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Chapitre 3. Résultats

3.2 Chronologie, taux de sédimentation et influx polliniques

3.2.1 Lac Cliff

La chronologie au plomb obtenue grâce au modèle CRS pour le lac Cliff repose sur 6 des 11 échantillons analysés, puisque les 5 derniers se situaient dans la zone de plomb soutenu. Les 6 échantillons retenus sont situés entre 0,2 cm et 4,91 cm (Figure 3.5; Tableau 3.4). Les données brutes du comptage au plomb ne présentent pas d’irrégularités, ce qui laisse supposer qu’il n’y a pas eu de brassage de sédiments au lieu d’échantillonnage. Les années de dépôt associées aux échantillons comptés varient entre 1879 et 2010 avec un taux de sédimentation qui augmente au cours de cette période (Tableau 3.5; Figure 3.6).

Le pic de 137Cs se trouve à 1,39 cm sous la surface. Toutefois, la concentration en

137Cs de l’échantillon de surface est presque aussi élevée (Annexe 7). Le pic de 137Cs n’a

donc pu être utilisé pour valider la chronologie. La validation a plutôt été faite en utilisant la réduction de 90 % de l’inventaire du 210Pb par rapport à la surface (voir la section 2.5.2). La profondeur à laquelle l’inventaire de plomb équivaut à 10% de celui à la surface se situe entre les échantillons de 3,15 cm et 4,03 cm, auxquels sont associées les années 1955 et 1927. À partir de l’année médiane de cet intervalle, soit 1941, les résultats obtenus suggèrent que 90% du plomb s’est épuisé en 70 ans (entre 2011, année de récolte des

33 échantillons, et 1941). Puisque la théorie prévoit que cette profondeur devrait correspondre à un âge de 75 ans, le modèle a été jugé valable.

Figure 3.5. Modélisation de l’âge des sédiments selon leur profondeur pour le lac Cliff à l’aide du 210Pb. Les

6 points les plus bas sont les échantillons pour lesquels le modèle CRS a été appliqué. L’erreur associée à ces points est présentée dans le tableau 3.4. Le point supérieur (0 cm, 2011) a été ajouté pour la modélisation. La ligne continue est la courbe de tendance quadratique qui décrit le mieux la relation âge-profondeur. Elle a été utilisée pour intrapoler l’âge des sédiments qui n’ont pas été soumis à l’analyse du 210Pb.

Tableau 3.4. Inventaire de plomb et date de dépôt des sédiments du lac Cliff ainsi que leurs erreurs selon la

profondeur des échantillons.

Mi-section Inventaire de plomb inventaire de Erreur sur plomb Date de dépôt des sédiments selon le modèle CRS Erreur sur date (cm) (Bq/g) (Bq/g) (années) 0,2 0,084 0,017 2010 8 1,39 0,053 0,018 1995 11 2,27 0,030 0,018 1977 16 3,15 0,015 0,018 1955 30 4,03 0,006 0,018 1927 69 4,91 0,001 0,018 1879 306 y = -0,0002x2 + 0,9136x - 850,2 R² = 0,995 0 1 2 3 4 5 1860 1880 1900 1920 1940 1960 1980 2000 2020 Pr of on de ur (cm ) Année

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Tableau 3.5. Année de dépôt et taux de sédimentation (cm/an) des échantillons du lac Cliff en fonction de la

profondeur selon la modélisation quadratique. Les échantillons en gras sont ceux qui ont été envoyés au comptage pour le 210Pb. L’année de dépôt qui leur a été attribuée par le modèle CRS est entre parenthèses.

