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Chronique du livre

Dans le document Organisations et territoires (Page 125-128)

Louis-Jacques Filion, Innover au féminin : savoir se dépasser-intraprendre, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2013, 292 p.

Le responsable de cet ouvrage est familier à bon nombre de lecteurs d’O & T à laquelle il a déjà collaboré. Cet ami, connu au début des années 80, lorsqu’il était mon collègue à l’UQTR et à qui je dois mes premiers trois séjours au Brésil1, est

professeur titulaire de la Chaire d’entrepreneuriat Rogers-J.-A. Bombardier à HEC Montréal. Je ne crois pas me tromper en affirmant qu’au Québec, dans le domaine de l’entrepreneuriat, comme professeur, sa réputation n’a d’égale que celle d’Yvon Gasse de l’Université Laval. En ce qui regarde l’intrapreneuriat, le présent ouvrage fait suite à Oser intraprendre2 publié en 2010. Comme

l’indique le titre, il se rapporte aux réalisations de douze femmes qui, à l’intérieur de l’organisation qui leur servent de gagne-pain, ont su se distinguer par leur dynamisme et leur capacité d’innover. La passion dans l’accomplissement de leurs tâches s’avère la caractéristique commune à la base de leur succès, comme le souligne l’auteur. Le fait que les intrapreneures sont des employées, on comprendra qu’il s’agit là du trait qui les distingue le plus des entrepreneures. À ce propos, un premier tableau présente, d’une façon qui me paraît curieuse, les traits particuliers des unes et des autres. En effet, mis à part le conservatisme (propre aux intra- preneures), les caractéristiques telles que la curio- sité, l’engagement, la débrouillardise, la tolérance au risque, l’intuition, l’innovation, etc., sont, à mes yeux, communes à la fois aux intrapreneures et aux entrepreneures. De même, la figure représentant la pensée intrapreneuriale qui va de l’identification d’un besoin au passage à l’action n’est sûrement pas étrangère à celle des entrepreneures.

Parmi les cinq traits principaux qui font comprendre, selon L-J Filion, l’intérêt accordé

1 Sur un total de 41 séjours à la fin de 2014. 2 Presses Interuniversitaires/Presses HEC Montréal, 3 Comme ici les subventions gouvernementales ne sont pas négligeables, souhaitons que les coupures de

depuis le début du XXIe siècle à l’intrapreneuriat,

je retiens plus particulièrement l’extension continue apportée au concept et aux pratiques d’innovation. Effectivement, si l’innovation dans le sens schumpeterien du terme colle à l’entre- preneuriat, il est de même avec l’intrapreneuriat. Là-dessus, l’auteur ne manque pas de préciser que de nos jours l’innovation concerne toute personne qui œuvre dans les organisations ce qui implique toutes les fonctions, toutes les activités et non seulement l’innovation technologique. Pour illus- trer ce propos, on trouve une citation d’un cadre : « …cette personne a contribué à une innovation, car elle a fait une chose qui n’est pas dans sa description de tâche. »

Tous les cas ici présentés n’offrent pas un égal intérêt. Parfois, le lecteur pourra s’interroger sur la pertinence du concept d’intrapreneuriat tel qu’ici défini dans le cas d’une femme dont le principal fait d’armes est survenu par son enga- gement à l’intérieur d’un OSBL qu’elle a créé à sa...retraite. Pour certaines autres, si on admet qu’elles sont allées effectivement au delà de leur description de tâche, méritent-elles le titre d’intrapreneures tout simplement pour être sortie d’une certaine routine, en d’autres mots : pour ne pas avoir été des gratte-papiers? Je m’en tiendrai dans ce qui suit donc à quatre cas qui ont vraiment retenu mon attention.

