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Si ce chapitre a pour but de mettre en évidence l’incidence de la conception anthropologique de Calvin sur sa doctrine, l’accent sera mis essentiellement sur les différences entre les conceptions de Calvin et de Luther et sur leurs références philosophiques, Calvin ayant une grande affinité avec les humanistes de la Renaissance qui ont opté pour une philosophie néoplatonicienne. Par ailleurs, nous relèverons son insistance sur la Providence de Dieu et la sanctification, de même la signification de la double prédestination dans ses écrits. a) 3&+#,+%)'1#,&-%&(!"#$$%&.%(#,&B3(51,&

Au livre I chapitre xv de L’Institution chrétienne : « Quel a été l’homme en sa création », il est évident que l’anthropologie développée par Calvin recourt à une lecture philosophique et plus spécifiquement platonicienne de la Bible. En se référant le plus souvent à Paul, il présente l’homme en deux parties, l’âme et le corps :

Or quand Dieu non seulement a donné âme à ce pauvre vaisseau de terre, mais aussi a bien daigné le faire domicile d’un esprit immortel : en cela Adam a eu de quoi se glorifier, voire en la libéralité si grande de son créateur (IC I, xv1).

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L’âme est un esprit créé immortel qui s’avère à ses yeux la partie la plus noble de l’homme. Sur terre, celle-ci demeure emprisonnée dans le corps, mais elle retournera à Dieu à la mort de ce corps, car Il en est « le gardien perpétuel » ; Calvin cite dans l’A.T. Salomon dont l’esprit retourne à Dieu à la mort (Ecl. 12,7), de même dans le N.T. Jésus recommande son esprit à Dieu et saint Étienne le confie à Jésus-Christ. L’essence et l’immortalité de l’esprit, Calvin les fonde sur la conscience humaine :

Certes la conscience, laquelle, en discernant entre le bien et le mal, répond au jugement de Dieu, est un indice infaillible que l’esprit est immortel. Car comment un mouvement sans essence entrerait-il au jugement de Dieu pour nous imprimer frayeur de la condamnation que nous avons méritée ? Car le corps ne craindra pas une punition spirituelle, mais telle passion251 appartient à l’âme seule, d’où il s’ensuit qu’elle n’est pas sans essence (IC I, xv 2).

De même, la connaissance que l’homme a de Dieu est une preuve supplémentaire de son immortalité « car une inspiration qui s’évanouit ne parviendrait pas à la fontaine de la vie ». Il en est de même des vertus de l’âme, elles « montrent qu’il y a je ne sais quoi de divin engravé en elle, ce sont autant de témoignages de son essence immortelle ». Quant à la mémoire, elle permet à l’être humain de tenir compte des conséquences du passé pour l’avenir, et cette possibilité de se projeter en avant est une preuve pour Calvin « qu’il y a quelque partie en l’homme séparée du corps de l’homme »252. Enfin, l’intelligence capable de concevoir l’invisible, Dieu et les anges, de comprendre ce qui est droit, juste et honnête, ne peut être le fait de « nos sens corporels ».

Son approche de l’homme n’est pas de type holistique, Calvin en fait une description plutôt dualiste : Corps / âme. Il dit assimiler l’âme à l’esprit immortel, celui-ci étant le siège de l’intelligence douée d’une mémoire discursive (IC I, xv2). Il dit aussi se référer à l’Écriture pour distinguer l’essence de l’âme du corps, pourtant il souligne que c’est à l’ensemble que le nom d’homme est attribué. Par ailleurs, comme dans la philosophie platonicienne, à la mort l’âme se sépare du corps pour retourner vers le divin. Est-ce à dire, selon la pensée de Platon, que l’âme venue du monde des idées est immortelle et retourne vers le monde intelligible après avoir été purifiée ? On peut aussi souligner la notion de

251Ce terme est à saisir dans le sens de souffrance causée par la crainte du jugement, cf. IC I, xv, note 2 p. 134.

252P Bergson a repris la démonstration de l’existence de l’âme par le rôle de la mémoire cf. IC.I xv note 7 p.134).