Mi-section (cm)

Année de dépôt des sédiments selon le modèle quadratique

(année selon le modèle CRS) Taux de sédimentation (cm/an)

0,20 2010 (2010) 0,133 0,62 2007 0,145 0,95 2003 0,096 1,17 2000 0,077 1,39 1997 (1995) 0,067 1,61 1993 0,059 1,83 1989 0,052 2,05 1984 0,047 2,27 1979 (1977) 0,043 2,49 1974 0,040 2,71 1968 0,037 2,93 1961 0,034 3,15 1954 (1955) 0,032 3,37 1947 0,030 3,59 1939 0,028 3,81 1931 0,027 4,03 1922 (1927) 0,025 4,25 1913 0,024 4,47 1903 0,023 4,69 1893 0,022 4,91 1882 (1879) 0,021

À partir de cette chronologie, une courbe de tendance a été tracée pour connaître la relation entre l’année de dépôt des sédiments et leur profondeur (Figure 3.5). Le modèle quadratique obtenu a un coefficient de corrélation (R2) de 0,995. Les taux de sédimentation

obtenus à partir de cette relation augmentent constamment de la base de la carotte vers la surface, à l’exception de l’échantillon de surface (Tableau 3.5). La modélisation du taux de sédimentation à partir de la chronologie du 210Pb montre une augmentation importante du

35 Figure 3.6. Taux de sédimentation, influx polliniques des principaux taxons et concentration pollinique totale

pour les échantillons du lac Cliff datant des 130 dernières années.

L’augmentation du taux de sédimentation vers la surface dans les échantillons du lac Cliff se traduit par une augmentation des influx polliniques de plusieurs taxons arbustifs et arborescents (voir équation 2.6). Selon la chronologie présentée plus haut, les influx polliniques de l’aulne et du bouleau augmentent faiblement à partir de 1930, puis de façon plus marquée à partir de l’année 2000 (Figure 3.6). L’influx pollinique des autres arbustes (éricacées et saules) est aussi plus élevé à partir de 1930, mais fluctue beaucoup entre 1930 et 2010. L’influx pollinique du genre Picea montre une faible augmentation à partir de 1980, et une augmentation importante à partir de 2000.

La concentration pollinique totale des échantillons diminue à partir de 1980. L’influx pollinique total présente quant à lui le même patron que les influx polliniques de l’aulne et du bouleau : une faible augmentation vers 1930, suivie d’une augmentation marquée à partir des années 2000.

3.2.2 Lac Biscuit

Pour obtenir la chronologie du lac Biscuit à l’aide du modèle CRS, 10 des 14 échantillons analysés ont été utilisés. Les 10 échantillons sont situés entre 0,20 cm et 6,45 cm. Les données brutes du comptage au plomb ne présentent pas d’irrégularités, ce qui laisse supposer qu’il n’y a pas eu de brassage de sédiments au lieu d’échantillonnage. Selon

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le modèle CRS, les années de dépôt associées aux échantillons comptés varient entre 1780 et 2009 (Figure 3.7; Tableau 3.6).

Figure 3.7. Modélisation de l’âge des sédiments selon leur profondeur pour le lac Biscuit. Les 9 points les

plus bas sont les échantillons pour lesquels le modèle CRS a été appliqué. L’erreur associée à ces points est présentée dans le tableau 3.6. Le point supérieur (0 cm, 2011) a été ajouté pour la modélisation. La ligne continue est la courbe de tendance quadratique qui décrit le mieux la relation âge-profondeur. Elle a été utilisée pour intrapoler l’âge des sédiments qui n’ont pas été soumis à l’analyse du 210Pb.

Tableau 3.6.Inventaire de plomb et date de dépôt des sédiments du lac Biscuit ainsi que leurs erreurs selon la

profondeur des échantillons.

Mi-section Inventaire de plomb inventaire de Erreur sur plomb Date de dépôt des sédiments selon le modèle CRS Erreur sur date (cm) (Bq/g) (Bq/g) (années) 0,2 0,130 0,008 2009 3 0,51 0,115 0,008 2006 3 0,73 0,098 0,008 2000 3 1,17 0,068 0,008 1988 4 2,05 0,034 0,008 1967 8 2,93 0,016 0,008 1943 15 3,81 0,008 0,008 1921 29 4,69 0,005 0,008 1902 52 5,57 0,001 0,008 1865 162 6,45 0,000 0,008 1780 2283 y = -6E-05x2 + 0,2058x - 159,6 R² = 0,997 0 1 2 3 4 5 6 1860 1880 1900 1920 1940 1960 1980 2000 2020 Pr of on de ur (cm ) Année

37 Le pic de 137Cs se trouve directement sous la surface (Annexe 7) et n’a donc pas été utilisé pour valider la chronologie, tout comme pour le lac Cliff. La chronologie a été validée en utilisant la réduction de 90% de l’inventaire du plomb par rapport à la surface. Cette profondeur se situe entre les échantillons de 2,93 cm et 3,81 cm, auxquels sont associées les années 1943 et 1921. À partir de l’année médiane de cet intervalle, soit 1932, les résultats obtenus suggèrent que 90% du plomb s’est épuisé en 79 ans (entre 2011, année de récolte des échantillons, et 1932). Puisque la théorie prévoit que cette profondeur devrait correspondre à un âge de 75 ans, le modèle a été jugé valable.