Le tout commence avec Nathalie Beaudry présentée comme étant LA femme derrière l’ini- tiative Les filles et la science. On comprendra que l’initiative en question vise à sensibiliser les filles au monde scientifique afin d’encourager un plus grand nombre à s’engager dans une carrière scientifique3. Cette réalisation fut rendue possible

tout en œuvrant pour Expertech bâtisseurs de réseaux, une filiale de Bell. Après des années d’un franc succès à l’échelle du Québec, cette

l’administration Couillard ne mettront pas en péril une œuvre aussi utile.

initiative a valu à Mme Beaudry d’être choisie par La Presse comme personnalité de la semaine dans la catégorie « sciences pures et technologie ». Avec Francine Lelièvre, on se trouve en présence d’une femme dont les réalisations lui ont mérité un ensemble de prix tel que l’énumération occupe plus de…quatre pages. Alors qu’elle était à l’emploi de Parcs Canada depuis une quinzaine d’années, elle s’est mise à se demander si elle allait être fonctionnaire durant toute sa carrière. Sa réponse n’a pas tardé quand on lui a offert de participer à l’implantation du Musée de la Civilisation de Québec. Fière de cette expérience, en fondant par la suite son entreprise-conseil en muséologie, elle devenait selon l’auteur « extrapreneuse » définie comme une entrepreneure qui poursuit l’activité qui faisait d’elle une intrapreneuse. Ainsi, de fil en aiguille, il lui parviendra une proposition de procéder à une étude de faisabilité de la construction de ce qui allait devenir à Montréal mon musée préféré : Pointe-à-Calière, devant lequel passe la piste cyclable conduisant au Vieux-Port. Il n’en fallait pas plus pour qu’on l’amène à accepter la direction de ce musée dont les expositions font courir les foules. Comme d’autres femmes faisant l’objet de cet ouvrage, Mme Lelièvre signale qu’elle a toujours fait ce qu’elle aimait.

Avec Guylaine Legault, on a un fort bel exemple de la forme que peut prendre le parcours d’une… combattante, et ce, à l’intérieur du Mouvement Desjardins. Comment, une jeune fille qui, à 17 ans, ambitionnait de devenir avocate, accepte sous l’incitation de son père, un poste de caissière d’une Caisse Populaire, sur les rives du Lac-des-Deux- Montagnes, parviendra à tirer son épingle du jeu? Non, elle ne sera jamais avocate, mais quel chemin elle parviendra à se frayer pour en arriver à occuper de hautes responsabilités en s’installant au Complexe Desjardins à Montréal. La recette : avoir un rêve et la détermination pour le réaliser en prenant le temps qu’il faudra. Refuser la routine et ne pas craindre de faire différemment, voilà ce qui a toujours été à la base des différentes responsabilités qui furent confiées à Mme Legault. Comme on le devine, pour ce faire il ne faut pas craindre d’apprendre de ses erreurs. On connaît le sort de ceux qui ne font jamais d’erreurs et qui préfèrent demeurer confinés dans leur zone de confort : l’intrapreneuriat n’est pas leur tasse de thé.

Sil faut retourner sur les bancs d’école (ceux de l’université en fait) afin d’acquérir les connais- sances qui permettront d’aller plus loin : pas de problème, on le fait se disait Mme Legault. Com- me beaucoup d’autres femmes insérées dans un monde d’hommes, on devine qu’il lui a fallu jouer du coude pour parvenir à démontrer ce dont elle est capable en misant sur la confiance en soi.

Ayant lu cet ouvrage au moment où on préparait la commémoration du 25e anniversaire de la tragédie

