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Introduction bibliographique

Partie 1 : ÉTAPES CLÉS DE LA COLONISATION D’UNE PLANTE PAR UNE BACTÉRIE PHYTOPATHOGÈNE ET FACTEURS DE PATHOGÉNIE IMPLIQUÉS

2 COLONISATION ENDOPHYTE DE LA PLANTE HÔTE

2.3 Stratégies déployées par les bactéries pour coloniser les tissus de la plante

2.3.1 Chimiotactisme et mobilité : mécanismes préliminaires à la colonisation de la plante hôte

Afin de coloniser et de s’adapter spécifiquement à la plante hôte, les bactéries phytopathogènes commencent d’abord par percevoir et reconnaitre des molécules spécifiques d’origine végétale. Le chimiotactisme est un mécanisme qui permet aux bactéries de reconnaitre leur plante hôte et de réagir efficacement aux changements de l’environnement. Les bactéries phytopathogènes, et notamment les Xanthomonas, les Erwinia, P. syringae et R.

solanacearum, possèdent des senseurs (appelés Methyl-accepting Chemotaxis Proteins) qui

leur permettent de détecter spécifiquement les stimuli environnementaux (Buell et al., 2003 ; Charkowski et al., 2012 ; Mhedbi-Hajri et al., 2011a ; Yao et Allen, 2006). Suite à la

Figure 22. Principaux facteurs de virulence des Pectobacterium spp. (d’après Davidsson et al., 2013). Les Pectobacterium spp. dépendent principalement des enzymes de dégradation de la paroi cellulaire (PCWDE) secrétées via le SST2 qui leur permettent de macérer les tissus des plantes. La mort cellulaire est favorisée par la toxine Nip et l’effecteur DspE sécrété par le SST3. Les défenses de la plante (PTI) sont déclenchées suite à la détection des MAMP (flagelline flg22) ou des DAMP (oligogalacturonides OGs). Durant les stades précoces de l’infection, les bactéries ne déclenchent pas la PTI (production de PCWDE finement régulée, ce qui minimise par conséquent la génération de DAMP), alors que durant les stades tardifs de l’infection, les défenses de la plante sont inhibées suite à la production massive de PCWDE et la favorisation de la mort cellulaire.

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26 détection d’un stimulus, une cascade de transduction du signal (qui fait intervenir des protéines cytoplasmiques Che) va avoir lieu. Cette transduction du signal résulte en l’interaction avec le moteur du flagelle pour contrôler la mobilité natatoire ("swimming motility") des bactéries.

Le rôle du chimiotactisme a été particulièrement étudié chez R. solacearum. Cette bactérie s’avère en effet spécifiquement attirée par les exsudats racinaires secrétés par sa plante hôte (la tomate), mais pas par ceux secrétés par des plantes non hôtes. De plus, l’utilisation de mutants affectés dans leur capacité chimiotactique, mais qui sont mobiles, a permis de montrer que la mobilité dirigée par chimiotactisme, et non la mobilité aléatoire, est nécessaire à la colonisation de la plante via les racines (Yao et Allen, 2006). En revanche, le chimiotactisme et le flagelle ne sont pas nécessaires lorsque la bactérie colonise le xylème. En effet, les mutants affectés dans le chimiotactisme ou dans la mobilité flagellaire sont pathogènes au même titre que la souche sauvage lorsqu’ils sont inoculés directement dans la tige (Tans-Kersten et al., 2001 ; Yao et Allen, 2006). R. solanacearum utilise donc le chimiotactisme et son flagelle polaire pour localiser et coloniser les racines de la plante hôte au cours des stades précoces du cycle infectieux. Une fois dans le système vasculaire, la bactérie perd son flagelle et la mobilité dirigée par chimiotactisme n’est plus nécessaire pour le développement de la maladie.

