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2. ETUDE DE LA POPULATION DE LYMPHOCYTES T PRODUCTEURS D’IL-

2.6. Choix du modèle expérimental

Nous savons que chez l’homme, il est difficile de faire des études comparatives de populations cellulaires à cause de l’existence d’une grande variabilité inter- et intra- individuelle. Cette variabilité est le reflet de l’influence de la génétique et de l’environnement sur le phénotype d’intérêt. Pour pallier ces problèmes inhérents au modèle humain, il faut donc être sûr des phénotypes observés et avoir une statistique puissante, c'est-à-dire avec un nombre d’individus étudiés suffisant. Pour pouvoir tester un grand nombre d’individus, le modèle doit être le plus simple possible techniquement. Le matériel biologique dont nous pouvons disposer est constitué d’échantillons sanguins de contrôles et de patients en « faible » quantité (5 à 30 ml de sang suivant l’âge et l’état du patient). La purification des cellules sanguines se fait par une centrifugation sur gradient de ficoll. Certains papiers ont décrit les effets de l’interaction entre les monocytes et les cellules dendritiques sur la différentiation des cellules Th17 (68, 71). J’ai donc testé mes modèles avec ou sans une étape d’adhérence des PBMCs sur une flasque allongée pendant deux à trois heures dans l’étuve. Cette étape permet d’éliminer les monocytes, et de récupérer les lymphocytes « seuls ». Expérimentalement, j’obtenais un pourcentage de cellules CD3+IL-17+ plus élevé chez des contrôles après cette étape d’adhérence. J’ai donc ensuite inclus cette étape dans mon protocole expérimental.

Notre premier modèle est le modèle « ex vivo » (figure 9). Pour révéler la présence d’IL-17 intracellulaire, nous sommes obligés d’activer nos cellules avec la PMA-ionomycine. Sans cette activation, nous ne détectons aucune production de cytokine. Cette activation est réalisée sur la nuit pendant une période de 11 à 12 heures en présence d’un inhibiteur de sécrétion (afin de retenir les molécules produites à l’intérieur des cellules). Malheureusement, l’activation par les esters de phorbol entraîne une diminution d’expression à la surface du marqueur CD4 comme cela a été décrit depuis plus de quinze ans (95, 96). L’utilisation du

marqueur CD4 n’est donc pas possible après activation par la PMA-ionomycine. Notre choix a été de regarder la proportion de cellules CD3+IL-17+. Nous avons aussi étudié la production d’autres cytokines (IFN-γ, IL-4, IL-22) par les cellules CD3+. Notre deuxième modèle est un

modèle de différentiation « in vitro ». Les PBMCs non adhérents sont mis en culture avec un anticorps anti-CD3 et un cocktail des cytokines étudiées (TGF-β, IL-23, IL-6 et IL-1β). Du milieu contenant de l’IL-2 et les cytokines d’intérêt est ajouté au bout de trois jours. Deux jours plus tard, les cellules sont activées avec la PMA-ionomycine pour étudier par FACS la proportion de cellules IL-17+, IFN-γ+, ou IL-22+. La quantité de cytokines produites est

mesurée par ELISA après 48 heures d’activation.

Figure 9: Schéma du modèle expérimental pour l’étude ex vivo et in vitro des cellules T productrices d’IL-17.

2.7. Résultats

Les résultats de cette étude sont présentés en détail dans l’article 2. Le tableau 2 présente la comparaison des différents systèmes expérimentaux que nous avons testés entre les contrôles et les groupes de patients. Le groupe de patients de la voie de l’IL-1β (IRAK4 et

MYD88) présente un pourcentage de cellules T productrices d’IL-17 statistiquement

comparable au groupe contrôle. En terme de production de cytokine IL-17 et IL-22, ces patients présentent une production basale d’IL-17 diminuée par rapport aux contrôles. Les patients avec des mutations gains de fonctions du TGF-β (TGFB1, TGFBR1 et TGFBR2) ont un nombre de cellules productrices d’IL-17 et une production d’IL-17 et d’IL-22 statistiquement comparable aux contrôles. Les patients de la voie de l’IL-12 et de l’IL-23 (IL12B et IL12RB1) montrent un pourcentage de cellules productrices d’IL-17 diminué par rapport aux contrôles. Chez ces patients, la production d’IL-17 est comparable aux contrôles, mais la production d’IL-22 est statistiquement diminuée. Le groupe de patients STAT3 est celui pour lequel le phénotype est le plus drastiquement diminué par rapport au groupe contrôle que ce soit en pourcentage de cellules productrices d’IL-17 ou en production d’IL-17 et d’IL-22. Il est intéressant de noter que notre patient avec des auto-anticorps anti-IL-6 présente un phénotype exactement comparable à celui des patients déficients en STAT3.

