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N’est pas chef qui veut!

Dans le document Les jeux d'Hubert, Denis Rouleau, ofs (Page 39-46)

Alors Hubert lui dit :

– Ce n’est pas comme cela que tu te feras ami avec nous.

Puis Hubert retint le vélo de Gontran et passa, ce que fit aussi en même temps Gaétan.

– Comporte-toi comme un homme, et non comme une petite brute, dit Gaétan à Gontran. Ce dernier, peut-être attendri par les propos de Gaétan dit :

– Mais je ne suis pas une petite brute, je suis un gars très ordinaire.

– Alors, pourquoi tu viens toujours nous provoquer, pour te quereller avec nous, cherches-tu la bagarre ? dit Hubert pour lui ouvrir les yeux sur son attitude envers eux. – Non ! Non ! Non ! affirma Gontran, je ne cherche pas la bagarre, ni la querelle, ni la provocation, je veux seulement me faire accepter comme votre chef.

– Nous, nous ne voulons pas de chef, les chefs, nous les mettons dehors, n’est-ce pas Gaétan ?

– Oui, nous les mettons dehors les chefs, répondit Gaétan, voyant la détermination d’Hubert.

– Dans ce cas, est-ce que je puis juste être votre ami ? reprit Gontran d’une façon un peu plus près de ce qu’est l’amitié. C’était sur le conseil de sa mère qu’il disait cela pour voir si cela marchait.

– Sais-tu ce que c’est un ami ? Es-tu fidèle, loyal, sincère ? lui demanda Hubert. – Oui, je crois que je le suis, dit Gontran.

– Pour cette preuve d’humilité, on est prêt à t’accepter dans nos rangs, mais plus de pro-blèmes avec les autres amis, dit Hubert.

– C’est promis Hubert, c’est promis Gaétan, et excusez-moi pour tout à l’heure.

– C’est oublié. Est-ce que tu aimes les animaux, les arbres et les plantes ? demanda Hu-bert.

– Avec vous autres, j’apprendrai à aimer les animaux, les arbres et les plantes. – Sais-tu comment les aimer ?

– Je crois que non.

– C’est en en prenant soin, un grand soin. Si tu veux apprendre, nous te montrerons comment en prendre soin. Est-ce que cela fait ton affaire ? demanda Hubert.

– Oui, beaucoup, prendre soin des animaux, ça ne doit pas être très difficile. – C’est même amusant, dit Gaétan.

– Amusant ? De prendre soin des animaux ? Je ne comprends pas, dit Gontran, mon père dit que prendre soin des animaux, c’est du travail dur, très dur.

– Pour gagner sa vie, je le crois, mais pas pour nous autres qui trouvons que c’est un jeu plaisant, dit Gaétan.

– C’est parce que nous aimons les animaux que c’est plaisant. Si nous ne les aimions pas, ce serait difficile, comme ça l’est pour ton père.

– Je vous propose quelque chose : nous nous rendons chez nous pour souper et nous nous revoyons demain après-midi, ça vous va ? proposa Hubert.

– Oui, parfaitement, à demain, les gars ! – À demain, les gars !

Hubert avait besoin de temps à lui seul afin de préparer l’aquarium avec une gre-nouille comme il l’avait fait avec Gaétan. Il voulait faire la même chose avec Gontran. Est-ce qu’il réussira avec Gontran ?

Hubert s’activa tout de suite en sortant son aquarium du grenier où il l’avait remi-sé après l’avoir utiliremi-sé pour attirer Gaétan à aimer les animaux. Il la descendit jusqu’à la cave où son père avait un petit atelier de réparation et de confection de meubles. Il la déposa sur le plancher et prit la chaudière pour aller la remplir d’eau provenant du Lac aux Grenouilles en y mettant de petits nénuphars. Cette fois-ci, il confectionna une plage avec un morceau de bois qu’il a placé à un angle très aigu avec la surface de l’eau de façon que la grenouille puisse monter sur cette plage artificielle. Enfin, l’aquarium était prêt à recevoir son hôte.

Hubert, qui devint pour la cause un pêcheur de grenouille expérimenté, alla dans son vivier prendre deux vers de terre, des lombrics. Il se dit qu’il en aurait assez de deux pour capturer une grenouille. Il prit aussi son bâton de pêche avec sa ficelle réparée par un nœud, et la puise pour capturer la grenouille affamée. Il pensa un court moment au mot « affamé » et se mit à en rire quelque peu. Armé de son attirail de pêche, il était prêt pour la capture de la grenouille. Il se dit dans son « fort » intérieur : grenouilles ! me voici !

