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Chapitre 2 : Réconcilier le cognitivisme et le non cognitivisme moral

Nous avons vu au premier chapitre que la question du cognitivisme est bien distincte de la question du réalisme moral. C’est que le réalisme moral s’intéresse surtout à des enjeux ontologiques, alors que le cognitivisme relève davantage de questions centrées sur la philosophie de l’esprit, la sémantique, et l’épistémologie morale. En d’autres mots, si la question du réalisme moral porte sur l’existence (ou l’inexistence) d’une certaine réalité morale, et par le fait même, sur l’existence (ou l’inexistence) d’une connaissance indépendante de nous à ce sujet, la question du cognitivisme porte sur la façon dont nous connaissons cette réalité (ou cette illusion) morale. Elle vise à répondre à des questions du type61 :

(1) Si elle existe, comment percevons-nous la réalité morale ? (2) Quel état d’esprit les jugements moraux impliquent-ils ?

(3) Comment pouvons-nous exprimer ces jugements par le langage ? (4) Ces jugements peuvent-ils être dits vrais ou faux ?

Ainsi, bien que les deux questions (celle du cognitivisme et celle du réalisme) puissent avoir une influence l’une sur l’autre, elles demeurent indépendantes. Une théorie favorisant le réalisme substantiel, le réalisme phénoménologique ou le nihilisme métaéthique peut tout autant défendre le cognitivisme que le non-cognitivisme moral. Néanmoins, la façon dont cette défense sera développée variera en fonction des présupposés ontologiques que l’on admet.

Ce chapitre vise à clarifier la question du cognitivisme moral en proposant une théorie métaéthique subjectiviste exemplifiant les caractéristiques du réalisme phénoménologique. À la suite de Jesse Prinz, je soutiens que le phénomène moral a des fondements épistémiquement indépendants de nous ; il s’explique par l’expérience universelle de certaines émotions dites morales comme la colère, le mépris, le dégoût, la culpabilité et la

honte62. À partir de ces émotions morales, nous pouvons former des désirs moraux, à savoir le désir d’éviter de ressentir des émotions morales négatives. Mais l’expérience du désir moral est seulement la première condition de la moralité. La moralité dépend aussi d’une seconde condition : être apte à former des croyances à propos de ces désirs moraux.

Pour développer une telle théorie, je soutiendrai que le véritable enjeu opposant les cognitivistes et les non-cognitivistes n’est pas celui de la valeur de vérité des jugements moraux, mais plutôt celui des états mentaux en cause : les jugements moraux relèvent-ils d’états cognitifs (des croyances) ou d’états conatifs (des états nous poussant à l’action). En centrant le débat sur la question des états mentaux impliqués, il devient inévitable de faire référence à la théorie humienne de la motivation, que ce soit pour l’admettre ou pour la critiquer. À la suite de Ruwen Ogien, je soutiens que la dichotomie entre croyances morales et désirs moraux doit être abandonnée63. Pour justifier cette position, je m’inspirerai d’abord de la thèse de Stéphane Lemaire64 au sujet du rôle des émotions dans nos désirs, pour ensuite exposer la théorie de Prinz au sujet des émotions morales.

Ce faisant, le réalisme phénoménologique subjectiviste réconcilie le cognitivisme et le non-cognitivisme moral en rejetant la dichotomie qui oppose ces deux positions. Selon cette théorie, le désir moral et la croyance morale ne sont pas réellement des entités distinctes, mais plutôt deux façons de se rapporter à l’expérience subjective du désir moral : l’expérience du désir moral telle qu’elle est vécue (le désir en tant que tel) se trouvant en constante relation avec l’expérience du désir moral telle que nous projetons, par notre imagination, qu’elle est ou sera vécue dans certaines situations (la croyance morale). Cette façon de voir les choses permet de rendre compte à la fois du rôle motivant des croyances morales – puisqu’elles ne font qu’exprimer nos croyances à propos d’états motivants, à savoir nos désirs – et de leur aspect descriptif et objectif – car lorsque je fais un jugement moral, j’exprime réellement une croyance à propos d’une expérience qui peut être attestée comme étant vraie ou fausse.