À partir de cette chronologie, une courbe de tendance a été utilisée pour déterminer la relation entre l’année de dépôt des sédiments et leur profondeur. Le point le plus profond (6,45 cm) a été exclu de cette relation, car il était associé à l’année 1780 par le modèle CRS, soit 231 ans avant le moment de l’échantillonnage, et la datation au 210Pb ne peut pas

être utilisée au-delà de 200 ans (Appleby 2001). De plus, l’erreur associée à ce point rendait cette donnée inutilisable (Tableau 3.6). Pour le lac Biscuit, le modèle quadratique a un coefficient de corrélation de 0,997. Comme pour le lac Cliff, les taux de sédimentation obtenus à partir de cette relation augmentent constamment de la base de la carotte vers la surface, et l’augmentation est plus rapide à la surface (Tableau 3.7). Le taux de sédimentation maximal est cependant moins élevé pour le lac Biscuit que pour le lac Cliff (0,124 cm/année et 0,145 cm/année, respectivement).

Comme pour le lac Cliff, l’augmentation du taux de sédimentation dans la portion supérieure de la colonne sédimentaire du lac Biscuit engendre une augmentation des influx polliniques (voir équation 2.6). Toutefois, les influx polliniques calculés pour le lac Biscuit sont généralement inférieurs à ceux du lac Cliff, en partie parce que les taux de sédimentation y sont plus bas (Tableau 3.8).

Dans le lac Biscuit, les influx polliniques du bouleau et de l’aulne suivent le même patron et augmentent faiblement à partir de 1975, puis diminuent à partir de 2000 (Figure 3.8). L’influx pollinique du genre Picea varie le long de la colonne sédimentaire, mais ne présente pas de patron particulier. Son influx pollinique est plus élevé que celui du lac Cliff, puisque les concentrations polliniques de Picea sont beaucoup plus élevées dans le lac Biscuit que dans le lac Cliff.

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La concentration pollinique totale des échantillons diminue à partir de 1995. L’influx pollinique total présente le même patron que le bouleau et l’aulne, soit une faible augmentation à partir de 1975, et une diminution à partir de 2000.

Tableau 3.7.Année de dépôt et taux de sédimentation (cm/an) des échantillons du lac Biscuit en fonction de

la profondeur selon la modélisation quadratique. Les échantillons en gras sont ceux qui ont été envoyés au comptage pour le 210Pb. L’année de dépôt qui leur a été attribuée par le modèle CRS est entre parenthèses.

Mi-section (cm) Année de dépôt des sédiments selon le modèle quadratique

(année selon le modèle CRS) Taux de sédimentation (cm/an)

0,20 2009 (2009) 0,124 0,51 2003 (2006) 0,048 0,73 1998 (2000) 0,047 0,95 1994 0,046 1,17 1989 (1988) 0,045 1,39 1984 0,044 1,61 1979 0,043 1,83 1973 0,042 2,05 1968 (1967) 0,041 2,27 1963 0,041 2,49 1957 0,040 2,71 1952 0,039 2,93 1946 (1943) 0,038 3,15 1940 0,038 3,37 1934 0,037 3,59 1928 0,036 3,81 1922 (1921) 0,036 4,03 1916 0,035 4,25 1909 0,035 4,47 1903 0,034 4,69 1896 (1902) 0,033 4,91 1889 0,033 5,13 1883 0,032 5,35 1876 0,032 5,57 1869 (1865) 0,031

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Tableau 3.8. Moyennes, écart types, maxima et minima des influx polliniques pour les lacs Cliff et Biscuit.

