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Chapitre 2 : Résistivité et chargeabilité électrique : Définitions et mesures par la méthode

2.3. Chargeabilité électrique

La chargeabilité électrique est un paramètre qui peut être mesuré par l’équipement de la méthode électrique en mettant en évidence un phénomène appelé polarisation provoquée. Nous présentons ce phénomène d’abord afin de définir convenablement la chargeabilité.

2.3.1. Polarisation Provoquée (PP)

Le phénomène de polarisation provoquée (PP) a été constaté et décrit par Conrad Schlumberger vers 1913 (Seigel, 1959; Seigel et al., 2007). Il a remarqué que la différence de potentiel, mesurée entre deux électrodes, ne revenait pas toujours instantanément à zéro lors de la coupure d’un courant électrique initialement appliqué. Il décrit ce phénomène comme la faculté que possèdent certaines roches à se polariser (se charger) sous l’action de la circulation de courant électrique et à se « dépolariser » (se décharger) lorsqu’on coupe brusquement le courant. Physiquement, la polarisation électrique est un phénomène traduisant les variations de la valeur de la résistivité électrique en fonction de la fréquence utilisée pour la mesurer. Les paramètres déduits de la mesure faite sur le terrain sont la chargeabilité totale M et l’expression de cette dépendance fréquentielle à l’aide d’équations empiriques diverses selon les auteurs. L’équation la plus utilisée est celle de « Cole et Cole » (Cole and Cole, 1941) qui contient les coefficients c, m et 𝜏, dits « paramètres Cole-Cole ».

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Le phénomène de PP peut être mis en évidence de deux façons :

- en domaine fréquentiel : technique de la « PP spectrale » qui nécessite un appareillage spécial permettant d’injecter des courants de fréquences variables.

- en domaine temporel : technique de la « PP en domaine temporel ». Généralement, les mesures sur le terrain sont acquises dans le domaine temporel (voir Florsch et al., 2012; Gazoty et al., 2012) car l’acquisition est plus rapide à mettre en œuvre, évitant essentiellement les problèmes de couplage. C’est cette technique qui a été utilisée pour la présente étude car elle est compatible avec les résistivimètres classiques moyennant une option technique : pouvoir interrompre automatiquement l’injection de courant et mesurer la décroissance du potentiel électrique, si le terrain est « chargeable ».

La mise en évidence de la PP en domaine temporel utilise le même dispositif à quatre électrodes, comme pour la mesure de la résistivité électrique. Après la coupure du courant, si le milieu est polarisable (chargeable), on observe aux électrodes de potentiel que la tension, au lieu de s’annuler instantanément, décroit rapidement jusqu’à atteindre une valeur Vs puis décroit quasi exponentiellement avec le temps (Figure 2.13). Ce temps de décroissance peut être en général de l’ordre de quelques millisecondes à quelques secondes. Le temps de croissance ou de décroissance peut être comparé au temps de charge et de décharge d’un condensateur via une résistance donnée. La courbe de décroissance n’est pas exponentielle comme dans un circuit RC, et ne commence pas à la valeur maximale du potentiel.

Figure 2.13 – Polarisation Provoquée temporelle : séquence d’injection de courant (en haut) et potentiel enregistré (en bas), dans un milieu polarisable (en rouge), et dans un milieu non

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L’origine du phénomène peut être décrite comme une accumulation d’énergie principalement liée à la chimie de la solution d’imbibition. Cette accumulation d’énergie peut provenir : (1) de variations de mobilité des ions dans les fluides à travers la roche, (2) de variations entre la conductibilité ionique et la conductibilité électronique lorsqu’il y a des minéraux métalliques en présence. Le premier type de variations est appelé polarisation de membrane ou polarisation électrolytique et constitue la polarisation fondamentale ou polarisation normale. Elle apparait dans les roches qui ne contiennent pas de minéraux métalliques. Le second type de variations, connu sous le nom de polarisation d’électrodes ou surtension, est en général plus important que la polarisation normale si certains facteurs sont réunis, particulièrement la présence de particules métalliques disséminées dans la roche.

