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FUMEURS AU MOMENT DE L’ECV FUMEURS PERSISTANTS

6.2 Discussion des principaux résultats de l’étude

6.3.2 Cibler les fumeurs dits « difficiles » et leurs déterminants

Selon J. Perriot, les « fumeurs très dépendants », dits « difficiles », constituent une population hétérogène, représentant 20 à 30% des fumeurs. Il s’agit de patients qui persistent à fumer malgré un retentissement du tabac sur leur santé (ici nos patients vasculaires). Ce qui les caractérise est une précarité sociale, une dépendance élevée (score de Fagerström ≥ 7, fumant leur première cigarette peu de temps après le réveil et consommant quotidiennement plus de 15 cigarettes par jour), avec un tabagisme souvent débuté précocement. Lors des arrêts, ils éprouvent un syndrome de sevrage et des « craving » importants. Ils souffrent aussi souvent d’affections psychiatriques, notamment de dépression qu’il faudra aussi prendre en charge (81). Parmi ces « fumeurs difficiles », il existe deux catégories distinctes :

- Les « fumeurs irréductibles » (Hard-Core Smokers (HCS)). Il s’agit surtout d’hommes, consultant rarement, peu motivés à l’arrêt et sans expérience d’arrêt tabagique. Ils ont une faible conscience de la toxicité du tabac et sont souvent contraints à l’abstinence par une conséquence pathologique induite par leur tabagisme (81).

- Les « fumeurs très dépendants » (Heavy chronic smokers) sont des hommes ou des femmes, avec un tabagisme souvent ancien, motivés à arrêter le tabac, mais échouant à chaque tentative (81).

Ainsi, dans une optique de prise en charge individualisée, il apparaît important de repérer au sein de sa patientèle de fumeurs « difficiles », ceux qui présentent les caractéristiques des « fumeurs irréductibles » vs ceux qui présentent celles des « fumeurs très dépendants » afin d’adapter sa prise en charge en terme de thérapeutique, de rythme et de durée de suivi.

- Concernant les « fumeurs irréductibles », la motivation étant un facteur pronostic majeur d’arrêt du tabac, le médecin pourra tenter une éducation sur la toxicité du tabagisme dans le cadre d’un EM afin de créer l’envie de sevrage avant (ou à l’occasion) de la survenue d’un événement pathologique. Avec ces patients, il sera également nécessaire de tenter sans attendre de réduire la consommation, avec l’appui d’aides médicamenteuses et toujours celle des techniques motivationnelles. - Concernant les « fumeurs très dépendants », le praticien devra plutôt adopter une

posture éducative personnalisée avec du renforcement positif afin d’encourager et de consolider la motivation d’arrêt du tabac, déjà présente. La durée de l’accompagnement sera longue (souvent supérieure à un an), sollicitant non seulement le médecin traitant mais également tous les acteurs susceptibles de participer au suivi (81).

Le questionnaire de notre étude ne permettait pas de différencier au sein de nos « fumeurs persistants » les « irréductibles » des « très dépendants », cette segmentation relevant peut être plus d’une consultation dédiée. Cependant, nous pouvions assimiler notre catégorie de « fumeurs persistants » à celle des fumeurs dits « difficiles ».

Ces « fumeurs persistants », en échec d’arrêt du tabac, étaient ceux qui s’étaient le moins fixé seuls des objectifs d’arrêt et qui avaient le plus bénéficié de conseils de leur praticien, en en étant par la suite le moins satisfaits. Cette population, paraissant moins autonome, semblait ainsi requérir davantage d’une prise en charge individualisée, avec un « conseil minimal » permettant peut-être ainsi de débloquer une discussion, et d’inciter l’élaboration d’objectifs d’arrêt (si cela n’était pas déjà fait). Par la suite, l’EM, dans le cadre d’une consultation dédiée, pourrait permettre un suivi et une aide personnalisée, permettant de parvenir à un arrêt définitif du tabac. Chez ces « fumeurs persistants », il sera également primordial de prévenir les « craving » en ciblant les facteurs les favorisant. Ainsi, à l’aide de thérapeutiques comportementales et médicamenteuses efficaces et adaptées à la dépendance de chacun, l’arrêt du tabac pourra être plus supportable pour les patients et diminuer de cette façon les risques de rechute.

6.3.3 Les différents moyens d’accompagner les patients en prévention

- 6.3.3.1 Vers une valorisation de l’ETP

L’ETP est une approche de prévention codifiée et légiférée, qui nécessite tout un programme précis pré établis. Elle est détaillée par la HAS dans un guide méthodologique destiné aux professionnels de santé. Elle se pratique en individuel ou en collectif et a pour finalités « l’acquisition et le maintien par le patient de compétences d’auto soins et la mobilisation ou l’acquisition de compétences d’adaptation ». Elle n’est pas seulement de l’information du patient, mais un réel programme d’éducation dont le but est de développer les compétences et l’autonomie du patient (108). Elle est particulièrement intéressante dans les maladies chroniques, notamment les MCV et le diabète.

Il s’agit concrètement d’un programme d’éducation mis en œuvre par deux professionnels de santé dont un médecin. Il comporte quatre étapes, et nécessite ainsi un suivi avec de nombreuses consultations dédiées. La première étape permet de définir avec le patient un diagnostic éducatif. La seconde vise à fixer en partenariat avec le patient des objectifs à atteindre. La troisième est faîte d’ateliers pratiques et la dernière revient sur ces différents ateliers et permet de réaliser une évaluation et de définir où les patients en sont dans leur prise en charge.

L’ETP est très souvent initiée dans le cadre de programmes de réadaptation cardiovasculaires. Cependant, quand bien même un patient aurait pu bénéficier de cette prise en charge il semblerait, selon une étude de 2017, qu’il ne se souviendrait plus très bien un an après des différents stages et des conseils qui y auraient été délivrés (109). Ainsi, la formation et la promotion de l’ETP en médecine générale prendraient tout son sens permettant un service de proximité pour les patients. Cela offrirait une prise en charge éducative pour ceux n’ayant pu y avoir accès en post ECV, et une continuité des soins (avec des rappels éducatifs) pour ceux l’ayant déjà débutée.

En parallèle de ces centres « spécialisés », le médecin traitant apparait être le mieux placé pour coordonner ce parcours éducatif en ambulatoire. Il pourrait être un acteur clé de cette prévention à long terme de par sa proximité avec son patient, la confiance partagée développée au fil du temps, sa connaissance de son histoire personnelle, de son environnement, et de ses conceptions et ambivalences par rapport à ses pathologies (5).

Selon un rapport de l’Inpes de 2009 (75), les médecins généralistes seraient demandeurs de formations à l’ETP. Le Département de Médecine Générale de l’Université de Bordeaux propose d’ailleurs un module prévention tout au long du troisième semestre où l’ETP est abordé. Il était aussi question d’instaurer un système permettant aux étudiants de valider leur 40h de formation en ETP en réalisant des mini stages au sein de programmes d’ETP en ambulatoires ou en hospitalier. La faculté propose aussi un module optionnel pour une formation à l’EM, un DU d’ETP et un M2 proposé par l’ISPED de Promotion de la santé et développement social à orientation ETP.