62 Prinz, 2007.

63 Ogien, 1999, pp. 108-110. 64 Lemaire, 2008.

Les enjeux traditionnels du cognitivisme et non-cognitivisme moral

Forces et faiblesses du cognitivisme moral

La thèse du cognitivisme moral peut être ainsi résumée : les jugements moraux relèvent de croyances qui peuvent être dites vraies ou fausses. Et par opposition, le non- cognitivisme associe les jugements moraux à des états conatifs qui ne peuvent être dits vrais ou faux65. Les deux conceptions ont leurs forces et leurs faiblesses.

En affirmant que les jugements moraux relèvent de croyances visant66 à décrire un contenu factuel indépendant de nous, le cognitivisme rend bien compte des formulations affirmatives et descriptives dans lesquelles nous employons habituellement les jugements moraux67. Cet aspect factuel et descriptif du langage moral est ce qui fait la première force du cognitivisme. En fait, pour un philosophe comme David Brink, c’est précisément ce qui fait la popularité de cette position : « Nous commençons (tacitement) comme des cognitivistes et réalistes en éthique. [Nous croyons] que les énoncés moraux sont des assertions qui peuvent être vraies ou fausses ; et [que] certaines personnes perçoivent mieux les faits moraux que d’autres68 ».

Ainsi, non seulement le cognitivisme rend-il facilement compte du caractère descriptif du langage moral sans avoir à développer une théorie du langage propre à celui-ci (ce que doit faire le non-cognitivisme), mais il a aussi l’avantage de mettre clairement en évidence le fait que les jugements moraux aspirent à l’objectivité69. Comme toute affirmation descriptive vise à décrire un fait du monde, le jugement moral vise aussi à décrire une réalité que l’on peut connaître. Il suffit alors que le jugement soit en adéquation avec cette réalité pour être vrai. Si ce n’est pas le cas, il est faux. Il ne s’agit pas d’une

65 Joyce, 2009, Section 3 ; Mark Schroeder, 2010, p. 12 ; Van Roojen, 2012, Introduction.

66 Que ce contenu existe, comme dans les théories du réalisme substantiel, ou non, comme dans les théories de

l’erreur. Dans ce dernier cas, les théoriciens de l’erreur soutiennent que les jugements moraux visent à décrire un contenu factuel, mais que celui-ci n’a finalement aucune véritable existence. Conséquemment, pour les théoriciens de l’erreur, tous les jugements moraux sont faux.

67 Fischer et Kirchin, 2006, pp. 2-3 et 8. 68 Brink, 1989, p. 23. Je traduis de l’anglais.

69 Encore une fois, un théoricien de l’erreur peut admettre cette aspiration à l’objectivité, tout en soutenant

question subjective, mais d’une aptitude à décrire correctement une réalité objective. C’est là l’autre intérêt des positions cognitivistes, comme le souligne Michael Smith :

Nous semblons penser que les interrogations morales ont des réponses correctes ; que ces réponses correctes le sont en vertu du fait qu’elles font référence à des faits moraux objectifs ; que ces faits moraux sont entièrement déterminés par des circonstances, et que, en nous engageant dans une conversation à propos d’arguments moraux, nous pouvons découvrir ce que sont ces faits moraux déterminés par des circonstances70.

Mais le cognitivisme ne présente pas que des avantages. Si le langage moral cognitiviste semble bien décrire des faits du monde, comment ces faits en eux-mêmes peuvent-ils nous motiver à agir ?

Pour mieux comprendre l’enjeu, il faut avoir en tête la théorie humienne de la motivation. Celle-ci soutient que les croyances et les désirs sont deux états psychologiques distincts, et que seuls les désirs peuvent nous motiver à agir, jamais les croyances. Dans cette conception de la psychologie humaine, une croyance vise à décrire le monde. Ce faisant, nous devons corriger nos croyances lorsque nous prenons conscience qu’elles ne sont pas en adéquation avec ce qu’elles visent à décrire.