Polarisation de membrane

Dans la plupart des minéraux, il y a une charge négative à l’interface située entre la roche et le liquide interstitiel. Il en résulte que les ions positifs sont attirés par l’interface qui repousse les ions négatifs ; cette concentration des ions positifs peut s’étendre, dans le liquide, jusqu’à une profondeur de 10-6

cm environ (Figure 2.14a). Si la taille du pore est du même ordre, les ions négatifs s’accumuleront à l’une des extrémités de la zone, et quitteront l’autre par l’application d’une tension continue. C’est ce qu’on appelle la polarisation de membrane. Après interruption du courant, les ions retournent à leur position initiale dans un temps déterminé (Figure 2.14b) : c’est ce repositionnement des ions qui génère le potentiel mesuré (la décharge) et qui s’illustre par la décroissance de la tension électrique.

Figure 2.14 – a) distribution normale des ions dans un grès poreux ; b) polarisation de membrane due à l’application d’une tension continue (inspiré de Telford et al., 1990).

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Polarisation d’électrode

De principe semblable à celui de la polarisation de membrane, ce type de polarisation existe lorsque des minéraux métalliques sont présents dans la roche et que le courant a une origine en partie, électronique et en partie électrolytique. Une réaction chimique a lieu à l’interface entre le minéral et la solution. Considérons les deux passages poreux d’une roche représentée par la figure 2.15. La présence de minéraux métalliques, portant des charges superficielles de signes opposées aux deux extrémités, provoque une accumulation d’ions dans l’électrolyte, au voisinage de ces extrémités. Le résultat est celui d’une électrolyse où lorsque le courant passe, il y a échange d’électrons entre le métal et les ions de la solution à l’interface. Comme pour la polarisation de membrane, lorsque le courant est coupé, la tension résiduelle décroît au fur et à mesure que les ions retournent à leur état d’équilibre initial. L’amplitude de cette polarisation d’électrodes varie avec la concentration en minerai mais, comme c’est un phénomène de surface, elle sera plus grande lorsque le minerai est disséminé que lorsqu’il est compact.

Figure 2.15 – a) distribution normale des ions autour d’un minéral métallique; b) polarisation d’électrodes due à l’application d’une tension continue (inspiré de Telford et al., 1990).

2.3.2. Définition de la chargeabilité

La chargeabilité déduite de la polarisation provoquée, quantifie une somme de polarisation de membrane et de polarisation d’électrode. Seigel (1959) introduit la notion de chargeabilité m pour décrire la polarisation du milieu en utilisant le potentiel secondaire ou

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résiduel Vs (milliVolt - mV) mesuré après la coupure du courant injecté et la tension première Vp (Volt - V) mesurée avant la coupure. La chargeabilité s’exprime en mV/V et est définie par l’équation ci-dessous :

𝑚 = 𝑉𝑠

𝑉𝑝 (2.13)

En théorie, Vs devrait être mesurée à temps-zéro de coupure de courant, mais c’est difficile à réaliser à cause de l’appareil de mesure qui est lié au signal transitoire généré dans l’appareil de mesure au moment de la coupure de courant. Dans la pratique, les mesures de potentiel secondaire commencent après un temps donnée, appelé Mdly (The Delay time en anglais). Par exemple, avec l’équipement du Syscal Pro que nous avons utilisé, les mesures commencent 20 ms après la coupure de courant. Cette difficulté a conduit avec la pratique, à considérer une autre grandeur. Elle correspond à l’intégrale du signal sous la courbe de décroissance traduisant ainsi l’intensité du phénomène de polarisation, c’est la chargeabilité totale. C’est cette chargeabilité qui a été utilisé pour la présente étude.

2.4. Mesure de la chargeabilité totale et des paramètres