survenue à Polytechnique, j’ai jugé opportun de prendre comme dernier cas celui de Mme Nadine Léonard, présentée comme une ingénieure innovante. Perspicacité et vivacité, deux qualités qui caractérisent, selon l’auteur, celle qui gravira tous les échelons au sein de la firme de construction Pomerleau dont la réputation n’est pas à faire et qui n’a eu rien à craindre de la Commission Charbonneau. À l’âge de 26 ans, notre ingénieure fut appelée à superviser le chantier de la construction du casino du Lac-Leamy à Gatineau impliquant pas moins de 700 travailleurs. Refuser une telle responsabilité n’était pas une option. Alors elle s’est retroussé les manches et, comme pour l’ensemble des femmes qui font l’objet de cet ouvrage, elle n’a pas compté les heures de travail. À son tour, elle osera faire les choses différemment en apportant avec le temps une attention marquée envers le respect de l’environnement. Pour elle aussi, un complément de formation universitaire ouvrira la porte à de nouvelles ambitions en se disant qu’il ne faut jamais cesser d’apprendre. Cet ouvrage est d’une facture très agréable. Les différents chapitres se lisent comme les articles de la section « Affaires » de son quotidien préféré. L. J Filon et ses collaborateurs ont bien su mettre en évidence les principaux traits de chacune des douze femmes ayant fait l’objet d’une longue entrevue. Toutes sont nées avec la Révolution tranquille. Faut-il y voir la source de leur détermination de ne pas s’engager sur des sentiers battus? Des superwomen? Sûrement, mais des femmes qui, de toute évidence, n’ont rien d’hommes en jupon. Des femmes qui ont pris la place dont elle caressait la vision avant d’avoir 20 ans.

André Joyal

Membre du Centre de recherche en développement territorial (CRDT)

Danielle Maltais, Suzanne Tremblay, (s. la dir. de), Enjeux théoriques et pratiques en développement régional : 30 ans de recherche au GRIR, Saguenay, GRIR-UQAC, 2014, 179 p. Le GRIR, en 2013, par la tenue d’un colloque, a sabré le champagne accompagné d’un gâteau serti de 30 bougies. En effet, j’ai la chance d’avoir été témoin des tout débuts du Groupe de recherche en intervention régionale dont j’aurai l’occasion à travers les années de recenser cer- tains ouvrages issus des travaux de ses cher- cheurs. Le titre de l’ouvrage reflète très bien son contenu qui se partage en trois axes : les différents courants en développement régional; le passé et le présent des Premières Nations; la prise en main du développement de la part des acteurs locaux. Il revient à deux collègues de l’UQAR, M. J. Fortin et Y. Fournis, d’ouvrir le bal par une présentation exhaustive et minutieuse des contri- butions qui ont permis de déblayer la voie qui a conduit du régional au territorial. Avec perti- nence, mes collègues de Rimouski signalent que pour une majorité des chercheurs du GRIR, la problématique privilégiée ne se limite pas au marché ou à la production, ceci afin de faire place à la distribution et à la régulation. Ainsi, au lieu de se contenter de chercher à répondre à « com- ment » produire, on s’interroge sur les bénéfi- ciaires de la production et sur le « pourquoi », c’est-à-dire, la finalité qui s’y rattache. Ayant toujours favorisé une approche multidisciplinaire, le GRIR, tel que signalé, a stimulé un débat sur le paradigme de développement. Une place impor- tante fut donc accordée aux acteurs responsables de la production. Qui fait quoi, comment et dans quel but? Telles sont en quelque sorte les préoccupations qui ont animé les différents collaborateurs du GRIR. Pour passer du régional, à la faveur d’études sur l’aluminerie et la foresterie, aux préoccupations d’ordre territorial, c’est à l’approche ascendante (développement par le bas) qu’il a fallu porter attention avec tous les débats ainsi suscités. Les responsables de ce chapitre ont très bien su faire le lien avec la documentation, particulièrement abondante de chercheurs québécois et d’outre-Atlantique. Vient ensuite la contribution de S. Tremblay, co- responsable de l’ouvrage, qui aborde l’épineuse

question de l’avenir des communautés rurales et des quartiers dévitalisés. On trouve ici les résultats d’une recherche effectuée à partir de trois études de cas : Saint-André-du-Lac-Saint- Jean; Petit-Saguenay; le quartier Saint-Jean- Eudes. Chaque cas offre des exemples de projets communautaires qui contribuent au mieux-être des populations locales. L’auteure a pu observer que les projets mis de l’avant illustrent comment les liens sociaux ont un impact sur la communauté et sur la prise en main du développement. Un constat qui permet de croire en la pérennité de ces communautés.