Par exemple, si j’ai la croyance qu’il fait beau dehors alors qu’il pleut, je dois changer ma croyance pour qu’elle soit en adéquation avec l’état de fait dont je cherche à rendre compte : la météo là où je me trouve. Ce n’est pas le monde qui doit s’adapter à nos croyances, mais plutôt nous qui devons adapter nos croyances en fonction de ce que le monde est. Ce faisant, les croyances ne peuvent pas avoir d’influence sur nos actions, ou plutôt, elles peuvent seulement nous indiquer les moyens à prendre pour satisfaire certains désirs. Car, contrairement aux croyances, nos désirs nous incitent à modifier le monde qui nous entoure afin qu’il soit conforme à ce qu’on veut qu’il soit. En résumé, le désir est la pulsion qui nous pousse à agir, et la croyance nous permet alors de déterminer les moyens – conformément aux faits – permettant de satisfaire ce désir71.

70 Smith, 1994, p. 6. Je traduis de l’anglais.

71L’on retrouve cette théorie en termes de passions et raison – plutôt qu’entre termes de désirs et croyance –

dans Hume, 1740, pp. 50-54. La théorie en termes de désirs et croyances se retrouve formulée dans de nombreux ouvrages. Voir entre autres : Lemaire, 2008, pp. 77-78 ; Ogien, 1999, pp. 74-77 ; Smith, 1994, pp. 7-9.

Même si Hume considère que les jugements moraux relèvent des désirs – il juge que les jugements moraux doivent nécessairement nous motiver à agir72 – il est possible d’adhérer à la théorie humienne de la motivation sans pour autant adhérer à la théorie humienne de la moralité. On peut considérer que les croyances et les désirs relèvent bien de deux états distincts et que seuls les désirs peuvent nous motiver à agir – conformément à ce que Hume croyait –, tout en soutenant que les jugements moraux relèvent de croyances et non pas de désirs. Dans ce dernier cas, les jugements moraux ne peuvent donc pas réellement nous motiver à agir. C’est ce qu’on appelle l’externalisme motivationnel73.

Le modèle humien ne pose pas de problème pour les croyances non morales. En effet, pour ce type de croyances, il n’est pas problématique de soutenir qu’une croyance n’a pas d’influence sur nos motivations à agir. Du moins, tant qu’il n’y a pas de désir qui peut être éveillé par ma croyance. Par exemple, le fait de croire que le petit objet rond et rouge devant moi est une pomme n’a pas d’influence sur mes motivations à agir, à moins que j’aie un désir qui soit lié à cet objet (le désir de manger une pomme, par exemple). Mais pour une croyance morale, il s’agit d’un problème fondamental. Il semble en effet étrange, voire absurde, de dire que si je crois qu’une chose est mal, cela n’entraîne pas pour autant une motivation à agir conformément à cette croyance74. Au contraire, il est largement admis que les jugements moraux sont nécessairement motivants. C’est ce qu’on appelle l’internalisme motivationnel75. Mais comment expliquer que les croyances morales sont motivantes si nous affirmons que la théorie humienne de la motivation est valide76 et que les jugements moraux relèvent de croyances ? Il s’agit là de l’un des principaux problèmes que doit expliquer le cognitivisme.

Forces et faiblesses du non-cognitivisme moral

Si le cognitivisme peine à expliquer le lien entre croyance morale et motivation à agir, le non-cognitivisme explique ce lien sans aucune difficulté. C’est le cas car il a pour thèse

72 Hume, 1740, pp. 50-51. 73 Rosati, 2008, Section 3.2.

74 Mark Schroeder, 2010, pp. 9-12 ; Smith, 1994, pp. 6-7. 75 Rosati, 2008, Section 3.2.

76 Une théorie que certains philosophes, comme Michael Smith, considèrent être la théorie de la psychologie

centrale d’affirmer que les jugements moraux ne font qu’exprimer un état d’esprit conatif : un état qui nous pousse à l’action. Pour Mark Schroeder, c’est la principale raison qui attire les philosophes vers le non-cognitivisme77. Ainsi, si plusieurs amorcent leur réflexion éthique en ayant l’intuition du cognitivisme moral – tel que David Brink le soulignait78 –, cette intuition est parfois abandonnée en faveur du non-cognitivisme. Une explication simple de l’internalisme motivationnel est un aspect qui semble en effet manquer au cognitivisme moral. Il ne peut y parvenir qu’en faisant appel à des explications plus complexes qui sont à leur tour critiquées79.

