• Aucun résultat trouvé

2.2 B4OTF : Étude d'une maille élémentaire

2.2.2 Chiralité

À présent qu'un modèle de structure a pu être établi pour le cristal de B4OTF, nous allons pouvoir nous pencher sur l'origine de sa chiralité. La chiralité 2D a fait l'objet de nombreuses investigations depuis la n des années 90. S'il semble logique qu'une molécule chirale transmette ce caractère à sa monocouche, une chiralité induite par l'adsorption sur la surface peut aussi apparaître pour des molécules achirales. On distingue alors trois phénomènes principaux :

 les molécules déposées sont prochirales [11, 12] ; c'est le cas par exemple de dérivés de l'anthracène [11] qui, selon qu'ils s'adsorbent sur une face ou l'autre, donnent naissance à deux stéréoisomères ;

 les molécules forment une maille ou un motif chiral sur la surface [10, 13, 14] ;

 les molécules sont orientées suivant une direction qui n'est pas un axe de symétrie du substrat. L'angle qu'elles forment avec un des axes du substrat peut alors être négatif ou positif ce qui correspondra à des domaines de chiralité diérente.

Nous avons vu que la molécule de B4OTF adoptait une conguration anti-anti sur la surface. Ce conformère n'est pas chiral et ne sut donc pas à expliquer l'existence de domaines mi- roirs. Il n'est pas non plus prochiral : l'adsorption sur une face ou l'autre aboutit strictement à la même conformation puisque la molécule est symétrique. Il nous faut donc considérer la manière dont s'assemblent ces molécules.

Le motif cristallographique a été isolé sur la gure 2.6(a). Son image miroir, formée à droite s'insère par une simple translation dans le réseau cristallin, ce qui montre que l'assemblage n'est pas chiral.

Cependant ce motif n'est pas tout à fait représentatif des images STM. En eet, celles-ci af- chent une variation de contraste sur les cycles thiophènes dont nous n'avons pas tenu compte ici. Le même raisonnement a donc été reproduit sur la gure 2.6(b), avec un motif intégrant la diérence de contraste entre les cycles thiophènes extérieurs et intérieurs. Il devient alors impossible de replacer l'image miroir du motif dans l'empilement, en respectant à la fois la géométrie de celui-ci, et la variation périodique d'intensité sur les cycles thiophènes. On a donc bel et bien une monocouche chirale.

Cette chiralité est illustrée par la gure 2.6(c). L'image STM au centre correspond à un zoom dans la gure 2.3(d) et montre un joint de grain de type miroir. Un examen plus ap- profondi des doublets de cycles thiophènes qui composent les lignes B, permet d'identier deux congurations. Considérons dans un premier temps, le domaine de gauche. Pour plus de facilité, celui-ci a été ramené à l'horizontale sur le schéma qui jouxte l'image. Quelle que soit la ligne considérée, le premier thiophène du doublet est toujours plus bas que le second. À l'inverse dans le domaine de droite, c'est le second cycle thiophène qui est le plus bas. La seule opération de symétrie permettant de superposer les deux domaines est un miroir et ceux-ci sont donc énantiomères. L'observation des doublets, que nous qualierons de montants dans le premier cas et de descendants dans le second, permet d'identier la chiralité du domaine. La diérence de contraste entre les cycles thiophènes de la molécule exprime donc la chi- ralité de la monocouche. Elle n'explique cependant pas quels sont exactement les mécanismes mis en jeu. Dans les causes possibles énoncées plus haut, les deux premières ont déjà pu être

2.2 B4OTF : Étude d'une maille élémentaire 51

Fig. 2.6 Chiralité du cristal de B4OTF sur HOPG. (a) Maille élémentaire du cristal de B4OTF à gauche et son image miroir à droite. On voit qu'il est possible d'insérer l'image miroir du motif cristallographique dans le réseau par une simple translation. (b) Maille élémentaire du cristal de B4OTF tenant compte de la variation de contraste sur les cycles thiophènes. L'image miroir est donnée, cette fois encore, à droite. Il n'est plus possible d'insérer le motif dans le réseau, tout en respectant le contraste des cycles thiophènes. (c) Image STM d'un joint de grain miroir (14×14 nm, 700×700 pixels, It = 31 pA et Vg =

0, 9 V). Les domaines de part et d'autre du joint de grain sont énantiomères. Les schéma, à gauche et à droite de l'image, représentent chacun un énantiomère, et mettent en évidence l'orientation du doublet de cycles thiophènes dans les lignes B. (d) Représentation des deux orientations possibles de la molécule sur le substrat, en fonction de la chaîne adsorbée. (e) Schématisation du joint de grain de l'image (c). Dans le domaine de gauche, seules les chaînes gauches sont en épitaxie, tandis que l'inverse se produit à droite, donnant naissance à des domaines miroirs.

écartées. Reste donc la troisième.

L'orientation des molécules sur le graphite est dirigée par l'épitaxie des groupements octyles. La gure 2.6(d) montre l'angle θ entre une direction principale du graphite et le c÷ur aroma- tique de la molécule. On obtient ici θ ≈ 20o. Du fait de la géométrie de la molécule, seulement une chaîne sur deux est en épitaxie. Selon qu'il s'agit de la gauche ou de la droite, θ prendra une valeur postive ou négative, ce qui induit une chiralité(gure 2.6(e)). Elle apparait sur les images STM, grâce à la diérence de contraste entre les cycles thiophènes, qui, nous l'avons vu, a la même origine.

Si ce phénomène est fréquemment observé pour des monocouches de molécules chirales [15, 16], il a été peu étudié dans le cas de molécules achirales. Son existence est uniquement due à la géométrie de nos molécules, qui ne permet pas l'épitaxie des deux groupements laté- raux. À partir de cette observation, il est possible de prédire un comportement identique pour toute molécule achirale dont l'adsorption sur le graphite est dirigée par des chaînes alkyles, et ayant une symétrie incompatible avec celle du substrat.