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Choix des variables d’état et description des fissures

4.2 Description du modèle de comportement retenu

4.2.3 Choix des variables d’état et description des fissures

La méthode de l’état local sur laquelle se base la thermodynamique des proces- sus irréversibles [Germain, 1973] postule que l’état thermo-mécanique d’un milieu, en un point et à un instant donnés, est complètement défini par la donnée d’un certain nombre de grandeurs thermodynamiques, appelées variables d’état, ne dépendant que du point considéré [Besson et al., 2001, Lemaitre and Chaboche, 1986]. Les dérivées temporelles de ces variables n’intervenant pas pour définir l’état du milieu implique que toute évolution puisse être considérée comme une succession d’états d’équilibre, ce qui exclut par conséquent les phénomènes ultra-rapides. C’est le choix, totalement subjectif bien que guidé par l’expérience, de la nature et du nombre des ces variables qui va conditionner l’écriture du modèle et la précision de la description du phéno- mène physique. Les variables d’état (ou variables thermodynamiques) se divisent en deux catégories : les variables observables et les variables internes.

Les variables observables sont définies ainsi dans la mesure où elles sont mesu- rables par observation directe. Dans le cadre de la thermo-élasticité (phénomènes réversibles), l’état du milieu dépend à chaque instant de seulement deux variables :

– le tenseur de déformations ε

≈;

– la températureT .

Précisons d’ores et déjà que nous avons fait l’hypothèse que l’on travaille à tem- pérature constante. Aussi, la seule variable observable qui nous intéressera dans la suite est le tenseur de déformations ε

≈.

Dans un cadre plus général (élasto-plasticité ou visco-platicité), en petites pertur- bations, on suppose généralement qu’il y a partition de la déformation totale ε

≈totqui

se décompose en une déformation purement élastique ε

≈el et une déformation inélas-

tique réversible ε

≈ir sous la forme ε≈el = ε≈tot − ε≈ir. Toutefois, nous verrons dans la

suite que le milieu étudié est élastique endommageable, le seul phénomène dissipatif étant l’endommagement. Aussi, la déformation se limitera à la déformation élastique. Ainsi, nous avons : ε

≈tot= ε≈el = ε≈.

Pour modéliser les phénomènes irréversibles (l’endommagement par exemple), afin de décrire l’état interne du milieu, il est nécessaire d’introduire des variables

de nature plus cachée appelées variables internes qui, par opposition avec les va- riables observables, ne peuvent être mesurées par observation directe. Ces variables peuvent être de différentes natures : scalaires [Ladevèze and LeDantec, 1992], vecto- rielles [Talreja, 1986] ou tensorielles [Chaboche, 1979]. Là encore le choix sera guidé par l’expérience.

Dans l’approche que nous avons suivie, le phénomène d’endommagement par fis- suration intra-laminaire est modélisé par un vecteur caractérisant la densité et la di- rection du réseau de fissures. L’approche de TALREJA, qui a été reprise par THIONNET

et RENARD [Thionnet and Renard, 1993], dans le cas des composites unidirection- nels est étendue aux composites tissés par AUSSEDAT [Aussedat-Yahia, 1997] qui introduit une deuxième direction d’endommagement. On propose d’introduire une troisième direction de fissuration afin de modéliser l’apparition de fissures dues aux contraintes perpendiculaires à l’empilement dans le cas d’un stratifié épais pour le- quel les contraintes dans l’épaisseur ne sont pas négligeables. Ainsi, les trois réseaux de fissures sont définis de la façon suivante :

Soit un pli unidirectionnel et R(O,x1,x2,x3) le repère local lié au pli, avecx1 repré-

sentant la direction des fibres et x3 la direction normale au pli. On considère trois

types de fissures (FIG. 4.5) : les fissures parallèles au plan (x1,x3) (type 1), les fissures

parallèles au plan (x2,x3) (type 2) et les fissures parallèles au plan (x1,x2) (type 3).

(a) (b) (c)

FIGURE 4.5 - Trois directions de fissuration : (a) type 1, (b) type 2, (c) type 3.

On modélise alors chaque type de fissure par un vecteur qui possède deux compo- santes, dans le repère local du pli, susceptibles d’être non nulles (EQ. 4.7). En d’autres termes, la direction du vecteur est variable. Nous verrons dans la suite qu’il est pos- sible relier ce vecteur aux déplacements des lèvres de fissures observés à l’échelle microscopique. VF I1[1] =    VF I1 T[1] VF I1 N[1] 0   , V F I2 [2] =    VF I2 N[2] VF I2 T[2] 0   , V F I3 [3] =    VF I3 T[3] 0 VF I3 N[3]    (4.7)

4.2 Description du modèle de comportement retenu

oùVN etVT représentent respectivement la composante normale et la composante

tangentielle au plan de la fissure.

