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La biopsie rénale fait partie de la pratique courante des néphrologues pour porter un diagnostic de certitude et orienter la prise en charge thérapeutique des patients. La recherche de dépôts de C3 sur les biopsies rénales (marqueur de l’activation du complément) ou de C1q (voie classique) est utilisée depuis longtemps pour l’orientation diagnostique, sans jouer de rôle dans l’évaluation pronostique de la maladie. Le C4d est quant à lui un produit de dégradation terminal dans la cascade du complément, qui se lie de manière covalente à la paroi des capillaires de manière durable. Il n’a pas de rôle propre et peut être généré par la voie classique ou la voie des lectines (54). Depuis 2003, la détection du C4d est

intégrée dans la classification de Banff pour le diagnostic du rejet humoral aigu en transplantation rénale

(66). Depuis, son utilisation est devenue courante. Nous savons actuellement que les patients avec des

dépôts de C4d sur les capillaires péri-tubulaires dans le cadre du rejet humoral ont un pronostic rénal plus péjoratif. (67). Fort de ces connaissances, d’autres auteurs ont porté leur intérêt sur les dépôts de

C4d pour mieux apprécier le pronostic des maladies rénales. En effet, l'intérêt pronostique de l'immunomarquage par le C4d a en particulier été décrit dans les NIgA (54,65,68), et a été identifié comme

facteur de risque indépendant d'évolution vers une insuffisance rénale terminale (54,68). Espinosa et al.

ont montré une survie rénale à 10 ans de 43,9% dans le groupe C4d+ versus 90,9% dans le groupe C4d-

70 dans le groupe C4d- (65). Peu de données sont disponibles sur l'intérêt du C4d dans le PR, maladie qui

semble pourtant proche de la NIgA sur le plan histologique et physiopathologique. Dans leur série de 59 patients, Espinosa et al. ont étudié 8 patients présentant un PR, dont 2 (25%) étaient positifs pour le C4d. La fréquence des dépôts de C4d était identique entre les patients avec un PR et ceux atteints d’une NIgA (p=0,7) mais les résultats détaillés de ce sous-groupe ne sont pas décrits dans l’étude (58).

Roos a quant à lui montré que l’activation de la voie des lectines dans la NIgA (dépôts glomérulaires de C4d associés à des dépôts de MBL), était associée à une majoration de la protéinurie et à des lésions histologiques plus sévères (prolifération mésangiale et extra-capillaire, glomérulosclérose, et infiltration interstitielle) (57). Contrairement à Roos, nous n’avons pas recherché les dépôts de MBL sur nos biopsies

rénales pour confirmer l’activation de la voie des lectines, mais en l’absence de dépôts de C1q, nous en avons fait l’hypothèse.

De manière plus générale, les dépôts de C4d, générés par l’activation de la voie des lectines, semblent être associés à un pronostic rénal plus défavorable, quelle que soit la néphropathie étudiée, en témoigne l’étude de Xing et al. qui se sont intéressés à l’activation du complément dans les glomérulonéphrites extra-capillaires pauci immunes. Dans leur étude, 8 patients sur 12 avaient des dépôts de C4d et 6 d’entre eux des dépôts de MBL. L’intensité des dépôts de C4d et de MBL était plus importante chez les patients dialysés (69).

Les mécanismes physiopathologiques expliquant pourquoi la voie des lectines est activée dans la NIgA ne sont pas encore élucidés. Les dépôts d’IgA sont considérés comme le facteur déclenchant de la NIgA. Ils induisent un processus inflammatoire qui conduit à la prolifération des cellules mésangiales et de la matrice extracellulaire, ainsi qu’aux lésions interstitielles, qui aboutissent à terme à une protéinurie, voir à une insuffisance rénale terminale dans un certain nombre de cas. Certains auteurs ont montré que les IgA polymériques anormalement glycosylées peuvent se lier au MBL et entrainer l’activation de la voie des lectines (55, 71). Tous les patients avec une NIgA n’ont cependant pas d’activation

de la voie des lectines. La question de savoir si ces patients présentent des IgA aux caractéristiques différentes reste ouverte.

Les quatre études réalisées dans le cadre de la maladie de Berger décrivaient une positivité du C4d dans 32.2 à 56.5% des cas (54, 58, 65,68). Néanmoins, les critères d'interprétation d'un immunomarquage

positif pour le C4d étaient variables, avec un seuil retenu de glomérules positifs allant de 25 à 75%, et une répartition glomérulaire prédominante au niveau mésangial. Pour notre étude, nous avons choisi de manière arbitraire un seuil de 30% de glomérules positifs. L’intensité de nos dépôts était cotée de 0 à 3 avec des résultats considérés positifs à partir de 2. L’ensemble des études citées a analysé les dépôts comme positifs ou négatifs sans plus de précision concernant l’évaluation de la positivité du marquage.

71 Aucune donnée consensuelle n’existe sur ce sujet. La comparaison des données entre études doit donc être faite avec précaution.

Dans l’ensemble de ces études, le marquage du C4d était réalisé en immunohistochimie car cette technique présente de nombreux avantages. Elle permet en outre une meilleure conservation du matériel qu’en l’IF. En effet, dans la littérature, il est décrit que l’expression du C4d dans les blocs de paraffine est préservée avec précaution pendant au moins 2 ans (61) mais l’inclusion en paraffine

réduirait la sensibilité et l’intensité du marquage en IHC, nécessitant une grande prudence dans son interprétation (60). De plus, l’interprétation du C4d en IHC est plus difficile qu’en IF avec une grande

variabilité inter-observateur (60-62). La classification de Banff 2013 souligne cette difficulté. En effet, le

seuil de positivité en IHC pour l’évaluation du marquage des capillaires péri-tubulaires a été abaissé à une intensité supérieure ou égale à 1, en raison d’un marquage moins sensible qu’en IF (70). Nos résultats

sont toutefois encourageants de ce point de vue car notre période d’inclusion s’étendait de 1995 à 2018 et les sujets C4d+ étaient retrouvés sur l’ensemble de la période étudiée.

Nous ne connaissons pas dans notre étude, les délais entre les premiers signes cliniques et la réalisation des PBR. Or, Zwirner a souligné le manque de connaissance sur l’évolution des dépôts de C4d au cours de l’évolution de la maladie (63). Les dépôts persistent-ils malgré la disparition des signes

d’activité de la maladie ? Aucun de nos patients étudiés n’a bénéficié d’une biopsie de contrôle à distance pour tenter de répondre à cette question.

L’analyse des dépôts de C4d au vu de l’ensemble de ces éléments semble intéressante pour mieux évaluer le pronostic des différentes maladies rénales et en particulier du PR. De plus la technique est peu coûteuse, et pourrait être incorporée en routine dans l’analyse des biopsies rénales au même titre que l’analyse du C3 et du C1q.

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