Tableau 2: Phénotypes observés dans les différents groupes de patients. Comparaison

entre les phénotypes des contrôles et des patients obtenus avec notre modèle expérimental ex

vivo et in vitro pour l’étude des cellules T productrices d’IL-17. La distribution des résultats

observés est comparable (=), diminuée (↓), ou très diminuée (↓↓) par rapport au groupe contrôle.

2.8. Conclusions

STAT3 est chez l’homme un facteur primordial pour le développement des cellules productrices d’IL-17 (figure 10). Le phénotype obtenu chez le patient avec des auto-anticorps anti-IL-6 nous laisse penser que cette voie serait importante pour un priming précoce in vivo des cellules. L’IL-12 est un facteur inhibiteur puissant de la différentiation de ces cellules (data not shown). L’IL-23 est un facteur important pour la différentiation en cellules productrices d’IL-17, mais qui ne semble pas primordial pour la production de cette cytokine. L’IL-23 semble jouer un rôle sur la production d’IL-22. L’IL-1β n’apparaît pas comme un facteur primordial pour la différentiation de ces cellules bien qu’il permette l’augmentation du nombre de celles-ci. L’IL-1β semble aussi jouer un rôle dans la sécrétion basale d’IL-17. Le TGF-β ne joue pas du tout un rôle inhibiteur dans nos conditions expérimentales, ce qui a été confirmé par d’autres groupes (74-76). Dans notre modèle de différentiation, la condition qui induit le plus grand nombre de cellules productrices d’IL-17 est la condition TGF-β plus IL-

23. L’IL-22 est décrite comme étant une cytokine produite par les cellules Th17 (97). Cependant, avec un double marquage IL-17-IL-22, nous mettons en évidence qu’il existe bien des populations IL-17+IL22- et IL-17-IL-22+ en plus de la population double positive IL- 17+IL-22+. Ces deux cytokines ne sont donc certainement pas redondantes et semblent produites par des types différents de cellules. Existe-t-il une population de cellules « Th22 » ?

Figure 10: Apport de notre étude dans le modèle de différentiation des lymphocytes T producteurs d’IL-17.

2.9. Discussion

Nous avons étudié la population de lymphocytes T producteurs d’IL-17, mais qu’en est-il de la population Th17 ? Nous avons vérifié que l’IL-17 est très majoritairement produite par les lymphocytes T CD4+ (90%). Cependant, il serait intéressant de savoir si cette production d’IL-17 par les autres cellules est dépendante des mêmes voies de signalisation.

Nous nous sommes heurtés à un problème récurrent dans les études chez l’homme qui est la variabilité. Nous observons chez les contrôles une variabilité très importante. Nous avons choisi une stratégie statistique, c'est-à-dire de réaliser les expériences sur un grand nombre de contrôles et de patients avec plus de 120 individus testés. De plus, nous avons choisi deux modèles expérimentaux, ex vivo et in vitro, pour pallier à cette variabilité. Nous avons obtenu les mêmes conclusions sur les patients déficients en STAT3 que deux autres groupes américain et australien (98, 99). Ces patients ont le phénotype le plus marqué probablement à cause de leur défaut de réponse à l’IL-6 et à d’autres cytokines. Les autres groupes ont réalisé ces mêmes types d’expériences à partir de CD4 naïves purifiées. Malheureusement, nous n’avions pas assez de sang pour faire ces études. Nous ne pouvions pas demander de deuxième prélèvement pour chaque patient. De plus, nous étions limités par le temps, et il n’était pas envisageable de tester autant de patients sur des cellules purifiées. Nous avons fait le choix de la puissance statistique avec un grand nombre de patients testés. De plus, notre principal apport dans le domaine a été de tester d’autres défauts génétiques.

Une des questions la plus importante à mon sens, est de savoir quelle est la fonction de la population Th17 dans l’immunité anti-infectieuse. Cette question n’est malheureusement pas encore résolue, même si nous disposons de certains éléments de réponse. La souris déficiente en IL-17R est sensible à l’infection par Candida albicans (100). L’infection par

Candida albicans peut induire la production de l’ARNm de IL17A (100), et une production

d’IL-17 (101). Les cellules T mémoires humaines spécifiques pour Candida albicans sont surreprésentées dans la population Th17 (65). Ce qu’il est intéressant de noter est que les patients mutés dans STAT3 font assez communément des candidoses périphériques et cutanéo- muqueuses (environ 82%) (87, 102). De plus, les patients IL12RB1 présentent des candidoses dans une proportion non négligeable (29 patients sur 137 soit 21% des cas) (Rodriguez-

Gallego et al, en préparation). Ce sont des formes orales dans la plupart des cas, mais souvent récurrentes. Dans quelques cas, nous observons des formes sévères. Le point commun entre ces deux maladies distinctes est leur faible pourcentage de cellules productrices d’IL-17. L’IL-17 pourrait donc jouer un rôle dans l’immunité anti-candida.

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