Dans tout ce qui suit, afin d’alléger les écritures dans un but de clarté, nous li- miterons le détail de la démarche au cas de la fissuration de type 1. L’approche est identique pour les autres types de fissuration.

Nous prendrons donc :

V=    VT VN 0    (4.8)

Les observations expérimentales montrent que les fissures se comportent diffé- remment suivant les sollicitations auxquelles elles sont soumises. Afin de bien com- prendre le phénomène, on propose d’examiner une fissure « modèle » caractéristique du réseau fissuré, dont les lèvres sont représentées par deux plans parallèles (FIG. 4.6). L’état de contrainte local au niveau des lèvres des fissures peut engendrer trois modes particuliers de fissuration : le mode I correspond à une ouverture dans la direction normale au plan des lèvres des fissures (les lèvres sont ouvertes mais non cisaillées), le mode II correspond à un glissement des lèvres de fissures (les lèvres sont fermées mais cisaillées), enfin, le mode MIXTE est une combinaison des deux

modes précédents. Le mode III est quant à lui exclu.

(a) Mode I (b) Mode II (c) Mode MIXTE

FIGURE 4.6 - Les trois modes d’ouverture d’un réseau de fis- sures.

De plus, les fissures introduisent, à l’échelle microscopique, des discontinuités dans les relations contraintes/déformations au passage de la frontière entre les états de traction et de compression. Afin de tenir compte de l’influence du chargement extérieur sur la géométrie des fissures et d’assurer la continuité du comportement, on introduit deux variablesm et r. L’introduction de ces variables nous conduit donc à donner à la Mécanique de l’Endommagement, la notion de mode de sollicitation d’une macro-fissure rencontrée en Mécanique de la Rupture.

La première variable interne, notée,m, caractérise le mode d’ouverture d’une fis- sure. L’information sur la géométrie de la fissure est complétée par la deuxième va- riable interne, notéer, qui caractérise le rayon d’ouverture de la fissure. Les effets conjugués de ces deux variables entrainent une évolution continue du tenseur des rigidités au passage de l’état de traction à l’état de compression. L’introduction des ces variables permet également de tenir compte du fait que les fissures ont un com- portement différent en fonction des sollicitations.

Les variablesm et r permettent de décrire la géométrie des fissures et sont inspi- rées, en tout cas pourm, de la notion de mode d’ouverture d’une fissure en Mécanique de la Rupture.

On distingue trois configurations différentes : 1. les lèvres de fissure s’écartent (Mode I) :m = 1

⇒ UT = 0 et UN 6= 0

2. les lèvres de fissure glissent l’une par rapport à l’autre (Mode II) :m = 2 ⇒ UN = 0 et UT 6= 0

3. les lèvres de fissure se trouvent dans une configuration mixte (Mode MIXTE) : 1 < m < 2

⇒ UN 6= 0 et UT 6= 0

où UN etUT représentent respectivement les déplacements normaux et tangen-

tiels des lèvres de fissures. A ce niveau de l’étude, il n’est pas nécessaire de donner plus de détails sur la forme des variablesm, r et des sauts de déplacements UN etUT.

Nous avons jusque là décrit la direction des fissures par l’utilisation d’une des- cription vectorielle en introduisant le vecteur V. La géométrie évolutive des fissures et décrite par l’introduction des variables d’étatm et r qui traduisent respectivement le mode et le rayon d’ouverture des fissures et assurent la continuité du tenseur des rigidité au passage de l’état de traction à l’état de compression. Il reste maintenant à évaluer le niveau d’endommagement.

