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Choix des individus enquêtés

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 76-81)

Chapitre 2 : Méthode

III. Choix des individus enquêtés

Pour choisir nos cas d’étude, nous avons tout d’abord défini la population d’intérêt, avant de mettre en œuvre un échantillonnage ciblé au sein de cette population. Nous allons détailler ici ces deux étapes.

1. Définition de la population d’intérêt : des agriculteurs français expérimentés en agriculture de conservation

Comme l’exprime Eisenhardt (1989), à propos de la stratégie de recherche par études de cas : « the concept of a population is crucial, because the population defines the set of entities from which the research sample is to be drawn. Also, selection of an appropriate population controls extraneous var-iation and helps to define the limits for generalizing the findings »56.

Pour ce travail, la population considérée est définie selon trois critères.

D’une part, il doit s’agir d’agriculteurs pratiquant l’agriculture de conservation, c’est-à-dire des indi-vidus qui mettent en œuvre les trois piliers mentionnés précédemment, sous quelque forme que ce soit.

53 https://asso-base.fr/

54 http://www.apad.asso.fr/

55 http://aocsols.free.fr/

56 « le concept de population est crucial, dans la mesure où la population définit l’ensemble des entités à partir desquelles la recherche sera effectuée. De plus, en sélectionnant une population appropriée, on peut contrôler les variables superflues et plus aisément définir des limites à la généralisation des résultats. »

68 D’autre part, ces agriculteurs doivent être expérimentés, c’est-à-dire qu’ils doivent avoir mis en œuvre ces trois piliers depuis environ six ou sept ans au minimum. En effet, cela nous permet de dépasser les premières années pendant lesquelles une forte chute de rendement peut avoir lieu (Pittelkow et al.

2014), et au moment de laquelle de nombreux agriculteurs peuvent donc faire machine arrière. Cela nous assure que les agriculteurs rencontrés ont réussi à franchir le cap difficile de la transition, autre-ment dit que leur apprentissage a été suffisamautre-ment efficace pour leur permettre de persévérer dans ces pratiques.

Enfin, notre population se limite à des agriculteurs français, pour des raisons logistiques d’une part, mais aussi afin de limiter les variations culturelles ainsi que les variations de contexte économique et institutionnel susceptibles d’influencer les pratiques et l’apprentissage.

2. Un échantillonnage ciblé pour brasser un maximum de diversité dans l’apprentissage

Au sein de cette population d’agriculteurs expérimentés, nous avons choisi de mettre en place non pas un échantillonnage statistique57, mais ce que Patton (2005) qualifie de purposeful sampling – que nous appellerons échantillonnage ciblé, en l’absence d’une traduction française consacrée. Patton (2005) résume ainsi le principe de l'échantillonnage ciblé : « the logic and power of purposeful sampling lies in selecting information-rich cases for study in depth. Information-rich cases are those from which one can learn a great deal about issues of central importance to the purpose of the inquiry, thus the term purposeful sampling. What would be ‘bias’ in statistical sampling, and, therefore, a weakness, becomes the intended focus in qualitative sampling, and, therefore, a strength. » 58. L’échantillonnage ciblé se distingue de l'échantillonnage théorique mentionné par Eisenhardt (1989) et qui trouve ses racines dans les travaux sur la théorie ancrée de Glaser et Strauss (1967). En effet, l'échantillonnage théorique nécessite de choisir de nouveaux cas d'étude au fur et à mesure de la progression de l'analyse des premiers cas, chaque cas étant alors choisi pour étendre, confirmer, préciser la théorie en construc-tion. D'une certaine façon, l'échantillonnage théorique pourrait donc être vu comme une forme particu-lière d'échantillonnage ciblé.

Patton (2005) distingue d'ailleurs une grande diversité de méthodes d'échantillonnage ciblé. Notre démarche correspond essentiellement à ce qu'il qualifie de « maximum variation sampling », et qu'il présente ainsi : « Maximum variation sampling involves purposefully picking a wide range of cases to get variation on dimensions of interest. Such a sample can document variations that have emerged in

57 Cela se justifie par notre approche qualitative. Qui plus est, il aurait de toute façon été délicat de définir une représentativité statistique, vu le peu de données (dénombrement, etc.) sur les agriculteurs pratiquant l’agriculture de conservation : sans avoir d’a priori sur la répartition des caractéristiques de la population totale, on ne peut guère définir l’échantillon nécessaire pour avoir une représentativité statistique.

58 « la logique et la puissance de l’échantillonnage ciblé réside dans la sélection de cas riches en informations, qu’on peut étudier en profondeur. On considère comme riche en information un cas dont on peut tirer des ensei-gnements nombreux su les questions centrales à la recherche en course, d’où le terme d’échantillonnage ciblé.

Ce que l’on considèrerait comme un « biais » dans un échantillonnage statistique (et par conséquent comme une faiblesse) est activement recherché dans un échantillonnage ciblé, et devient donc une force. »

69 adapting to different conditions as well as identify important common patterns that cut across varia-tions (cut through the noise of variation). »59

En effet, au sein de la population d'agriculteurs expérimentés en agriculture de conservation, nous avons cherché à diversifier les cas d'étude. En particulier, nous avons pris soin d'inclure une diversité de situations pédoclimatiques, de productions (grandes cultures seules, ou bien élevage aussi), de pra-tiques (au-delà de la mise en œuvre des piliers de l’agriculture de conservation communs à tous : agri-culture biologique, agroforesterie, etc.), et de liens à des associations. Choisir des agriculteurs dans différentes régions, et avec différentes productions et différentes pratiques, nous a paru important afin de balayer différents problèmes techniques auxquels ils peuvent être confrontés, différents potentiels de leurs systèmes qu’ils peuvent chercher à exploiter. Nous avons pris soin de diversifier aussi les liens que les agriculteurs rencontrés entretiennent avec des associations en lien avec l’agriculture de conservation, afin de ne pas voir exclusivement des gens qui pourraient avoir un discours peut-être très homogène et militant de par leur implication de longue date au cœur d’un réseau de pairs.