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« récompense accordée » à celui qui s’est bien conduit ; contrairement à la pensée de Luther, Calvin se rapproche de l’herméneutique du Magistère romain :

Si l’âme n’était quelque essence séparée du corps, l’Écriture n’enseignerait pas que nous habitons en maison de boue, et qu’en mourant nous sortons d’une loge et dépouillons ce qui est corruptible pour recevoir loyer au dernier jour, selon que chacun se sera gouverné en son corps. Certes ces passages et autres semblables, qui sont assez communs, non seulement, distinguent l’âme d’avec le corps, mais en lui attribuant le nom d’homme tout entier, déclarent que c’est la principale partie de nous (IC I, xv, 2).

Calvin cite de nombreux textes du Nouveau Testament extraits des écrits pauliniens, mais aussi pétriniens, de l’épître aux Hébreux et des évangiles synoptiques253. Les termes utilisés par les divers auteurs sont différents : Paul fait référence à l’esprit (

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en opposition à chair (

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Pierre et l’épître aux Hébreux font référence à

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Mt et Lc s’expriment en termes de

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: corps et de

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: âme/esprit. L’âme de Lazare jouit de repos et de joie dans le sein d’Abraham (Lc 16,22) et celle du riche est tourmentée. De même, Paul, rappelle en 2 Co 5, 6-8 notre situation de pèlerin sur cette terre : « nous habitons en la chair, mais […] nous jouirons en sa présence en étant sortis du corps » 254.

Ainsi, Calvin rejoint les humanistes dans une approche anthropologique plus ontologique que relationnelle, valorisant plus l’âme que le corps. Il diffère de Luther qui a privilégié une démarche de type existentielle. Ce ne sera plus aussi vrai lorsque Calvin abordera les questions de la connaissance de Dieu, du péché originel avec ses conséquences sur la descendance humaine et du franc-arbitre.

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L’homme créé par Dieu est « le plus noble et le plus excellent chef-d’œuvre » de toute la création, où transparaissent la « justice », la « sagesse » et la « bonté » d’un Créateur255. L’homme fut crée à l’image de Dieu (Gn 1,27). Pour Calvin, le siège de l’image est l’âme, il reconnaît toutefois qu’en l’homme extérieur reluit la gloire de Dieu. Quant à l’adjonction du terme « ressemblance » à celui d’« image », il voit ici l’usage d’une répétition (habitude hébraïque fréquente afin d’insister sur une idée) et cite Moïse qui ne mentionne pas « à la

253 Institution chrétienne, « L’enseignement de l’Écriture » IC I xv 2 p. 135.

254 IC i, xv 2 p.135.

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ressemblance ». Cet ajout pour le réformateur n’a donc aucune signification particulière, par contre dans la théologie orthodoxe l’homme est créé à l’image de Dieu et appelé à devenir à la ressemblance du Christ256.

Avant la chute d’Adam et d’Eve, l’expression « créé à l’image de Dieu » concerne toute la personne humaine, tant de son esprit que de ses sens, de ses affects et de son corps.

Et bien que le siège souverain de cette image de Dieu ait été posé en l’esprit et au cœur, ou en l’âme et ses facultés, cependant il n’y a eu nulle partie, jusqu’au corps même, en laquelle il n’y eût quelque étincelle luisante (IC I, xv, 3).

Par contre, après le péché qui a écarté l’homme de Dieu et entraîné sa déchéance et son incapacité à connaître Dieu par ses propres forces, « seule la régénération nous permet de comprendre ce qu’est l’image de Dieu ». Dans la pensée de Calvin, il est clair, l’homme ne peut plus concevoir l’image de Dieu « que par la réparation de sa nature corrompue ». Cependant, l’image de Dieu, contrairement à l’avis de Luther, n’a pas été perdue, elle est seulement « déformée », mais seul le Christ, nouvel Adam, peut la remodeler.