Il ne perdit pas de temps, car il voulait effectuer la capture avant le souper. Il se dirigea donc vers le Lac aux Grenouilles. Elles coassaient toutes lorsqu’il arriva, lui donnant une agréable sensation de pêche réussie. Si elles chantaient de la sorte, c’est qu’elle ne se doutait pas qu’il y avait un danger pour l’une d’entre elles d’être capturée et amenée dans un aquarium pour deux jours tout au plus, puis relâchée dans le Lac, l’endroit d’où elle venait. Un poète dirait qu’elle faisait simplement un voyage d’agrément.

Hubert attacha donc un lombric au bout de la ficelle de son bâton de pêche — c’est un bâton et non une canne, parce qu’il n’y a pas d’hameçon — et le mit dans sa main gauche et saisit de sa droite la puise. Il plaça le lombric au-dessus des narines de la première grenouille qui se présentait à lui et hop ! Fit la grenouille : elle avala le ver de terre. Hubert leva son bâton de pêche et plaça la puise en dessous de la grenouille. Lors-que celle-ci termina avec le ver, c’est-à-dire lorsLors-que le ver se détacha de la ficelle, la grenouille tomba dans la puise dont Hubert tourna la poignée pour la rendre prisonnière dans le filet de la puise.

Maintenant que la prisonnière ne pouvait plus s’échapper, il se dirigea vers la maison pour la déposer dans l’aquarium préparé à cette fin, avec plein de lombrics comme nourriture.

– Est-ce que cette grenouille en captivité va se nourrir ? La première s’était nourrie ; probablement que la deuxième se nourrira aussi, pensa Hubert.

Il n’avait pas à s’inquiéter outre mesure ; de plus, le séjour n’était que de deux jours tout au plus. De toute façon, il viendrait la voir demain matin si elle manquait de quelque chose.

Tout était prêt pour recevoir Gontran, le principal intéressé, et Gaétan, devenu son ami. Hubert remarqua qu’il avait oublié une chose très importante : recouvrir l’aquarium afin de garder la grenouille prisonnière ; il devait la recouvrir de façon à faire entrer l’air indispensable à la respiration de l’animal.

C’était le soir avant le souper, Hubert avait terminé ses préparatifs pour la ren-contre avec Gontran le lendemain après-midi. Il ferait volontiers ce soir une prière à Jé-sus pour que son projet d’amitié réussisse bien, si telle était la divine volonté. Sûr et con-fiant en le Seigneur Jésus, Hubert s’endormit facilement.

Sa mère sortit sur le perron pour l’appeler au souper, son assiette étant servie. Elle paraissait inquiète de ne pas le voir ; un tourment commençait à la tourbillonner, lente-ment. N’avait-elle pas peur du Ruisseau ? S’il tombait et s’assommait sur une grosse roche, qui le sauverait ? Et l’eau ? Une personne s’était noyée dans son bain ! Que de choses mauvaises pouvaient arriver en un instant ! Presque vaincue, Claire en parlerait à son mari, Ambroise, pour qu’il la console et lui enlève de la tête ses mauvaises pensées. En effet, elle ne croyait pas aux prédictions ni aux horoscopes, bons ou mauvais.

– Je me fais du souci pour Hubert et ses jeux dans le ruisseau. S’il lui arrivait quelque chose, je ne me le pardonnerais pas, confia Claire à Ambroise.

– S’il jouait sur un terrain de jeu, il pourrait se blesser aussi ; il peut se faire frapper par une auto, sans que tu le saches avant une journée ; il pourrait lui arriver des tas de choses, n’y penses plus, il est assez grand et assez bien élevé pour s’arranger et juger du danger lui-même, ne crois-tu pas ?

– Tu as raison. Je n’y penserai plus, mais je l’aviserai du danger qu’il y a dans la nature ! Pour ça oui ! s’obligea sa mère.

– Chérie, essaie de dormir, et ça passera. Fais une prière pour que le Seigneur Jésus le protège par un de ses anges et de son ange gardien en plus. Bonne nuit, chérie !

Le conseil d’Ambroise lui donna l’idée de prier lui aussi pour que sa femme re-trouve la paix de l’âme relativement à son fils Hubert.

– Bonne nuit, chéri !

Et le couple uni s’endormit du sommeil du juste en faisant chacun une prière à Dieu Tout-puissant.