Mais cette force a aussi un coût. Par opposition au cognitivisme qui explique facilement les formulations descriptives du langage moral et les arguments logiques qui découlent des propositions pouvant être faites avec ce langage, le non-cognitivisme se heurte au problème de Frege-Geach. L’exemple d’argument logique suivant tiré de l’article « Assertion » de Peter Geach80 permet de bien expliquer le problème :

(P1) Si tourmenter le chat est mal, alors demander à votre petit frère de tourmenter le chat est mal ;

(P2) Tourmenter le chat est mal ;

(C) Donc demander à votre petit frère de tourmenter le chat est mal.

À première vue, cet argument modus ponens est tout à fait valide. La prémisse P1 contient les propositions A et B, où A implique B (en langage formel : A → B, soit l’antécédent A = « Tourmenter le chat est mal », et la conclusion B = « Demander à votre petit frère de tourmenter le chat est mal »), et P2 contient la simple assertion de la proposition A. Du moins, cet argument modus ponens est valide si l’on juge que la proposition A, « Tourmenter le chat est mal », est la même dans P1 et P2, et qu’il s’agit bien d’une proposition, ce que peut faire un cognitiviste. Mais pour un non-cognitiviste, la tâche ne peut se résumer à cela, puisqu’il nie précisément qu’un énoncé moral comme P2,

77 Mark Schroeder, 2010, p. 13.

78 Brink, 1989, p. 23. Je traduis de l’anglais.

79 L’une des stratégies habituelles consiste à postuler que les faits moraux ont une nature telle qu’ils ont une

influence sur nos désirs. C’est contre une théorie de ce genre que l’argument de l’étrangeté de Mackie s’oppose (1977, pp. 36-42). Voir Joyce, 2009, Supplément 4.1 et Miller, 2003, pp. 116-118 pour un résumé de l’argument.

soit « Tourmenter le chat est mal » relève d’une proposition ; pour ce dernier, P2 n’est que l’expression d’un état conatif qui ne peut être dit vrai ou faux. La théorie du non- cognitiviste le force donc à affirmer que la proposition A contenue à la fois dans P1 et P2 relève en fait d’un cas d’équivocité, et la conclusion C ne peut donc pas découler de telles prémisses81.

Le problème pour le non-cognitiviste est que malgré ce que le force à admettre sa théorie, cet argument modus ponens est bel et bien valide pour quiconque emploie celui-ci ; celui qui formule cet argument fait bien référence aux mêmes concepts lorsqu’il les emploie dans P1 et P2. Le non-cognitiviste doit donc expliquer comment ce genre d’argument moral couramment employé dans notre langage peut être valide, malgré les implications de sa théorie.

Par ailleurs, en plus de ce problème, le non-cognitiviste doit aussi tenter d’expliquer en quoi les débats moraux peuvent avoir une utilité. Si les jugements moraux ne servent qu’à exprimer des états conatifs et que ceux-ci ne peuvent pas être vrais ou faux, alors ils ne peuvent pas être en adéquation avec une réalité objective sur laquelle nous pouvons nous entendre. Dans ce cas, pourquoi débattons-nous à propos des jugements moraux que nous devons adopter ? Pourquoi tenter de convaincre autrui du bien-fondé de nos jugements moraux, si ceux-ci ne relèvent que de l’expression d’un désir personnel et qu’il n’existe aucun « standard » objectif permettant de définir ce qui est bien et ce qui est mal au-delà de nos sentiments personnels ou de nos pratiques culturelles82 ?

D’une part, un tel relativisme des jugements moraux est loin de faire l’unanimité. D’autre part, certains philosophes comme James Rachel font remarquer que les valeurs fondamentales des êtres humains ne sont peut-être pas si différentes après tout83. Dans ce dernier cas, comment expliquer une telle convergence des jugements moraux s’ils ne font qu’exprimer des sentiments personnels plutôt que des faits objectifs ?