Contrairement à ce qui a été observé chez R. solanacearum, le chimiotactisme et la mobilité flagellaire chez D. dadantii sont non seulement impliqués dans la pénétration de la bactérie à travers les feuilles, mais aussi dans la colonisation de la pomme de terre (Antúnez-Lamas et al., 2009). Cette bactérie utilise le chimiotactisme et la mobilité flagellaire avant de pénétrer dans la plante, et ces mêmes mécanismes seraient aussi déployés par D. dadantii durant les stades tardifs de l’infection pour quitter les tissus suffisamment macérés (épuisés de nutriments) et coloniser ainsi d’autres tissus.

Étant donné que la flagelline (un peptide conservé chez la majorité des bactéries) élicite les réactions de défense de la plante, certaines bactéries phytopathogènes comme P.

syringae et R. solanacearum répriment vraisemblablement la synthèse du flagelle une fois à

l’intérieur de la plante (Tans-Kersten et al., 2001 ; Yu et al., 2013). D’autres mécanismes que la mobilité natatoire sont donc utilisés par les bactéries phytopathogènes pour se déplacer le long des vaisseaux conducteurs de leur hôte. La mobilité reptatoire ou "twitching motility" fait intervenir les pili de type IV, des structures filamenteuses de surface associées à

Figure 23. Pili de type IV observés chez une souche sauvage de Xylella fastidiosa en microscopie électronique (Meng et al., 2005).

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27 l’adhésion (Figure 23). Bien que ces pili ne semblent pas indispensables pour la pathogénie des bactéries foliaires telles que X. axonopodis pv. vesicatoria et P. syringae pv. tomato (Ojanen-Reuhs et al., 1997 ; Roine et al., 1998), ils s’avèrent nécessaires chez les bactéries xylémiques comme R. solanacearum et Xylella fastidiosa pour la colonisation systémique de la plante (Liu et al., 2001 ; Meng et al., 2005).

Même si Xylella fastidiosa est aflagellée, cette bactérie colonise efficacement le xylème de son hôte en migrant contre le flux de sève. Elle possède deux types de pili : des pili courts de type I (codés par les gènes fim) et des pili longs de type IV (codés par les gènes pil) (Meng et al., 2005). La mobilité de Xylella fastidiosa le long des faisceaux vasculaires dépend des pili longs de type IV qui lui permettent de se déplacer par "twitching". Les pili courts, quant à eux, ont un effet négatif sur la mobilité de Xylella fastidiosa et permettent plutôt l’attachement et la formation d’agrégats. Xylella fastidiosa semble donc maintenir un équilibre finement dosé entre ces deux types de pili. Leurs effets opposés permettent probablement à la bactérie de coloniser des niches écologiques très différentes que sont la plante hôte et l’insecte vecteur.

La mobilité reptatoire est également requise pour la virulence de R. solanacearum (Kang et al., 2002 ; Liu et al., 2001). Un mutant PilA de R. solanacearum n’est plus capable de s’attacher de manière polaire aux cellules de tabac et aux racines de la tomate. Ce même mutant est aussi affecté dans sa capacité à former des agrégats en culture liquide (Liu et al., 2001). La bactérie régule ces deux traits opposés (mobilité reptatoire et agrégation) par un mécanisme taille de population-dépendant qui fait intervenir le régulateur PhcA (régulateur transcriptionel de type LysR). A des densités bactériennes élevées, le régulateur PhcA réprime les mobilités natatoire et reptatoire et, en contre partie, favorise la production d’EPS, l’agrégation des cellules bactériennes et la formation de biofilms (Kang et al., 2002).

2.3.2 L’adhésion

Comme c’est le cas chez les bactéries épiphytes, l’adhésion est cruciale pour la virulence des bactéries vasculaires. En effet, il s’agit de la première étape nécessaire pour la formation de biofilm, une structure qui provoque l’occlusion des vaisseaux vasculaires et par voie de conséquence les symptômes de flétrissement. L’attachement aux surfaces requiert principalement deux types de protéines de surface appelées adhésines fibrillaires (ex. pili de type IV) et adhésines non-fibrillaires (autotransporteurs, hémagglutinines, etc.) (cf.

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