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3 Chapitre II : Progr` es technique biais´ e et impacts sur le march´ e du travail malaisien

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 22-26)

Le deuxi`eme chapitre, macro´economique et co-´ecrit avec Mohamed Ali Marouani, porte sur le progr`es technique biais´e et les politiques ´educatives en Malaisie. De nombreux pays ont connu des expansions importantes de leurs syst`emes ´educatifs, qui ont ´et´e accompagn´ees par une hausse continue du niveau de qualification des ´el`eves sortants du syst`eme scolaire. Ces augmentations ont ´egalement conduit `a ´elever la proportion d’individus sur le march´e du travail en possession de diplˆomes post-secondaires. Si, pendant ce temps, la demande de comp´etences des firmes ´etaient rest´ee la mˆeme, la th´eorie ´economique pr´edirait une baisse du salaire relatif des travailleurs qualifi´es par rapport `a celui des travailleurs non-qualifi´es. Or, empiriquement ce m´ecanisme n’est pas toujours observ´e. Aux Etats-Unis, la ”prime” des travailleurs qualifi´es a mˆeme augment´e pendant une p´eriode d’expansion des ´etudes universitaires. Bien que le d´ebat sur les origines de ce ph´enom`ene ne soit pas clos, plusieurs auteurs (Autor, Katz, and Krueger 1998) affirment qu’un progr`es technique biais´e envers les travailleurs qualifi´es devrait y participer. Notamment, les ´enormes progr`es de l’informatique, qui (au moins au d´ebut de l’`ere informatique) ´etaient r´eserv´es `a des m´etiers qualifi´es, ont permis aux travailleurs qualifi´es de voir leur productivit´e augmenter plus que proportionnellement `a celle des moins qualifi´es. Cette augmentation de la productivit´e aurait contrebalanc´e celle des

effectifs de travailleurs qualifi´es, permettant leurs salaires de croˆıtre plus vite malgr´e une offre de travail croissante. Nous explorons dans cet article ce m´ecanisme pour la Malaisie, un pays `a moyen revenu qui a connu une expansion importante de la part de travailleurs qualifi´es au cours des derni`eres d´ecennies.

En Malaisie, la proportion de travailleurs avec au plus un niveau d’´education primaire est pass´ee de 60% en 1990 `a 30% en 2010. Parall`element, celle des individus ayant une

´education post-secondaire est pass´ee d’environ 8% `a plus de 20% sur la mˆeme p´eriode.

Cette expansion a ´et´e voulue par le gouvernement malaisien, d´esireux de transformer sa force productive pour devenir une ´economie `a haut revenu. Le gouvernement table par ailleurs sur un taux d’inscription dans l’´education tertiaire de 40% de la cohorte pertinente en 2020.

Nous nous appuyons sur plusieurs sources de donn´ees. D’abord, pour faire un bilan de l’´evolution salariale en Malaisie, nous disposons de micro-donn´ees pour la p´eriode 1990 `a 2010. Cependant, les salaires ne sont connus que depuis 2007, et il est ainsi difficile de fournir une image des ´ecarts salariaux sur longue p´eriode. N´eanmoins, un graphique fournissant les niveaux de salaire par qualification pour les quatre ann´ees dont nous disposons, fait ´etat d’une stabilit´e importante des salaires relatifs, et des estimations de la litt´erature du rendement de l’´education ne font pas non plus ´etat d’une baisse significative de la prime des travailleurs qualifi´es. Ainsi, la baisse du salaire relatif des travailleurs qualifi´es, voulue par la loi de l’offre et de la demande, est ab-sente. Le ph´enom`ene du progr`es technique biais´e apparaˆıt ainsi comme une explication plausible dans le cas malaisien. Il est cependant important d’´ecarter d’autres origines potentielles—un changement structurel tir´e par une demande mondiale modifi´ee pourrait

´egalement ˆetre `a l’origine du ph´enom`ene. Pour examiner ceci, nous d´ecomposons la variation de la proportion de qualifi´es dans la force de travail en deux composantes :

∆S=Pi∆SiE¯i+PiS¯i∆Ei, o`uSi est la part de travail qualifi´e au niveau de l’industrie, etEi la part de l’emploi de chaque industrie dans l’emploi total. Les variables barr´ees font r´ef´erence `a des moyennes temporelles. Cette d´ecomposition permet ainsi de voir si la variation de la proportion agr´eg´ee est due `a une r´eallocation sectorielle du travail, ou si elle est au contraire le fruit d’une augmentation du travail qualifi´e au sein des secteurs. Il s’av`ere que c’est plutˆot la deuxi`eme explication qui est privil´egi´ee, car la composante intra-sectorielle explique 74% de la variation, contre 26% pour la composante inter-sectorielle. Le mˆeme r´esultat est trouv´e pour plusieurs agr´egations sectorielles.

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Suite `a cette analyse, nous introduisons un progr`es technique biais´e dans un mod`ele d’´equilibre g´en´eral calculable, appliqu´e `a la Malaisie et bas´e sur une matrice de compt-abilit´e sociale de 2005. Le mod`ele contient un bloc de migration, un salaire minimum, 23 secteurs d’activit´e et 20 facteurs de production (le capital, et des travailleurs de 19 niveaux et sp´ecialisations diff´erentes). A partir d’une estimation avec seulement 4 points dans le temps, nous obtenons un coefficient de biais du progr`es technique de 8%. Pour ne pas surestimer le progr`es technique biais´e, nous introduisons un biais de 4% dans le mod`ele. Le mod`ele est dynamique s´equentiel, avec une solution par ann´ee mod´elis´ee. Il comporte notamment un module ´educationnel s´epar´e, fournissant chaque ann´ee une demande d’´education par niveau et par sp´ecialit´e, fonction de salaires relatifs et de pr´ef´erences initiales. Les param`etres du mod`ele sont fix´es en fonction des valeurs d’´equilibre `a l’ann´ee de base (2005). Les ´elasticit´es sont estim´ees ou fix´ees `a des niveaux raisonnables au regard de la litt´erature. Le mod`ele comporte cinq bouclages, dont le plus important est le bouclage macro : la propension marginale `a ´epargner des m´enages est constante, cr´eant ainsi un investissement qui sera d´efini par la somme des ´epargnes disponibles de tous les agents dans l’´economie.