De nombreux auteurs utilisent la chute de rigidité, la rigidité ou encore la résis- tance résiduelle comme une variable macroscopique directement liée à l’endomma- gement. Nous pouvons citer par exemple les travaux de HIGHSMITHet REIFSNIDER

[Highsmith and Reifsnider, 1982], SIDOROFFet SUBAGIO[Sidoroff and Subagio, 1987], SHOKRIEHet LESSARD[Shokrieh and Lessard, 1997] ou encore ceux de PHILIPPIDIS

et VASSILOPOUDOS [Philippidis and Vassilopoudos, 1999]. La fissuration étant un phénomène relativement diffus, il semble, a priori, que la densité de fissures3 soit une grandeur adaptée pour quantifier l’endommagement. Or, nous avons montrer expérimentalement qu’il existe une dépendance de l’apparition des premières fis- sures et de leur multiplication vis à vis de l’épaisseur de la couche fissurée. Ces ré- sultats sont corroborés par de nombreux travaux, nous pouvons citer par exemple ceux de REIFSNIDER [Reifsnider, 1977] ou de BADER, BAILEY, CURTIS et PARVIZI 3. On rappelle que la densité de fissures a été définie comme le nombre de fissures par unité de longueur

4.2 Description du modèle de comportement retenu

[Bader et al., 1979]. Ces résultats remettent en question le choix de la densité de fis- sures comme variable d’état. En effet, dans la mesure où cette grandeur dépend de la géométrie (ici de l’épaisseur de la couche) de la structure, elle ne présente pas un caractère intrinsèque au matériau. Afin de s’affranchir de l’effet d’épaisseur, nous proposons d’utiliser la variable adimensionnalisée α comme variable d’état caracté- ristique du niveau d’endommagement définie selon (EQ. 4.9).

α = e× d (4.9)

où e (mm) représente l’épaisseur de la couche fissurée et d (mm−1) la densité de fissures.

Cette variable, initialement introduite dans leurs travaux par RENARD, FAVRE

et JEGGY[Renard et al., 1990], permet de s’affranchir de l’effet d’épaisseur du pli fis- suré sur la variable d’endommagement (qui devient alors intrinsèque au matériau) et ainsi de normaliser la loi d’évolution de l’endommagement. Ils observent une certaine stabilité sur les courbes de chute de rigidité pour des séquences de type(0◦/90◦n)s, sol-

licitées en traction, en fonction de la variableα, que l’on ne retrouve pas si l’on trace les mêmes courbes en fonction de la densité de fissuresd (FIG. 4.7).

(a) (b)

FIGURE 4.7 - Évolution de la chute de rigidité transverse sur les séquences(0◦/90◦n)s, (a) en fonction de d, (b) en fonction de

α [Renard et al., 1990].

Enfin, comme nous l’avons précisé précédemment, nous travaillons à température constante, la seule variable observable est donc le tenseur de déformations ε

≈.

Finalement, pour décrire l’état du matériau endommagé nous utiliserons une va- riable d’état observable, le tenseur des déformations ε

≈ dont la variable duale est

le tenseur des contraintes σ

≈ et trois variables internes α, m et r dont les variables

duales sont respectivementA, M et R (TAB. 4.1).

Les variables internes qui décrivent la géométrie des fissures étant introduites, nous pouvons établir la forme du vecteurV qui est une fonction des variables d’état (EQ. 4.10) :

Phénomènes Variables d’état Variables associées

Élasticité ε

≈ σ≈

Niveau de fissuration α A

Mode de sollicitation m M

Rayon d’ouverture des fissures r R

TABLE 4.1 - Variables d’état et les variables duales associées

nécessaires à la modélisation de l’endommagement.

V= V(α, m, r) (4.10)

L’analyse expérimentale montre que la direction des fissures, du fait de la pré- sence des fibres, ne dépend pas de la densité de fissures. Afin de tenir compte de cela nous décomposons le vecteur V en deux termes indépendantsf et U respective- ment caractéristiques du niveau d’endommagement et de la géométrie des fissures. Le vecteur V s’écrit alors :

V= V(α, m, r) = f (α)· U(m, r) (4.11)

Finalement, les composantes du vecteur V (VN etVT) s’écrivent en fonction des

déplacements tangentielsUT(m, r) et normaux UT(m, r) des lèvres de fissures et d’une

fonctionf (α) caractéristique du niveau d’endommagement :

VN(α, m, r) = f (α)· UN(m, r) (4.12)

VT(α, m, r) = f (α)· UT(m, r) (4.13)

Nous pouvons d’ores et déjà préciser que la fonctionf doit être définie telle que le vecteur V soit nul lorsque le matériau est vierge de tout endommagement, c’est-à- dire :

f (α = 0) = 0 (4.14)

REMARQUE

Il convient de préciser que VN etVT (ou UN et UT) ne sont pas des variables

d’état mais seulement des variables intermédiaires permettant de faciliter l’écri- ture de la fonction d’état.

4.2 Description du modèle de comportement retenu

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