Le chapitre qui suit se veut très original. J. F. Moreau de l’UQAC invite le lecteur à se situer dans le monde amérindien à l’époque du com- merce des perles que prisaient tant les premiers habitants de notre continent pour satisfaire leur propension envers la coquetterie. Pour aussi inté- ressant puisse-t-il être, ce texte cependant, par son excès de détails, risque de perdre le lecteur peu intéressé par la caractérisation chimique des perles bleues et des perles blanches du site d’Ashuapmushuan. Dans le même registre, s’en suit un texte de quatre collègues de l’UQAC, l’UQAR et de l’UQAT portant sur la mobilité et la construction identitaire des jeunes appartenant aux Premières Nations. En fait, en ce qui regarde la mobilité, on comprendra aisément qu’elle n’a rien à voir avec celle qui caractérisait autrefois ces populations. Ici, c’est de « nouveau noma- disme » dont il est question, celui qui conduit vers les villes aux fins de poursuite des études ou pour la recherche d’emploi. Les recherches effectuées permettent de faire ressortir des similitudes et, bien sûr, des différences entre les jeunes autoch- tones et leurs homologues « blancs » des régions appartenant à ce que l’on désigne comme étant le croissant périnordique québécois.

Pour sa part, Sabrina Tremblay de l’UQAC, utilise l’exemple des coopératives de santé pour aborder ce qu’elle désigne comme étant l’empo-

werment et le développement local. Le choix du

terme anglophone s’explique par la référence faite à la thèse de doctorat du très sympathique William Ninacs (1968), une contribution qui n’est pas passée inaperçue. Personnellement, je préfère la traduction de l’expression capacity buidding que l’on trouve dans la documentation officielle

du gouvernement fédéral soit « développement des capacités ». L’auteure s’appuie sur les auteurs nationaux et étrangers reconnus pour montrer que cette « capacitation » des collectivités n’est pas un résultat, mais effectivement un processus. Cependant, l’auteure met en garde contre le fait que le concept soit à double tranchant : d’aucuns dans les hautes sphères administratives (surtout depuis le 7 avril 2014) seraient tentés d’aban- donner leurs responsabilités au prétexte que les communautés peuvent apparemment se débrouil- ler. Dieu nous en garde!

Le tout se poursuit avec M. Bisson de l’UQAC qui plonge le lecteur dans l’univers des écoles alternatives. Ayant été personnellement impliqué dans un projet de création d’une école alternative à Trois-Rivières au début des années 80, je peux attester de la pertinence des observations de l’auteur, surtout en ce qui regarde les problèmes à affronter. Ouf! On le sait : l’enfer est pavé de bonnes intentions. L’école Tortue-des-Bois de Saint- Mathieu-du-Parc à la périphérie du parc de la Mauricie sert d’étude de cas. Pour faire un jeu de mots trop facile, il se dégage de cette étude, qu’au Québec, l’école alternative n’est pas sortie du bois : elle demeure toujours trop marginalisée socia- lement et institutionnellement selon l’auteur. Enfin, J. Simard et M.-A. Morency de l’UQAC ferment la marche par quelques pages en traitant du rôle de professionnels (au nombre de 366 619 à travers le Québec) dans le développement local et régional. Il ne s’agit pas ici, bien sûr, d’agents de développement local ou rural, mais par exemple de professionnels reliés au tertiaire moteur (finance, assurances, gestion d’entreprise, arts et spectacles, etc). Comme le GRIR est sur la bonne voie pour 30 autres années, les auteurs recommandent à ses chercheurs d’établir des liens avec le milieu professionnel régional. Pourquoi pas? Sur ce, je souhaite longue vie au GRIR.

André Joyal

Membre du Centre de recherche en développement territorial (CRDT)

Dans le document Organisations et territoires (Page 125-128)

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