Le lendemain matin, le premier à se réveiller fut Hubert ; dès qu’un rayon de so-leil frappa sa paupière sensible, il s’éveilla en se souvenant d’un rêve fantastique : il était le chef des grenouilles et elles venaient toutes vers lui pour l’acclamer non seulement comme chef, mais comme roi des grenouilles.

Il s’habilla rapidement, prit son déjeuner sur le pouce, et descendit, une tartine de confiture de fraises entre les doigts, l’escalier menant à la cave à l’intérieur de la maison. La grenouille était réveillée et regardait de ses yeux de verre un lieu alentour, mais il ne savait où elle regardait. Son regard était si fixe qu’il se demanda si elle ne dormait pas les yeux grands ouverts. Il remarqua que de temps en temps une peau transparente des-cendait sur son œil et remontait. Ce mystère l’obligeait à une recherche pour mieux con-naître les grenouilles.

Il regarda s’il restait des vers de terre dans l’aquarium : aucun. Elle les avait donc mangés. Il ne lui en donna plus afin qu’elle ait faim devant Gontran et que ce dernier puisse utiliser le bâton de pêche doté d’une ficelle pour attacher le lombric et le présen-ter à la grenouille. Si la grenouille avait faim, elle happerait le ver de présen-terre et Gontran recevrait ainsi ses premiers lauriers de pêcheur de grenouilles pour le plaisir.

Une idée germa lentement et sûrement dans son esprit : pourquoi ne pas aller pê-cher une autre grenouille pour la présenter à Gontran ; cette dernière aurait faim à coup sûr et la pêche pour le plaisir serait assurée. Il prit donc son attirail, le bâton de pêche et la puise, sans oublier deux ou trois vers de terre, et s’en alla tout droit vers le Lac aux Grenouilles. Il avait tellement hâte de mettre à l’épreuve son bâton de pêche qu’il en riait en courant vers le Lac. Arrivé sur les lieux, il attacha solidement son lombric à la ficelle, saisit le bâton de la main gauche et la puise de la droite ; il posa le lombric tout près des narines d’une grenouille, un ouaouaron pour être précis, et attendit que la cap-ture du ver par l’ouaouaron ait lieu. La capcap-ture eut lieu et l’animal était plus pesant

qu’une simple grenouille. Il glissa sa puise en dessous ; le ver se détacha, gobé par l’animal, et il tomba dans la puise qui fut fermée d’un simple tournemain.

Hubert, avec son bâton d’une main et la puise de l’autre, ressemblait à un gardien de but au hockey. Il hâta le pas vers la cave de la maison, descendit l’escalier, s’approcha de l’aquarium. Il posa son bâton par terre, entrouvrit la puise pour glisser sa main à l’intérieur et saisir l’ouaouaron. Une fois saisi d’une main, il déposa la puise par terre et avec son autre main, assura sa prise sur l’ouaouaron qu’il déposa dans l’aquarium, ayant entrouvert l’aquarium auparavant. Il le laissa aller dans l’aquarium et referma le couvercle.

Tout était prêt pour accueillir Gontran : le bâton de pêche, la puise, les lombrics, l’aquarium et les deux grenouilles.

Ambroise, le père d’Hubert, entendit du bruit dans la cave et descendit pour voir ce que c’était que ce bruit ? Quand il vit Hubert et ses grenouilles dans l’aquarium, il lui dit :

– Que fait le pêcheur de grenouilles à cette heure si matinale ?

– Une préparation pour recevoir un ami et pour lui faire aimer les grenouilles et à travers elles, les animaux et les plantes.

– C’est une noble tâche que tu fais là, mon garçon !

– Tout me vient aisément, on dirait que le Bon Dieu m’aide toujours à le servir le plus fidèlement possible.

– Si tu es capable de voir la présence de Dieu là-dedans, c’est que ta spiritualité est avancée pour ton âge ; cependant, continue toujours dans la même voie de Dieu.

– C’est vraiment facile, Papa, de faire ce que je fais ; on dirait que tout me vient tout cuit dans le bec.

– Alors, n’oublie pas de remercier Dieu pour son infinie bonté envers toi. – Je n’y manquerai pas, Papa. Que fais-tu aujourd’hui ?

– Toi, que fais-tu aujourd’hui ?

– Recevoir un ami, comme je t’ai dit tout à l’heure. – C’est très bien ! Bonne journée, mon fils !

« Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Mais Jé-sus reprit et leur dit: "Mes enfants, comme il est difficile d'entrer dans le Royaume de Dieu! " » Mc 10, 24.

Dans le document Les jeux d'Hubert, Denis Rouleau, ofs (Page 39-46)