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LA THERAPIE GENIQUE ET L’INSUFFISANCE CARDIAQUE

IV. Ciblage et régulation de l’expression des gènes

Grâce à la connaissance des mécanismes moléculaires impliqués dans le fonctionnement de la cellule cardiaque, l’identification de protéines capables d’améliorer, voire de rétablir le fonctionnement normal de la cellule cardiaque lors de l’insuffisance cardiaque a été rendue possible. A l’heure actuelle, de nombreuses études ont été réalisées mais nous détaillerons les plus marquantes dans l’histoire de la thérapie génique cardiaque.

1. Le système b-adrénergique

Il est désormais clairement établi que l’insuffisance cardiaque engendre une diminution de la sensibilité des cellules cardiaques aux signaux du système sympathique. Cette désensibilisation se fait via une diminution du nombre de récepteurs b2-adrénergiques (b-AR) à la surface de la cellule. Ceci provoque une perte d’inotropisme au niveau cardiaque. L’utilisation d’agonistes b a montré de nombreux effets délétères à long terme, d’où l’arrêt de ce type de traitement et leur substitution par les b-bloquants392. Ces dernières années, l’étude de la surexpression du gène codant pour les b-AR chez l’animal a montré une efficacité certaine393. D’autres cibles de ce système ont également été étudiées. On peut notamment citer le GRK2 (pour récepteur kinase couplé à la protéine G) qui est impliqué dans le rétrocontrôle négatif de cette voie. Cette molécule phosphoryle les b-AR, empêchant leur liaison avec l’adrénaline ou la noradrénaline394. Ce récepteur est inhibé par un peptide, le bARKct et des études réalisées sur le rongeur ont pu montrer que l’insertion d’un transgène codant pour ce peptide permettait l’amélioration de la contraction ventriculaire gauche395.

100 Par ailleurs, l’adényl-cyclase de type VI est également une molécule capable d’inhiber le GRK2. Une étude réalisée chez le cochon a montré une amélioration de la fonction cardiaque ainsi qu’ne augmentation de la capacité du cœur à régénérer l’AMPC (adénosine monophosphate cyclique), un second messager intracellulaire impliqué dans la contraction musculaire388.

2. Circulation du calcium

Comme détaillé dans précédemment, la circulation calcique est fortement altérée au cours de l’insuffisance cardiaque, passant par une moindre activité de la pompe calcique SERCA2a située dans la membrane du RS et permettant l’entrée du calcium intracellulaire dans le RS au cours de la diastole.

Il a été montré, dans plusieurs modèles animaux, que la transduction de cellules cardiaques avec le gène codant pour la pompe SERCA2a permettait une nette amélioration de la contractilité cardiaque, un rétablissement de la géométrie cardiaque et de la consommation énergétique. Ce traitement permettait également de diminuer le risque d’arythmies et d’augmenter le flux sanguin coronaire grâce à l’activation de la eNOS par les cellules endothéliales coronaires393.

Il existe trois autres mécanismes qui permettent d’augmenter l’activité de la pompe SERCA2a388. En premier lieu, le phospholamban (PLB), lorsqu’il est phosphorylé, augmente l’activité de la pompe. Au cours de l’insuffisance cardiaque, le PP1 (protéine phosphatase 1), inhibiteur du PLB par déphosphorylation, est surexprimé, alors que son inhibiteur, le PP1-I est sous-exprimé. Il a été montré qu’une modulation de l’expression de l’une de ces deux cibles permettait à elle seule de rétablir l’activité de la pompe SERCA2a.

Par ailleurs, le S100A1 est une molécule régulatrice qui augmente l’activité de la pompe SERCA2a et du canal calcique RyR (récepteur à la ryanodine) qui permet la sortie du calcium du RS vers le cytoplasme au cours de la systole.

Un nouveau mécanisme cellulaire a été découvert au début des années 2010. Des molécules appelées SUMO (petits modificateurs ubiquitine-like) interviennent dans la modification post- traductionnelle de certaines protéines et la surexpression du gène SUMO de type 1 conduit à un

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OBJECTIFS DE LA THESE

103 L’insuffisance cardiaque est donc un syndrome complexe dont les traitements actuels, malgré qu’ils soient efficaces, ne permettent pas d’inverser les dommages subis au niveau cardiaque et vasculaire. L’enjeu des stratégies de thérapie génique est donc majeur. De nos jours, seuls trois essais cliniques principaux sont en cours et offrent des perspectives prometteuses. Le premier, en phase I, étudie le système AAV6-SERCA2a par rapport à un placebo, et deux autres essais de phase II étudient le système AAV1-SERCA2a388. La thérapie génique pour l’insuffisance cardiaque commence donc à se développer et on comprend l’importance des recherches précliniques pour trouver de nouvelles cibles thérapeutiques prometteuses.

Par ailleurs, l’une des voies possibles de traitement de l’insuffisance cardiaque serait l’utilisation de molécules renforçant les défenses antioxydantes endogènes pour palier au défaut de la balance EROs/antioxydants. Si l’administration d’antioxydants/chélateurs d’EROs, tels que les vitamines C et E396 ou le mitoQ397, ralentissent la progression de l’insuffisance cardiaque dans des modèles animaux, aucun traitement antioxydant n’a clairement démontré son efficacité chez l’Homme. Ces traitements d’origine exogène étant inefficaces chez l’Homme, il est néanmoins envisageable que l’activité d’une ou plusieurs enzymes antioxydantes puisse être bénéfique.

Sur la base des données obtenues dans les travaux pionniers ayant contribué à caractériser la SelT – rôle antioxydant, effets bénéfiques dans différents organes -, nous pouvons formuler l’hypothèse que ces effets puissent se retrouver au niveau cardiaque, en particulier dans le remodelage ventriculaire gauche et l’insuffisance cardiaque. A ce jour, aucune étude expérimentale ou clinique n’a montré le rôle de la SelT dans le développement et la progression de pathologies cardiovasculaires. Dans ce contexte, les objectifs de cette thèse ont été :

v D’étudier au cours du remodelage ventriculaire gauche, l’impact d’une thérapie protéique par la SelT chez le rat Wistar.

v D’évaluer l’impact d’une thérapie génique par la SelT, moyennant l’utilisation de plusieurs sérotypes de rAAV :

• Un rAAV à tropisme majoritairement cardiaque, à savoir le rAAV9, qui permettra une surexpression majoritairement cardiaque du gène de la SelT

• Un rAAV à tropisme cardiaque, mais également musculaire, qui permettra une expression plus étendue d’une forme sécrétable de la protéine, permettant une comparaison plus aisée avec la thérapie protéique.

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