LAC CLIFF LAC BISCUIT

Influx polliniques

(grains x cm-2 x an-1) Moyenne ± écart type Maximum Minimum Moyenne ± écart type Maximum Minimum

Picea 177 ± 123 644 60 655 ± 179 991 209 Pinus 28 ± 25 109 0 47 ± 36 133 0 Autres arbres 4 ± 9 27 0 1 ± 2 7 0 Alnus 1528 ± 724 3959 709 536 ± 187 1100 194 Betula 1136 ± 654 3259 466 532 ± 200 1209 218 Autres arbustes 96 ± 53 229 29 87 ± 40 207 29 Cypéracées 94 ± 36 178 30 100 ± 36 160 40 Tubuliflores 77 ± 43 205 29 46 ± 24 90 10 Poacées 27 ± 23 79 0 26 ± 17 66 5 Autres herbacées 53 ± 34 135 10 48 ± 21 90 15 Pollen non-identifiable 124 ± 99 485 40 97 ± 60 261 9 Total 3 344 ± 1 612 8 681 1 588 1 871 ± 506 3 292 736

Figure 3.8. Taux de sédimentation, influx polliniques des principaux taxons et concentration pollinique totale

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Chapitre 4. Discussion

4.1 Pourcentages polliniques

Afin de déterminer si l’expansion récente des arbustes dans la région de la rivière Boniface est détectable dans les assemblages polliniques, notre premier objectif était de quantifier les variations des pourcentages polliniques des principaux taxons dans les 20 cm supérieurs des sédiments lacustres. Notre hypothèse de recherche était que les pourcentages polliniques du genre Betula seraient plus élevés dans les sédiments récents, ce qui reflèterait la place de plus en plus importante qu’occupe cette espèce dans les communautés végétales de la région de la rivière Boniface (Ropars et Boudreau 2012).

Les résultats obtenus suggèrent que l’expansion des arbustes est bel et bien détectable dans les sédiments lacustres de la région de la rivière Boniface. En effet, les pourcentages polliniques du bouleau sont significativement plus élevés dans les sédiments de surface que dans le reste des échantillons. Ces changements sont probablement associés aux changements dans la dynamique récente des communautés végétales dans la région de la rivière Boniface. Nos résultats sont compatibles avec ceux de Ropars et Boudreau (2012), qui ont montré que l’augmentation du couvert arbustif de 21,6 % sur les terrasses de basse altitude et de 11,6 % sur les sommets dénudés dans la région d’étude était principalement associée à une abondance accrue du bouleau glanduleux. Les espèces arbustives appartenant au genre Betula sont aussi liées à l’expansion des arbustes dans d’autres régions arctiques et subarctiques (Tape et al. 2006; Tremblay et al. 2012).

Il aurait toutefois été intéressant de déterminer la proportion des grains de pollen du genre Betula réellement produite par des individus de bouleau glanduleux. Bien que la latitude à laquelle s’est déroulée l’étude suggère fortement que la majeure partie du pollen de Betula est produite par cette espèce, il est possible que le bouleau à papier (Betula

papyrifera Marshall) (dont la limite nord de l’aire de répartition est située à au moins 300 km au sud de la région d’étude) soit aussi représenté dans les spectres polliniques. Afin de détecter et quantifier la présence de cette espèce suite au transport du pollen sur de longues distances, la mesure du diamètre des grains de pollen de Betula aurait pu être effectuée. Toutefois, il n’existe aucun consensus dans la littérature quant à la fiabilité de

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cette méthode (Richard 1970; Edwards et al. 1991; Clegg et al. 2005; Colpron-Tremblay et Lavoie 2010).

Contrairement à ceux du bouleau glanduleux, les pourcentages polliniques des autres espèces arbustives ne présentent pas de patron clair dans les deux lacs. Alors que les pourcentages polliniques du genre Alnus semblent diminuer dans le haut de la colonne sédimentaire du lac Cliff, ils augmentent dans le lac Biscuit. La proportion des assemblages polliniques occupée par les autres arbustes (Salix, éricacées et bétulacées ne pouvant être identifiés au genre) est faible et relativement stable dans les sédiments des deux lacs.

