêt. C’est par exemple le cas de la sélection des chèvres Alpines et Saanen qui est basée sur un index de synthèse caprin, prenant en compte des caractères laitiers (matière protéique, matière grasse …), la santé de la mamelle (cellules somatiques) et la morphologie mammaire (Palhière et al., 2015). La construction de cet index de synthèse caprin a pris en compte l’héritabilité de chaque caractère ainsi que le fait qu’il ne soit pas lié à un autre caractère défavorable.

C’est par exemple ce qui est arrivé lors de la sélection des chèvres mottes car le même locus génétique (PIS) code pour l’absence de cornes mais aussi l’inversion de sexe chez les femelles. Cela se présente sous la forme de différentes anomalies de développement du système sexuel allant de changements subtils à une inversion complète du sexe chez les femelles (Szatkowska et al., 2014) et ayant des répercussion sur le système reproducteur. Une sélection basée sur des critères de reproduction permet de ne pas fixer ce caractère dans la race.

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L’exemple le plus connu concernant la sélection involontaire de phénotype est l’expérience de Dmitri Belyaev (1917-1985) qui a entrepris de domestiquer des renards argentés. Il les a sélectionnés sur la docilité (faible distance de fuite face aux humains) et a remarqué des changements dans leur morphologie comme une queue enroulée, des oreilles tombantes ou un pelage tacheté (Belyaev, 1979). Il est possible que certains haplotypes sous sélection que nous avons mis en évidence soient des sélections involontaires, comme par exemple les pampilles qui sont associées à des caractères de production mais ne sont pas un phénotype sélectionné chez les races françaises.

Une autre façon de sélectionner les phénotypes d’intérêt est de détecter les SNPs ayant un impact sur le phénotype observé (mutation causale). Nous pouvons citer l’exemple de la mutation R396W dans le gène DGAT1 qui explique 46% de la variance génétique concernant la teneur en matière grasse du lait chez les races Saanen et Alpine (Martin et al., 2017). La découverte de ce type de mutation est cependant assez rare, comme nous l’avons vu avec l’analyse de l’effet des variants prédit par Ensembl (VEP), seulement 1% des SNPs présents dans notre jeu de données sont positionnés dans des régions codantes et aucun dans des régions régulatrices annotées. Il ne suffit pas qu’un variant soit dans une région codante ou régulatrice pour qu’il ait un impact sur un phénotype, cela va dépendre du changement qu’il implique dans la synthèse de la protéine. Cependant avec l’analyse de prédiction des effets des variants nous avons vu que 0,01% des variants sous sélection sont associés à la perte ou au gain de codons « stop » et la perte de codons « start » qui ont une influence directe sur la synthèse de protéine. De plus, un phénotype peut être codé par plusieurs gènes (polygénie), donc une mutation sur un seul gène ne modifiera pas forcément le caractère observé.

Pour finir, un gène peut avoir un effet pléiotropique (sur différents phénotypes) pouvant avoir des impacts différents sur les phénotypes impactés. C’est par exemple le cas du gène SOCS2 chez le mouton dont l’allèle p.R96C réduit le taux de cellules somatiques dans le lait, mais implique également un moins bon rendement laitier et réduit la taille des animaux (Rupp et al., 2015). La sélection des moutons pour réduire le taux de cellules somatiques dans le lait doit donc s’effectuer en prenant en compte d’autres gènes afin de ne pas réduire la production laitière.

II. Marques épigénétiques : témoin de l’acclimatation

Chez les petits ruminants marocains nous avons trouvé des régions différentiellement méthylées pouvant être impliquées dans des mécanismes d’acclimatation à la variation de température. Ces mécanismes peuvent permettre un changement rapide de phénotype pour s’acclimater à de nouveaux environnements comme l’a montré l’étude de Hu et al. (2019) qui a trouvé des cytosines différentiellement méthylées en relation entre autre avec l’immunité et le métabolisme chez des lézards qui sont restés quatre jours dans un nouvel environnement. Concernant les animaux d’élevage, le projet CLIMGEN est le premier à analyser des ruminants élevés de manière traditionnelle et donc à mettre en évidence des marques de méthylation de l’ADN en relation avec l’environnement chez ces animaux. En effet, en plus de notre étude sur les chèvres et les moutons, Sevane et al. (2018) se sont intéressés aux races bovines adaptées aux tropiques et des races ibériques élevées dans l’environnement de leur ancêtre. Ils ont ainsi pu identifier des DMR dans des gènes directement ou indirectement impliqués dans les processus d'acclimatation au climat tropical, tels que des processus en lien avec le système nerveux, l’immunité, la gestion de l'énergie, la résistance à la chaleur et les attributs de la peau et du pelage. Nous ne trouvons aucun gène (portant des marques génétiques ou épigénétiques) en commun avec cette étude cependant les voies métaboliques impactées par l’environnement sont en partie identiques, avec par exemple des marques épigénétiques en relation avec l’immunité, la gestion de l’énergie et la résistance à la chaleur. Nous trouvons, en plus, des relations avec des caractères d’intérêt agronomique tels que la reproduction et la production de lait, qui peuvent être impactées de manière directe par la température ou de manière indirecte par l’intermédiaire de la qualité ou quantité de ressources en eau ou nourriture.

III. Relation entre les deux mécanismes

Nous avons vu en introduction que les mécanismes génétiques pouvaient être mis en relation avec le processus d’adaptation et les mécanismes épigénétiques avec l’acclimatation. Cela a souvent donné lieu à des publications spécifiques à l’une ou l’autre des approches mais sans les mettre en relation. Cependant, ces deux mécanismes impactent l’expression des gènes et

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(Figure 52). Il paraît donc intéressant d’étudier les relations qu’il peut y avoir entre les mécanismes génétiques et épigénétiques.

Figure 52 : Schéma mettant en relation les mécanismes génétiques et épigénétiques ainsi que leurs effets sur un phénotypique d’après Ibeagha-Awemu & Khatib (2017).

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