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Nous, chrétiens, nous pouvons avoir le cœur lourd, parce que au fond de notre être subsiste

Dans le document NOUS SOMMES AU SEIGNEUR (Page 26-31)

toujours quelque chose d'humain qui frémit

devant la douleur et s'émeut devant le mystère;

nous pouvons être acculés à des efforts difficiles, recevoir des épreuves crucifiantes qui arrachent à notre âme des accents pathétiques ; cependant nous savons ces peines passagères et ordonnées à quelque chose de plus grand, parce que grâce nous a été donnée de regarder la terre comme un lieu de transit vers la vraie demeure, et cela main- tient en nous des reflets de sérénité. Notre nuit n'est pas privée d'étoiles; elle en est constellée, selon la mesure même de notre foi.

Tandis qu'eux! ceux qui cherchent dans une nuit totale, qui s'épuisent à chercher et meurent avant d'avoir trouvé, ne trouvent qu'après qu'ils sont morts — ceux-là ont des cris déchirants!

Plus nous avançons dans l'amour du Christ, plus nous apparaît précieux et privilégié le don de la foi catholique, et plus retentissent en notre cœur jusqu'à le bouleverser, les appels de nos frères

qu'alourdit encore la détresse de l'incertitude.

« ... Je suis malade pour un temps inconnu, note Saint-Exupéry mais je ne me reconnais pas le droit de ne pas subir cette maladie. Voilà tout.

« Aujourd'hui, je suis profondément triste, et en profondeur; je suis triste pour ma génération qui est vide de toute substance humaine.

« Si j'avais la foi, il est bien certain que... je ne supporterais plus que Solesmes. On ne peut plus vivre de frigidaires, de politique, de bilans et de

1. Lettre au général X...

mots croisés, voyez-vous. On ne peut plus. On ne peut plus vivre sans poésie, couleur, ni amour...

« Loin d'où; et infidèle à quoi?... Désert de l'homme !

« De ce que j'aime, que restera-t-il? Autant que des êtres, je parle des coutumes, des intonations irremplaçables, d'une certaine lumière spiri- tuelle...

« Si je rentre vivant (de la guerre) il ne se posera pour moi qu'un problème : que peut-on? que faut-il dire aux hommes? »

Préoccupation pathétique des humains orientés, tendus vers la lumière, et qui, soudain, s'arrêtent, hésitants, accablés, avant d'avoir pu nettement saisir la vérité comblante. Comment notre cœur chrétien pourrait-il demeurer insensible à une telle détresse! Ces plaintes, ces interrogations qui restent, pour eux, suspendues dans l'incertain, nous les recueillons en notre âme et les offrons au Christ, afin qu'Il se révèle à eux.

Nous partageons leurs souffrances, afin qu'ils par- tagent notre foi, acceptant même de connaître une douloureuse sécheresse spirituelle, s'il faut ce sacrifice pour qu'eux accèdent à la lumière et à l'amour du Seigneur.

Car nous L'aimons tellement, Lui, que nous ne recherchons plus de joies personnelles. Notre amour, peu à peu, s'établit au-dessus et au-delà;

nous ne souhaitons plus qu'une seule chose : que

les autres Le découvrent à leur tour et pro- gressent vers Lui.

L'oblation de midi

La prise de conscience de notre personnalité, l'amour divin qui s'intensifie, la sollicitude apos- tolique qui s'élargit, tout cela qui est chemine- ment vers l'essentiel, oriente nos pensées vers une réalité dont jusqu'alors nous ne saisissions pas encore toute la mesure : oblation.

Car ce mot n'est point réservé au seul langage monacal; il fait partie du vocabulaire chrétien.

Perspective austère, crucifiante même, mais qu'il ne faut point pour autant repousser sans cesse au-delà du présent, situer en un avenir perpétuel- lement différé.

Pourquoi placer « l'oblation » au « soir » de la vie? Quelle assurance avons-nous d'aller jusqu'au soir? N'est-il pas plus beau de « la » réaliser au fil des jours, dès maintenant?

Ce serait déflorer la richesse et la beauté du terme, que de lui accorder le sens restreint de la mort. Celle-ci doit être le dernier anneau de la chaîne de nos offrandes, l'ultime ratification d'une donation depuis longtemps commencée.

Cet idéal n'est pas facultatif, réservé à quelques- uns. Quelle que soit notre condition sociale, fami- liale ou personnelle, il nous est demandé d'y réfléchir et d'en tenir compte.

Certaines fleurs offrent à notre méditation autre chose qu'un puéril symbolisme sentimental, et proposent à notre âme des réflexions d'ordre spiri- tuel auxquelles il convient de prêter attention.

La marguerite perd ses pétales quand on les lui prend de force, qu'on lui impose cette épreuve.

Elle abandonne ce qu'en fait elle ne peut éviter, puisqu'elle l'offre après qu'on le lui a pris. Consen- tement résigné.

La rose, elle, va au-devant de l'oblation. D'elle- même. De sa propre décision. Elle n'attend point qu'on lui arrache cette offrande; c'est elle qui s'offre. Témoignage d'amour.

Ainsi des âmes.

De notre âme elle-même, face à la vie, face au Seigneur.

Si l'expression « amour de Dieu » n'est plus seule- ment une réalité abstraite, mais se charge d'une ferveur humaine qui lui assure une efficience posi- tive, si Dieu n'est plus seulement Quelqu'Un que l'on respecte avec son esprit, et auquel on offre à la façon de la marguerite, mais Quelqu'Un que l'on aime avec son cœur, et auquel on offre à la manière de la rose, alors — mais alors seulement

— bien des choses difficiles deviennent possibles!

3. L'amour de "Lui", bien essentiel

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