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La charte de radiographie

Chapitre 4 Normes et gouvernance de la santé au travail

4.1.2. La charte de radiographie

La radiographie industrielle présente un contexte spécifique dans lequel les travailleurs sont soumis à d'importantes contraintes et risques liés à la spécificité du métier: travail de nuit, travail en hauteur, expositions liées à l’environnement de travail (par exemple :

risques chimiques et CMR, risque d'explosion, sur sites industriels, etc.), contraintes liées au

port de protections individuelles, etc.

La charte est intervenue dans un contexte où on constatait : encore trop d'accidents avec pour conséquences des expositions élevées des radiologues aux rayonnements ionisants, des manquements récurrents liés à une mauvaise coordination entre entreprises de radiographies industrielles et donneurs d'ordre, une implication trop souvent insuffisante des donneurs d’ordres se traduisant notamment par des conditions d'interventions non satisfaisantes (éclairage, échafaudage, accessibilité, accueil …).

Le point de départ de cette charte de bonne pratique en radiographie industrielle tenait à une charte existante depuis 1996 et élaborée en Paca ; compte tenu du contexte préoccupant précédemment décrit et des modifications notables de la réglementation, il a paru nécessaire de mettre à jour cette ancienne charte.

Cette nouvelle version s’est inscrite dans le cadre d’une recherche/action plus large menée par le laboratoire de biogénotoxicologie et mutagenèse environnementale (EA

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1784) associé au service hospitalo-universitaire de médecine et santé au travail (CHU Marseille) et intitulée : « Évaluer et prévenir le risque radiologique professionnel dans les

opérations de radiographie industrielle ».

Cette recherche/action a donc permis d'associer chercheurs et médecins du travail à la refonte de la charte.

Conscients de l’importance de faire évoluer les pratiques professionnelles et de promouvoir certaines bonnes pratiques, les professionnels ont tenu à ce que cette charte : o prenne en compte les problématiques de terrain ; elles ont été mises en lumière à partir des constats de terrain réalisés par les corps de contrôle (inspecteurs de travail et de la radioprotection), mais aussi par d'autres acteurs, comme les médecins du travail et les professionnels eux-mêmes. Les difficultés rencontrées par industriels ont pu être prises en compte grâce aux échanges avec l'ensemble des acteurs concernés : radiologues, donneurs d'ordre, entreprises de maintenance industrielle

o décline de façon opérationnelle la réglementation en fournissant des outils pratiques d’utilisation (check-lists, outil/logiciel d’aide à l’évaluation de la dosimétrie

prévisionnelle découlant de l’analyse d’études de poste, un modèle de fiche d’intervention jointe au plan de prévention et permettant de le rendre plus opérationnel et fonctionnel, …) et en proposant d’autres organisations du travail (mise en place de coordinateurs de tirs radio durant les grands arrêts, organisation de l’accueil des radiologues, …)

L'élaboration de la charte a réuni plusieurs catégories d'acteurs, parmi lesquels : les professionnels (des entreprises de radiologie et de maintenance industrielles, ainsi que des

donneurs d'ordre), les “préventeurs” (médecins du travail et la CRAM Sud-Est), les

institutionnels (Direction Régionale du Travail, Direction Départementale du Travail,

l'Autorité de Sûreté Nucléaire) et des chercheurs universitaires (Faculté de médecine,

Université de la Méditerranée).

La forte implication des acteurs concernés, la spécificité du milieu (nombre restreint d’entreprises de radiographie en région) ainsi que la prise en compte des spécificités propres à chaque métier et à chaque type d'acteurs, ont conduit à privilégier le niveau

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local par rapport au niveau national. Par ailleurs, comme l'a montré l'expérience, la prise de parole par les acteurs était une condition nécessaire pour une bonne application des actions sur le terrain et au final, pour que les professionnels adhèrent à la charte. Celle-ci a donc été portée et promue localement : elle est le résultat d’un consensus traduisant l’aboutissement des débats et des échanges entre les acteurs concernés.

Néanmoins une transmission de ces résultats au niveau national a été effectuée de manière à ce que les acteurs potentiellement concernés puissent prendre connaissance de ce travail (transparence de la démarche) et qu’une mise en cohérence entre les initiatives et démarches engagées dans différentes régions soit portée par le niveau national (harmonisation des bonnes pratiques, mise en place d’un comité de suivi national des différentes chartes, promotion de la charte dans des journées nationales d’information : journées SFRP25, ATSR26). De plus, une collaboration étroite avec la région Haute Normandie a été mise en place, en raison d’une similitude certaine de son tissu industriel avec celui de la région PACA (présence de sites pétrochimiques et émergence de problématiques comparables autour de la radiographie industrielle).

Au cours du processus d’élaboration concrète de la charte, un comité de pilotage régional a été créé afin d'assurer la cohérence des différents travaux et initiatives menés par plusieurs sous-groupes de travail. Une analyse de l'exposition des radiologues au poste de travail a ainsi été réalisée par des étudiants et universitaires de la faculté de médecine de Marseille. Une réflexion pour optimiser le suivi médical et dosimétrique des radiologues (y compris dans le domaine de la formation des médecins) a été menée par les universitaires, des médecins du travail et des personnes compétentes en radioprotection. Enfin, la réécriture de l'ancienne charte de 1996 a été conduite par l’ensemble de ces acteurs.

Le rôle des acteurs institutionnels (DRTEFP, DDTEFP)dans ce processus de travail collectif consistait à veiller au respect du cadre légal par l'ensemble des initiatives. Les travaux effectués ont fait l'objet de présentations aux instances nationales et en outre,

25 Société Française de Radioprotection.

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un colloque de présentation de la charte a été organisé fin 2006 à l’occasion de sa signature officielle, soit deux ans après le lancement du processus d'élaboration.

Au final, la charte permet de prendre en compte les différents lieux (ateliers, sites, pipe- lines) et situations de travail concernés par ces enjeux. Les bonnes pratiques ont été déclinées pour chaque acteur et les contraintes réglementaires ont été explicitées et concrétisées au travers d'un ensemble d'outils (formulaires, check-list, logiciels) et de préconisations techniques et organisationnelles, en tenant compte de la spécificité de chaque acteur (formation continue pour les médecins, information des travailleurs …). Parmi les bonnes pratiques mises en avant, citons l'introduction d'une fonction de coordinateur de tirs radios ou d'une personne accueillant les radiologues sur le site. Ces mesures permettent d'améliorer les conditions d'intervention et la sécurité sur le site. D'autres pratiques reconnues par l'ensemble des acteurs ont été inscrites dans la charte : la présence de deux personnes ayant obtenu un certificat CAMARI (Certificat d'Aptitude à Manipuler les Appareils de Radiologie) par équipe, un compagnonnage pendant la période de formation (sur ce point, la réglementation a ultérieurement rejoint la charte) ou encore le fait de déconseiller le recours aux CDD et à l’Intérim pour pourvoir les postes ainsi que le droit de retrait pour les radiologues.

La charte représente une “déclinaison pratique de la réglementation” qui cependant n'est pas assimilable à une “soft law”. En effet, ce terme faisant référence à des situations où les normes étatiques sont inexistantes ou inadaptées, les créateurs de la charte sont allés, dans certains cas, au delà de la réglementation tout en respectant le cadre légal existant.

A l'heure actuelle, la liste des signataires de la charte comporte 17 donneurs d'ordre, 10 entreprises de maintenance industrielle et douze entreprises de radiographie. Cette liste, tenue à jour par la DRTEFP, évolue continuellement.

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