C’est pourquoi bien que nous confessions l’image de Dieu n’avoir point été entièrement anéantie et effacée en lui, cependant elle a été si fort corrompue, que tout ce qui en est de reste est une horrible déformation ; et ainsi le commencement de recouvrer salut est en cette restauration que nous obtenons par Jésus Christ, lequel pour cette cause est nommé le second Adam, parce qu’il nous remet en vraie intégrité (IC I, xv, 4).

« Il nous remet en vraie intégrité » : est-ce à dire que cette régénération de l’image de Dieu en l’homme par le Fils unique, véritable image de Dieu, est supérieure à la première image de Dieu en Adam ? Calvin dit seulement, en se référant à 1 Co 15, 45, que Paul oppose l’esprit vivifiant (

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du dernier Adam à l’être vivant (GKXL

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du premier Adam ; le texte précise ensuite que la régénération d’Adam à l’image de Dieu son créateur a demandé une « plus grande mesure de grâce ». Calvin met alors en parallèle 1 Co 15,45 et Col 3, 10 : « Soyez vêtu de l’homme nouveau crée selon Dieu ». Jésus Christ « réforme » donc, en l’être humain l’image de Dieu. On peut se demander avec Calvin ce que recouvre la régénération dans les écrits de Paul. Sa réponse est la suivante : « En premier lieu il met la connaissance ; secondement une justice sainte et véritable » (Col 3,10), puis il interprète le verset

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de Paul en 2 Co 3,18 : « À face découverte nous contemplons la gloire du Christ pour être transformés en son image ». Ainsi serait signifié que « nous sommes tellement restaurés que nous ressemblons à Dieu en vraie piété, justice, pureté et intelligence » (IC I xv, 4). Serait-ce indiquer que l’homme devient un esprit vivifiant et peut être médiateur de salut avec le Christ ? Ce serait en totale contradiction avc la pensée de Luther.

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Connaître Dieu et se connaître soi-même sont deux opérations conjointes pour Calvin, on peut parler ici de démarche simultanée257. Calvin soutient, d’une part que, si l’on commence à se considérer soi-même, à prendre la mesure de sa dignité, on est aussitôt conduit à reconnaître sa source en Dieu ; d’autre part que la connaissance de soi-même implique la contemplation du visage de Dieu, car l’humain sera toujours tenté de se surestimer et de se prendre pour « un demi-dieu » alors qu’il est un être injuste :

C’est chose notoire que l’homme ne parvient jamais à la pure connaissance de soi-même, jusqu’à ce qu’il ait contemplé la face de Dieu et que, du regard de celle-ci, il descende à regarder à soi. Car, selon que l’orgueil est enraciné en nous, il nous semble toujours que nous sommes justes et entiers, sages et saints, jusqu’à ce que nous soyons convaincus par arguments manifestes de notre injustice, souillure, folie et immondicité (IC I, i, 2).

Dieu apparaît ici en premier lieu comme Créateur puis comme Rédempteur en la personne du Christ, mais ceci implique la connaissance des Écritures. Calvin refuse une connaissance de Dieu en soi à l’exemple d’Augustin qui réfutait toute curiosité vaine de Dieu :

De quoi servira-t-il de connaître un Dieu, avec lequel nous n’ayons que faire ? Plutôt, la connaissance que nous avons de lui doit en premier lieu nous instruire à le craindre et révérer, puis nous enseigner et conduire à chercher de lui tous les biens, et lui en rendre la louange (IC I, ii, 2).

L’important est de connaître qui est Dieu, et ce qu’il est pour nous, cette connaissance étant la source de notre confiance. Calvin passe alors de la connaissance d’un Dieu qui gère tout à la connaissance de Celui en qui « l’âme » met toute sa confiance et qui le reconnaît comme un Père ; nous pouvons

257 « Nous ne pouvons connaître Dieu clairement et d’un sens arrêté, sinon que la connaissance de nous-mêmes soit conjointe et comme réciproque » (IC I xv p. 132).