3. Démarche concrète de choix des individus enquêtés

Nous avons pris contact avec certains des agriculteurs via deux associations, l’AOCSols (Association Occitane de Conservation des Sols), et le réseau BASE (Biodiversité, Agriculture, Sol et Environne-ment), également focalisé sur l’agriculture de conservation.

En ce qui concerne l’AOCSols, nous avons présenté le projet au président, lequel a diffusé à ses adhé-rents un document de résumé et appel à participation que nous lui avions transmis. Les agriculteurs intéressés nous ont contactés d’eux-mêmes. Du côté du réseau BASE, nous avons eu accès à une liste de membres actifs, lesquels nous ont ensuite indiqué d’autres personnes qui leur paraissaient corres-pondre à nos critères.

Afin d’essayer d’élargir le panel au-delà des associations et de leurs connaissances, nous avons égale-ment demandé à un chercheur local (INRA de Toulouse) des contacts suppléégale-mentaires.

Sur l’ensemble des agriculteurs qui ont donné leur accord de principe, nous avons ensuite choisi, sur la base de brefs échanges téléphoniques ou par email, des personnes correspondant aux critères que nous venons de présenter.

59 « L’échantillonnage à écart maximal consiste à choisir délibérément des cas très différents les uns des autres, de façon à obtenir un maximum de variation sur toutes les dimensions étudiées. Ce type d’échantillon permet de décrire les variations qui sont apparues en réponse à différentes conditions, et d’identifier les tendances com-munes qui se retrouvent d’une variation à une autre (d’éliminer le bruit généré par la variation). »

70 Au total, nous avons été en lien avec 54 agriculteurs (ceux que nous avons contactés, et ceux qui nous ont contactés d’eux-mêmes suite à la diffusion de l’appel dans l’association). Parmi ceux-ci, nous avons eu les cas suivants :

 19 agriculteurs qui n’ont jamais répondu ;

 4 agriculteurs qui ont refusé de participer ;

 13 agriculteurs qui ont accepté mais n’ont pas été rencontrés (pour des raisons logis-tiques ou parce qu’ils ne correspondaient pas tout à fait à ce que nous cherchions) ;

 1 agriculteur que nous avons rencontré, mais qui a refusé d’être enregistré et qui n’a pas du tout cherché à répondre aux questions qui lui ont été posées. Nous ne l’avons donc pas pris en compte dans l’analyse ;

 17 agriculteurs que nous avons rencontrés et qui ont été pris en compte pour l’analyse.

71 Jérôme Lot et Garonne Grandes cultures

Agroforesterie

Christian Gers Grandes cultures Ancien membre actif de

l’AOCSols

Membre actif de BASE William Gers Grandes cultures, élevage bovin et

ovin André Aude Grandes cultures, vignes Membre actif de l’AOCSols

Dominique Aude Grandes cultures, vignes Membre actif de l’AOCSols Marc Aude Grandes cultures, vignes Membre actif de l’AOCSols Jean-Marie Aude Grandes cultures Ancien membre actif de

l’AOCSols

Luc Sarthe Grandes cultures, élevage porcin Membre actif de BASE

Matthieu Orne Grandes cultures Membre actif de BASE

Laurent Orne Grandes cultures, élevage de vo-lailles

Nouveau membre de BASE Thierry Côte d'Armor Grandes cultures, élevage bovin,

apiculture Agroforesterie

Membre actif de BASE

Patrice Morbihan Grandes cultures, élevage bovin et porcin

Membre actif de BASE

Yves Ille-et-Vilaine Grandes cultures, élevage bovin Membre actif de BASE Alain Ille-et-Vilaine Grandes cultures, élevage bovin et

volaille

Membre actif de BASE

Antoine Bas-Rhin Grandes cultures, élevage bovin Membre peu impliqué de BASE Echanges dans un groupe local d’agriculture de conservation Michel Bas-Rhin Grandes cultures Membre assez peu impliqué de

BASE

Table 1 : Présentation des 17 agriculteurs enquêtés. Les prénoms donnés sont fictifs, conformé-ment à la garantie d’anonymat que nous avons donnée aux agriculteurs. Les caractéristiques présentées ici sont celles qui ont été mobilisées pour le choix des individus (il n’y a donc pas forcément exhaustivité, concernant les divers groupes de pairs dans lesquels les agriculteurs peuvent être impliqués notamment, puisque l’objectif était seulement de choisir des cas diversifiés).

72 Les changements de prénoms ont été réalisés suivant les considérations de Coulmont (2017) qui a montré le poids d’évocation d’un prénom, et travaille à développer des outils d’anonymisation pour les sciences sociales. Enfin, remarquons qu’il s’agit uniquement d’agriculteurs et non d’agricultrices ; il y avait 2 agricultrices dans les 54 prises de contacts initiales mais elles n’ont pas pu être rencontrées pour raison logistique, ce biais ne relève donc pas d’un choix d’échantillonnage.

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