• Aucun résultat trouvé

Introduction bibliographique

Partie 1 : ÉTAPES CLÉS DE LA COLONISATION D’UNE PLANTE PAR UNE BACTÉRIE PHYTOPATHOGÈNE ET FACTEURS DE PATHOGÉNIE IMPLIQUÉS

1 COLONISATION ÉPIPHYTE DE LA PLANTE HÔTE

1.2 Écologie de la phyllosphère et interactions phyllosphère-bactéries

1.2.2 Caractéristiques environnementales de la phyllosphère

1.2.2.1 Caractéristiques physiques de la phyllosphère

Les bactéries épiphytes, exposées à la surface des feuilles, sont sujettes à des fluctuations rapides et extrêmes de température, de rayonnements UV, de vent et d’humidité relative (Beattie et Lindow, 1995 ; Hirano et Upper, 2000 ; Lindow et Brandl, 2003). Ces fluctuations qui peuvent se produire fréquemment et rapidement chaque jour (à savoir en quelques secondes à quelques heures) font de la phyllosphère un environnement hostile par comparaison avec d’autres environnements extrêmes mais stables (Hirano et Upper, 2000 ; Lindow et Brandl, 2003; Montesinos et al., 2002). Les paramètres environnementaux de la phyllosphère peuvent affecter considérablement l’installation des microorganismes en surface des feuilles, notamment les bactéries. Un des facteurs limitant la colonisation de la phyllosphère par les bactéries épiphytes est le flux de rayonnements UV. Il a été démontré que les bactéries sont plutôt sensibles aux UVB (290-320 nm) qui provoquent l’endommagement de l’ADN bactérien (Gunasekera et Paul, 2007 ; Jacobs et al., 2005 ; Kadivar et Stapleton, 2003). En général, les populations bactériennes épiphytes augmentent lorsque le climat est humide (humidité relative élevée et après les chutes de pluies). A titre d’exemple, les populations de cellules solitaires de X. axonopodis pv. phaseoli augmentent en

Introduction

5 surface des feuilles de haricot après un événement pluvieux (Jacques et al., 2005). Cependant, les pluies intenses peuvent aussi réduire considérablement les populations bactériennes présentes en surface des feuilles. Ainsi, suite à un épisode pluvieux, une population bactérienne de 105 CFU par feuille de haricot peut être rapidement lessivée (Hirano et Upper, 2000). D’autres facteurs comme l’humidité relative subissent également des variations journalières importantes, ce qui peut indirectement affecter la survie des bactéries épiphytes. En effet, la variation du niveau d’humidité relative pendant le cycle jour/nuit conduit à une variabilité de la disponibilité en nutriments et en eau, mais aussi de l’osmolarité au niveau de la feuille (Hirano et Upper, 2000). Étant donné qu’elle peut altérer les caractéristiques physiques de la phyllosphère, la disponibilité temporelle et spatiale de l’eau est aussi un facteur important pour la survie épiphyte des bactéries (Beattie, 2011). En effet, la dessiccation induit une augmentation de la concentration des solutés et des composés antimicrobiens émis par la plante au niveau de la surface foliaire. Une telle augmentation peut altérer la totalité de la population épiphyte (Beattie et Lindow, 1995). Ainsi, les agrégats bactériens formés par P. syringae pv. syringae ont des tailles plus importantes sur les feuilles de haricot humides que sur les feuilles sèches (Dulla et Lindow, 2008).

1.2.2.2 Disponibilité en nutriments et autres composés

La survie épiphyte des bactéries dépend de la disponibilité en nutriments carbonés, principalement, et en composés azotés, secondairement. En effet, la taille des populations bactériennes épiphytes est positivement corrélée avec l’abondance de composés carbonés (Mercier et Lindow, 2000 ; Wilson et Lindow, 1994). Une large variété de composés organiques et inorganiques comme les sucres, les acides aminés et les acides organiques est relarguée passivement par les plantes au niveau de la surface des feuilles. Cependant, leur composition et leur abondance varient en fonction de l’espèce végétale et des caractéristiques physico-chimiques de la cuticule. Le glucose, le fructose et le saccharose sont les sources de carbone les plus abondantes en surface de la feuille. Cependant, ces sucres ne sont pas facilement accessibles aux bactéries épiphytes car la distribution de ces nutriments au niveau de la surface foliaire est spatialement très hétérogène (Mercier et Lindow, 2000 ; Miller et al, 2001 ; Remus-Emsermann et al., 2011 ; van der Wal et Leveau, 2011). En effet, en exprimant une protéine fluorescente fusionnée à un promoteur de fructose dans les cellules d’Erwinia

herbicola, on s’aperçoit que la majorité des bactéries consomment du fructose et sont

Introduction

6 heures après inoculation, le nombre de bactéries consommant le fructose diminue à 1% voire moins (Leveau et Lindow, 2001a et b). Les cellules bactériennes qui continuent à consommer le fructose ne sont pas dispersées aléatoirement en surface des feuilles, mais sont plutôt localisées dans des sites particuliers comme le long des nervures et près des stomates. Ces résultats indiquent que les nutriments sont abondants uniquement dans très peu de sites de la surface foliaire. Par conséquent, la plupart des bactéries immigrantes vont faire face à un environnement oligotrophe, et seulement un faible nombre de bactéries va pouvoir accéder à des sites riches en éléments nutritifs (Lindow et Brandl, 2003 ; Remus-Emsermann et al., 2011).

Mises à part les contraintes nutritionnelles, les bactéries épiphytes sont aussi sujettes à l’effet des composés antimicrobiens sécrétés au niveau de la surface foliaire, tels que les métabolites secondaires (terpènes, acides phénoliques) et les protéines de défense (Karamonali et al., 2005 ; Shepherd et Wagner, 2007). Ces molécules, présentes au niveau de l’apoplaste, sont sécrétées en général par des structures spécialisées telles que les hydathodes, les stomates et les trichomes glandulaires puis réparties sur toute la surface foliaire. Les métabolites secondaires présents au niveau de la phyllosphère constituent une barrière chimique contre les invasions bactériennes. En effet, certaines espèces végétales (l’origan par exemple) dont les métabolites secondaires ont une forte activité antimicrobienne s’avèrent faiblement colonisées par les bactéries épiphytes (Karamonali et al., 2005). De plus, la densité des bactéries épiphytes est inversement proportionnelle à la concentration d’un glucosinolate présent à la surface foliaire de certaines plantes potagères (Ruppel et al., 2008). Les protéines de défense PR (pour pathogenesis-related) notamment les défensines, les chitinases, les glucanases et les lipases sont retrouvées au niveau de la phyllosphère (Grunwald et al., 2003 ; Shepherd et Wagner, 2007). Ces protéines antimicrobiennes inhibent vraisemblablement la pénétration des bactéries mobiles via les hydathodes (Grunwald et al., 2003). D’autre part, les plantes émettent aussi des quantités importantes de composés organiques volatiles tels que les alcanes, les alcènes, les alcools, les éthers, les esters et les acides carboxyliques. Ces composés jouent un rôle dans l’attraction et la répulsion des microorganismes et peuvent avoir un effet toxique sur ces derniers (Peñuelas et Llusià, 2004).

Etant données les contraintes rencontrées au niveau de la phyllosphère, une question s’impose : quelles sont les stratégies déployées par les bactéries phytopathogènes pour survivre dans cet environnement hostile et qui leur permettent d’affronter ces différents types de stress environnementaux ?

Figure 7. Schéma récapitulatif des principaux traits microbiens requis pour l’adaptation des bactéries épiphytes à la survie en surface de feuilles (Vorholt, 2012).

Introduction

7