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souligner dans les lignes suivantes l’approche existentielle qui s’exprime dans une confiance totale en un Dieu qui pourvoit :

Ayant ainsi connu Dieu, parce qu’elle (l’âme) sait qu’il gouverne tout, elle se confie d’être en sa garde et protection et ainsi elle se remet entièrement en sa garde ; parce qu’elle le connaît auteur de tous biens, sitôt qu’elle se sent pressée d’affliction ou disette, elle a son recours à lui, attendant d’en être secourue ; d’autant qu’elle le tient sans doute pour humain et pitoyable, elle se repose en lui avec certaine confiance, et ne doute pas qu’en toutes ses adversités, elle n’ait toujours son remède prêt en sa bonté et clémence ; parce qu’elle le tient comme Seigneur et Père (IC I, ii,2).

II paraît évident pour Calvin que depuis une longue tradition chrétienne, cette connaissance ne peut exister en l’homme sans une intervention divine, vu la distance qui subsiste entre l’humain et Dieu. Toutefois, il met « hors de doute que les hommes aient un sentiment de divinité en eux, même d’un mouvement naturel » (IC I iii 1). Cependant, comme tous les réformateurs, Calvin insiste sur une connaissance de Dieu accessible à tous parce que son Créateur se révèle à lui soit à travers ses œuvres (IC I v 1ss) soit dans les Écritures. Il existe donc bien deux lieux de révélation : celui de la nature et celui de la Parole.

Dans la nature, deux voies peuvent être envisagées, celle du microcosme et celle du macrocosme. Par la première, il fait valoir l’existence en tout homme d’une connaissance innée de Dieu : « Tout le genre humain a confessé qu’il y avait quelque sentiment de divinité imprimé dans leurs cœurs ». Cette innéité, à côté de la rationalité, constitue la différence entre l’humanité et la bestialité. Il évoque le sensus divinitatis i.e. « qu’il y a un Dieu », et ce Dieu se révèle à l’intérieur de l’homme par le témoignage secret de l’Esprit. La seconde manière de se révéler est la voie du macrocosme :

Non seulement il a engravé cette semence de religion que nous avons dite en l’esprit des hommes, mais aussi il s’est tellement manifesté à eux en ce bâtiment tant beau et exquis du ciel et de la terre, et journellement s’y montre et présente, qu’ils ne sauraient ouvrir les yeux qu’ils ne soient contraints de l’apercevoir (IC I V 1).

Cependant il est possible de constater l’existence, chez Calvin comme chez d’autres réformateurs, d’une certaine oscillation entre la certitude d’une connaissance innée de Dieu mise au plus profond de la conscience de l’homme par son Créateur et l’incapacité de l’humanité pécheresse à connaître Dieu s’Il ne se révèle pas lui-même dans la nature et par ses œuvres. Mais il est bien évident

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que le livre de la nature ne permet pas à l’homme de savoir qui est Dieu, seul Jésus Christ lui apporte cette connaissance :

Une connaissance authentique de Dieu est possible à une seule condition, celle d’ouvrir un livre autre que celui de la nature, le livre par excellence : l’Écriture Sainte (IC I ).

La connaissance de Dieu implique régénération et illumination par l’Esprit (IC II, ii 20) car « nul ne peut rien comprendre qu’il ne lui soit donné du ciel » (Jn 3, 27). Cette connaissance est à la source de la foi en « un Dieu Père bienveillant » qui s’est manifesté dans « la réconciliation en Christ». Christ que nous recevons « comme nous étant donné en justice, en sanctification et vie. » (IC III ii 2).

Cette description de la foi exige une reconnaissance de notre péché, de notre incapacité à tendre vers Dieu et à nous réconcilier par nos propres forces, mais encore une confiance en une « promesse gratuite ». Calvin donne une définition de la foi qu’il estime complète :

C’est une ferme et certaine connaissance de la bonne volonté de Dieu envers nous : laquelle, étant fondée sur la promesse gratuite donnée en Jésus-Christ, est révélée à notre entendement et scellée en notre cœur par le Saint-Esprit (IC III, ii7).