À l’instar du bouleau glanduleux, la proportion de pollen du genre Picea a augmenté dans les échantillons superficiels dans les deux lacs étudiés (échantillons entre 0 et 1 cm de profondeur), un autre indicateur potentiel de changements récents dans la dynamique de la végétation dans la région de la rivière Boniface. Le pollen de Picea identifié au cours de cette étude est principalement associé à l’épinette noire, puisqu’elle est la seule espèce arborescente trouvée dans la région d’étude. Les pourcentages polliniques de Picea occupent toutefois des proportions très différentes des assemblages polliniques dans les deux lacs étudiés. Dans le lac Cliff, le pourcentage pollinique moyen de Picea est très faible ( = 6,5 ± 3,4 %) alors que les résultats du lac Biscuit ( = 28,4 ± 10,8 %) correspondent plus à ce qui a été rapporté dans la littérature pour d’autres lacs de l’écotone forêt boréale - toundra. Par exemple, l’analyse pollinique de la portion supérieure de la colonne sédimentaire (0 - 21 cm) d’un lac de 3,3 ha situé à moins de 8 km des lacs d’étude a montré un pourcentage pollinique moyen de l’épinette de 20,7 ± 6,0 % (Asselin et Payette 2005). Près de la limite latitudinale des arbres, les pourcentages polliniques de l’épinette oscillent entre 20 % et 30 % dans les sédiments accumulés au cours du dernier millénaire d’un autre lac de 3 ha (Gajewski et al. 1993). Dans les spectres polliniques modernes, les sédiments de la sous-zone arbustive de la toundra forestière québécoise présentent des pourcentages polliniques de l’épinette qui varient entre 20 % et 40 % (Gajewski 1991).

Les disparités importantes entre les assemblages polliniques des deux lacs pourraient être expliquées par leur taille différente. En effet, plus un lac est grand, plus l’aire de provenance des grains de pollen qu’il contient devrait être grande (Prentice 1985). On s’attend donc à ce qu’un lac de petite taille contienne majoritairement du pollen

43 provenant des zones situées près du lac, alors qu’un lac de plus grande taille devrait montrer un signal plus régional (Jacobson et Bradshaw 1981). Si l’on reporte la taille des lacs Cliff et Biscuit sur le modèle théorique de Jacobson et Bradshaw (1981), on constate que le pollen trouvé dans le lac Cliff devrait théoriquement être principalement d’origine locale et extra-locale, alors que celui du lac Biscuit devrait être majoritairement d’origine régionale (Figure 4.1). La taille du lac pourrait donc en partie expliquer les différences entre les pourcentages polliniques des lacs Cliff et Biscuit.

Figure 4.9. Relation entre la taille d’une étendue d’eau sans affluent et la proportion relative de pollen

provenant de différentes aires autour du bassin. Les lignes rouge pointillées représentent l’endroit

approximatif où se situent les lacs Cliff et Biscuit selon leur taille. Figure traduite et modifiée de Jacobson et Bradshaw (1981).

Suite à cette analyse des résultats des pourcentages polliniques, il importe de souligner une anomalie décelée dans le patron de la concentration pollinique totale du lac Cliff. Les concentrations polliniques totales des échantillons sont nettement plus faibles dans les échantillons situés sous 10,98 cm de profondeur que dans ceux situés au-dessus de cette limite (Figure 3.2). La profondeur de 10,98 cm est la limite entre les échantillons

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ayant une épaisseur de 0,92 cm et de 0,22 cm. Ce patron de concentration est atypique. En effet, on observe généralement une diminution progressive de la concentration pollinique totale de la base vers la surface d’une carotte, en raison de la compaction différentielle des sédiments. Pour le lac Cliff, il semble que les échantillons supérieurs contiennent un plus grand nombre de grains de pollen par échantillon, ce qui expliquerait la différence de concentration pollinique entre les deux types d’échantillons, un phénomène qui n’a pas été observé dans les échantillons du lac Biscuit. À ce jour, aucune autre explication ne permet d’expliquer un tel patron dans la concentration pollinique du lac Cliff. Bien que la concentration pollinique totale des échantillons du lac Cliff ne semble pas corrélée au volume des échantillons, cette anomalie suggère qu’il pourrait être judicieux à l’avenir d’utiliser une seule épaisseur d’échantillons. L’interprétation de potentiels patrons atypiques de concentration pollinique serait ainsi facilitée puisqu’une source de biais serait éliminée. De plus, nous suggérons que les études palynologiques à très fine résolution temporelle subséquentes utilisent un carottier permettant un sous-échantillonnage précis, afin d’éviter d’avoir à utiliser un calcul indirect pour obtenir le volume frais des échantillons. De même, une surface d’échantillonnage plus grande, par exemple avec un carottier à gravité utilisant des tubes plus larges, permettrait de récolter suffisamment de sédiments humides pour procéder à toutes les analyses requises sans passer par la lyophilisation, ce qui diminuerait grandement les sources de biais possibles dans le calcul des concentrations et des influx polliniques.