81 Ce problème classique se retrouve résumé dans de nombreux ouvrages de métaéthiques. Voir entre autres :

Lemaire, 2008, pp. 83-85 ; Mark Schroeder, 2010, pp. 50-54 ; Van Roojen, 2012, Section 4.1.

82 Rachel, 2001, pp. 57-59. 83 Ibid., pp. 59-61.

Le problème moral

À la lumière d’un tel tableau des forces et faiblesses du cognitivisme et du non- cognitivisme, une évidence apparaît : ce qui fait la force d’une position se révèle être la faiblesse de l’autre, et vice-versa. En effet, si le cognitivisme explique bien l’aspect descriptif et objectif des jugements moraux, il rend difficilement compte de l’aspect motivant des jugements moraux (en tenant compte de la théorie humienne de la motivation). Inversement, si le non-cognitivisme explique parfaitement l’aspect motivant des jugements moraux (toujours en tenant compte de la théorie humienne de la motivation), il peine à offrir une explication satisfaisante du caractère descriptif et objectif du langage moral.

Cette opposition ne serait pas problématique si nous avions communément l’intuition que seulement l’une des forces est réellement pertinente – disons l’aspect motivant des jugements moraux –, alors que l’autre n’a pas d’importance – disons l’aspect descriptif et objectif du langage moral –, mais ce n’est pas le cas. Comme le fait remarquer Michael Smith, nous avons généralement l’intuition que les jugements moraux et le langage moral supposent trois propriétés84 :

(1) Les jugements moraux de la forme de « il est bien que je X » expriment une croyance possédée par un agent à propos d’un fait objectif du monde, un fait à propos de ce qu’il est bien de faire pour lui.

(2) Si quelqu’un juge qu’il est bien de faire X alors, ceteris paribus, il est motivé à faire X.

(3) Un agent est motivé à agir d’une certaine façon dans le cas où il a un désir qui va dans ce sens et une croyance moyen-fin associée, où la croyance et le désir relèvent, dans les termes de Hume, d’une existence distincte.

Mais en fonction de ce que nous avons vu au sujet des forces et faiblesses du cognitivisme et du non-cognitivisme, si l’on adhère à la proposition (3) – soit la théorie

humienne de la motivation –, les propositions (1) et (2) relèvent en fait de deux théories contradictoires et opposées : le cognitivisme et le non-cognitivisme. Notre intuition de base semble donc nous mener à une contradiction et à une incohérence. C’est ce que Michael Smith appelle « le problème moral85 », et il faut chercher à le résoudre si l’on veut proposer une théorie métaéthique convaincante.

Le cognitivisme moral : deux thèses distinctes

J’ai présenté le cognitivisme moral comme étant la thèse soutenant que les jugements moraux relèvent de croyances qui peuvent être dites vraies ou fausses. Mais il faut en fait constater que le cognitivisme (et par opposition, le non-cognitivisme) implique deux thèses distinctes86 :

(1) Les états mentaux exprimés par les jugements moraux sont des croyances (plutôt que des états conatifs);

(2) Ces jugements peuvent être dits vrais ou faux.

Bien que les deux thèses soient liées, les deux n’en sont pas moins distinctes. Et cette distinction n’est pas sans importance. Elle est ce qui permet de cerner plus précisément l’aspect fondamental qui oppose les cognitivistes et les non-cognitivistes : soit l’opposition entre croyance et état conatif.

Lorsque l’on considère les conséquences du cognitivisme et du non-cognitivisme sur la valeur de vérité des jugements moraux, puis sur les constructions descriptives et logiques qu’il est possible de faire avec le langage moral, il ne s’agit pas de la question centrale, mais plutôt d’une question qui vient en second lieu. Celle-ci relève des conséquences des théories de la vérité ou du langage auxquelles l’on adhère. Plus précisément, cette question concerne les implications des théories de la vérité et du langage lorsqu’elles sont appliquées à l’opposition entre croyances et états conatifs.

85 Idem, pp. 11-13.

Par exemple, si l’on adhère à certaines conceptions minimalistes de la vérité, il est envisageable de considérer que les jugements moraux relèvent de l’expression d’états conatifs, tout en soutenant que ceux-ci peuvent tout de même être dits vrais ou faux. En

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