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Calvin revient souvent sur sa conception de l’homme doué de raison et d’intelligence ; celles-ci lui sont données afin de tendre vers le but de « l’immortalité bienheureuse […] apprêtée au ciel », une immortalité non pas imposée mais proposée (II i 1). Quant à la chute d’Adam, celle-ci relève de sa désobéissance en la Parole de Dieu. L’interdit de toucher à l’arbre de vie « devait servir à éprouver et exercer sa foi ». La femme s’est laissée duper par les promesses mensongères du serpent en voulant s’égaler à Dieu :

Quand la femme par l’astuce du serpent est détournée de la Parole de Dieu vers l’infidélité, déjà il est clair que le commencement de ruine a été la désobéissance (II i 4).

Il apparaît évident pour Calvin qu’Eve puis Adam ont été leurrés par de belles paroles prometteuses et se sont ainsi déviés de la Parole de Dieu en refusant le joug de Dieu, au mépris de la vérité détenue par Dieu :

L’homme s’est soustrait et révolté de la sujétion de Dieu, non seulement parce qu’il a été trompé par les allèchements de Satan, mais aussi parce qu’en méprisant la vérité, il s’est fourvoyé en mensonge. Et de fait, en ne tenant compte de la parole de Dieu, on abat toute la révérence qu’on lui doit, parce que sa majesté ne peut

ϭϭϱ autrement subsister parmi nous, et qu’aussi on ne le peut dûment servir qu’en se rangeant à sa Parole. C’est pourquoi l’infidélité a été la racine de la révolte (II i 4).

La faute tourne donc autour de l’incrédulité en la Parole de Dieu qui a engendré l’infidélité (II, i, 4). Dans ce même chapitre, Calvin insiste sur le déshonneur de Dieu causé par l’homme, se référant ici à la doctrine d’Anselme ; en revanche Luther avait insisté sur la relation brisée entre l’homme et Dieu :

L’homme et la femme n’ont pas été simplement apostats, mais ont outrageusement déshonoré Dieu en s’accordant à la calomnie de Satan, par laquelle il accusait Dieu de mensonge, malice et chicheté (malignitatis.) (II i 4).

La conséquence du péché est « la mort de l’âme » qui n’est autre que sa séparation d’avec son Dieu, l’homme étant fait pour demeurer avec son Créateur (II i 5). Mais le péché n’entraîne pas seulement des conséquences personnelles, il vient perturber « l’ordre de nature au ciel et sur la terre » et donc la descendance d’Adam et Eve. La faute des premiers parents a non seulement une incidence sur eux-mêmes, mais sur l’ensemble du cosmos et tout particulièrement sur l’humanité (II i 5). Ainsi la malédiction, à cause du premier couple, s’est propagée à toute sa filiation et l’image de Dieu s’est « effacée » aussi sur toute la descendance :

En lui [Adam] l’image céleste a été effacée, il n’a pas enduré lui seul cette punition, qu’au lieu qu’il avait été doué et revêtu de sagesse, vertu, vérité, sainteté et justice, ces pestes détestables aient dominé en lui : aveuglement, défaillance à tout bien, immondicité, vanité et injustice, mais aussi a enveloppé, et même plongé en pareilles misères toute sa lignée. C’est la corruption héréditaire que les anciens ont nommée péché originel, entendant par ce mot de péché, une dépravation de la nature, qui était bonne et pure auparavant258 (II i, 5).

C’est pourquoi Paul dit : « par la désobéissance d’un homme, nous sommes tous perdus » (cf. Rm 5, 19). Puis en référence aux écrits d’Augustin qui a soutenu contre les pélagiens un péché par génération259 et non par imitation, Calvin défend : « Nous tous […] qui sommes produits de semence immonde260, naissons souillés d’infection de péché ; et même avant de sortir à la lumière, nous sommes contaminés devant la face de Dieu (Job 14, 4) » (II i 5). Le péché s’est

258 CALVIN se réfère à AUGUSTIN : Révisions livre I, ch. XIII, 5 ; Cité de Dieu livre XIII ch. III et ch. XIV ; Contre Julien livre III, ch. XXVI, 59ss ; Contre Julien ouvrage inachevé, livre V, 30 ; mais aussi à AMBROISE entretien sur les Psaumes, Ps XLVIII, 8. Cf. note 4 p. 14 livre II, i.

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