4.2 Influx polliniques

Puisque les pourcentages polliniques des différents taxons sont interdépendants, l’augmentation récente des pourcentages polliniques ne permet pas de conclure à une augmentation absolue du pollen de bouleau. Ainsi, l’augmentation des pourcentages polliniques du bouleau glanduleux pourrait simplement refléter une production pollinique moindre des autres espèces dans la région. Afin de détecter une augmentation de la production totale du pollen du bouleau glanduleux associée à l’expansion de cette espèce dans la région, il était nécessaire de quantifier les variations des influx polliniques des principaux taxons depuis le début du 20ème siècle. Suivant l’hypothèse liée à notre premier

45 objectif, nous prévoyions que les influx polliniques du bouleau augmenteraient vers la surface.

Les influx polliniques du bouleau et de l’aulne ont augmenté récemment dans les deux lacs étudiés. Dans le lac Cliff, leur augmentation est visible à partir de 1930 et elle accélère dans les années 2000, soit à 3,81 cm et 1,17 cm de profondeur respectivement. Dans le lac Biscuit, l’augmentation a lieu à 2,0 cm de profondeur, ce qui correspond à environ 1975 selon le modèle. Cependant, elle n’est plus observable à partir d’environ 2005. La quantité de pollen de bouleau et d’aulne déposée dans les sédiments de la région de la rivière Boniface a donc augmenté au cours des 80 dernières années, avec une accélération de l’augmentation au cours des deux dernières décennies dans l’un des deux lacs. L’influx pollinique des autres arbustes montre aussi une faible augmentation dans le lac Cliff. L’expansion récente des arbustes dans la région de la rivière Boniface semble donc détectable dans les influx polliniques récents.

Notre hypothèse selon laquelle les influx polliniques du bouleau glanduleux devraient augmenter dans les sédiments de surface suppose que les changements climatiques récents ont un effet positif sur la production de pollen du bouleau. Bien qu’aucune information directe n’appuie cette supposition dans la région d’étude, de nombreuses études expérimentales soulignent le lien entre l’augmentation de la température dans les environnements nordiques et l’effort reproducteur des espèces qui y vivent, c'est-à- dire la quantité d’énergie investie dans les tissus reproducteurs ainsi que le succès reproducteur (Molau 1993; Henry et Molau 1997; Klady et al. 2011). La simulation d’un réchauffement climatique a entre autres provoqué un avancement du développement des organes floraux et des graines de différentes plantes arctiques, une augmentation de la biomasse des fleurs ainsi que de la masse, de la quantité et de la viabilité des graines (Wookey et al. 1993; Alatalo et Totland 1997; Henry et Molau 1997; Welker et al. 1997; Dormann et Woodin 2002; Klady et al. 2011). Il est donc plausible de croire que la quantité de pollen produite augmente elle aussi, bien qu’elle soit peu étudiée jusqu’à maintenant.

Une partie de l’effet positif des changements climatiques sur l’effort reproducteur est probablement attribuable à la disponibilité accrue des nutriments résultant de l’augmentation de température (Rustad et al. 2001; Aerts et al. 2006). En effet, une étude à

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long terme de Moulton et Gaugh (2011) a montré que l’ajout de fertilisants, même sans réchauffement simulé, augmente la production de fleurs et de fruits et modifie le réservoir de graines dans le sol. C’est particulièrement le cas pour Betula nana qui dissémine plus de

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