Nous effectuons deux types de simulations. D’abord, est envisag´e le contrefactuel d’un progr`es technique neutre. Le coefficient de biais du progr`es technique est ainsi r´eduit `a 1 (´equivalant `a 0% de biais). La deuxi`eme simulation fixe une limite sup´erieure au nombre de places dans l’´education tertiaire ´egale au nombre de places existantes en 2005. Ces deux simulations sont r´etrospectives, dans la mesure o`u elles sont appliqu´ees d`es 2005, avec des r´esultats contrefactuels analys´es jusqu’en 2020.

La premi`ere simulation d´efinit ainsi un progr`es technique neutre. Ceci n’implique pas que la productivit´e globale des facteurs est affect´ee, car celle-ci est fixe, d´ependant des taux de croissance sectoriels de la p´eriode. Les r´esultats montrent clairement l’avantage du progr`es technique biais´e pour les travailleurs qualifi´es : leurs salaires auraient moins crˆu en son absence (se situant `a un niveau 8.5% inf´erieur `a son niveau de r´ef´erence simul´e en 2020). Inversement, les salaires des travailleurs peu qualifi´es auraient connu une croissance plus importante. Ces constats font ´echo `a ceux concernant le chˆomage, o`u celui des peu qualifi´es auraient ´et´e moins important en l’absence de biais. La deuxi`eme simulation produit essentiellement l’effet inverse : en r´eduisant le nombre de travailleurs qualifi´es, leurs salaires auraient davantage augment´e, et leur chˆomage se serait davantage r´eduit. Ainsi, ces deux ph´enom`enes (progr`es technique biais´e et quotas de places dans l’enseignement sup´erieur) peuvent tous les deux ˆetre consid´er´es comme des rentes obtenues

par les travailleurs qualifi´es d´ej`a sur le march´e. Le fait que le gouvernement malaisien a choisi d’opter pour une politique deportes ouvertes concernant l’enseignement sup´erieur a contrecarr´e les effets du progr`es technique biais´e.

Dans une derni`ere section, nous examinons l’impact potentiel de ces simulations sur les in´egalit´es de salaire. Calculant un coefficient de Gini pour l’ann´ee 2010, et appliquant

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a travers une microsimulation les variations salariales donn´ees par le mod`ele aux salaires de l’enquˆete, nous pouvons comparer l’´evolution des in´egalit´es sur la p´eriode 2010-2020 sous les diff´erents sc´enarios. D’abord, le sc´enario de r´ef´erence fait ´etat d’une r´eduction des in´egalit´es. Ainsi, malgr´e le progr`es technique biais´e, l’augmentation du nombre de travailleurs qualifi´es, coupl´e `a l’introduction d’un salaire minimum en 2013, provoque une baisse du coefficient de Gini.

Table 1: R´esum´e d’indices de distribution

2010 LFS Ref. Sim. 1 Sim. 2 Sim. 3

SBTC, no rationing

No SBTC, no rationing

SBTC, rationing

NO SBTC, rationing

Coefficient de Gini 0.40743 0.3782 0.36686 0.39393 0.38078 Indice d’Atkinson 0.24532 0.2143 0.20306 0.23019 0.21683

p90/p10 6.415 5.66 5.458 6.133 5.695

p90/p50 2.52 2.399 2.301 2.559 2.425

Source: Calculs de l’auteur sur la base des r´esultats de la mod´elisation.

On voit cependant dans le tableau 1, qu’en l’absence de progr`es technique biais´e (Simulation 1), le coefficient de Gini aurait ´et´e encore inf´erieur de 1.1 points. Cette baisse est importante (l’indice de Gini ´evoluant g´en´eralement tr`es lentement), et avoisine la hausse de l’indice de la simulation 2, qui est de 1.5 points. La simulation 2, introduisant un rationnement du nombre de places dans l’´education sup´erieure, fait alors augmenter les in´egalit´es. Que les deux simulations contrefactuelles jouent en sens inverse est visible dans la derni`ere colonne, o`u l’indice de Gini est similaire `a celui obtenu dans le sc´enario de r´ef´erence.

Ainsi, le progr`es technique biais´e a un impact n´efaste sur l’´evolution des in´egalit´es salariales en Malaisie. Son ´evolution des derni`eres ann´ees a cependant ´et´e contrecarr´ee par la politique volontariste du gouvernement malaisien d’accroissement des dotations

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´educationnelles des travailleurs malaisiens. Dans ce chapitre, nous avons suppos´e que le biais du progr`es technique ´etait sans lien avec la productivit´e totale des facteurs, de mani`ere `a isoler l’impact du biais sur le march´e du travail. D’autres ´etudes pourraient envisager `a explorer le lien entre productivit´e totale des facteurs et progr`es technique biais´e de mani`ere plus approfondie.

4 Chapitre III : Externalit´ es occupationnelles de l’´ education des jeunes

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