2. La fusion, un processus sans réel impact sur les activités elles‐mêmes mais qui fonde sa
3.5. Des chantiers de subsidiarité et de simplification toujours en cours pour l’organisation
fusionnées
3.5.1. Perpétuer ou réinventer l’université ? Le rôle toujours en construction des structures de niveau intermédiaire
La mission a déjà abordé le choix fait par certaines des universités fusionnées de se doter de structures de niveau intermédiaire positionnées entre le niveau central et les composantes, chargées de réaliser une forme de coordination ou de régulation des activités de formation et/ou de recherche, voire des moyens qui leurs sont attribués. Aucune de ces structures intermédiaires ne semble aujourd’hui absolument installée ni pleinement reconnue dans un rôle stabilisé.
La première des fusions, Strasbourg, comptait près d’une quarantaine de composantes issues des trois anciens établissements, à la fin des années 2000. La fusion a conduit à la création de neuf collegiums à la rentrée 2009, avec la volonté initiale d’alléger le président stratège et la gouvernance centrale de questions pouvant être déléguées infra. Pourtant, le rôle assigné au collegium est d’emblée devenu celui d’une instance très souple, sans positionnement hiérarchique par rapport aux composantes et sans véritable délégation du centre, malgré des statuts très développés. Se maintient finalement un fonctionnement classique de l’université : les dialogues de gestion se déroulent entre la présidence (niveau 1) et les composantes (niveau 3) sans que le collegium n’intervienne. L’instauration d’un niveau intermédiaire qui n’est pas véritablement doté de missions décisionnelles explique certaines interrogations, au sein même de l’université, sur ses limites voire sur son utilité. Le fait que, dans certains cas, les responsables du collegium soient simultanément directeurs d’une des composantes ou unités de recherche brouille encore la répartition des rôles dans les deux niveaux de subsidiarité. Une reconfiguration est annoncée, peut être à l’occasion de la mise en place d’EUR. La question de l’adéquation entre champs de formation et contours des collegiums est en voie d’être repensée à la suite des recommandations du dernier rapport du HCERES :
« lever l’ambiguïté sur les collegiums ». En janvier 2019, le président de l’université de Strasbourg a ainsi annoncé « l’émergence des instituts thématiques interdisciplinaires, [pour] être encore plus dans la transversalité, l’interdisciplinarité, et surtout mieux réussir encore le couplage formation et recherche », qui était précisément un des rôles dévolus aux collegiums45.
Paradoxalement, cette difficulté de positionnement se rencontre également lorsque les universités ont mis en place des entités intermédiaires « fortes ». En Lorraine et à Bordeaux, elles disposent d’une structure administrative très légère et ces entités ne se saisissent pas toutes de leurs prérogatives statutaires, parfois faute de moyens. Ainsi, en Lorraine, le modèle de répartition des moyens de l’université, qui régit les attributions aux différents collegiums, définit de façon assez précise une norme de pré‐répartition, fondée notamment sur le nombre d’étudiants, qui limite d’autant l’utilisation véritable de la prérogative de répartition du collegium, qui a tendance à reproduire le modèle, sans en modifier les arbitrages. Certains collegiums ne semblent pas véritablement fonctionner et d’autres apparaissent sans grande valeur ajoutée.
À Bordeaux, l’université annonce une restructuration à venir des structures intermédiaires, à partir d’une
45 AEF, dépêche n° 599005 du 11 janvier 2019.
interrogation sur le bien‐fondé de la disjonction entre les systèmes intermédiaires formation et recherche.
Dans un document de mars 2016 sur le chantier de fusion bordelais, l’université identifie « de possibles risques de latéralisation » de certaines structures de niveau intermédiaire, la complexité de l’articulation niveau 1 et 2 mais également niveau 2 et 3 avec « une administration universitaire des niveaux 2 et 3 peu réorganisée et pas toujours bien pilotée ».
Cette interrogation sur les structures intermédiaires pose la question de savoir où est l’activité, où sont les initiatives, et à quel niveau est‐il le plus utile à l’université de maintenir ou de développer une animation politique. Les notions de centralisation, de décentralisation et de subsidiarité sont au cœur du débat : quelles activités sont véritablement « remontées » des composantes vers le niveau 1 ou vers la structure intermédiaire ? Quelles compétences sont véritablement déléguées de la présidence à la structure intermédiaire, voire aux composantes ? Des deux côtés, le mouvement se fait difficilement, et malgré un rôle parfois fort donné dans les statuts à ces structures intermédiaires (cf. annexe 3, partie 3.1, encadré 13 et tableaux 7 et 8), elles peinent à s’en emparer, ou bien il n’est en réalité pas totalement confié : soit parce qu’une présidence ne leur laisse pas véritablement de marge de manœuvre, soit parce que les composantes réinstallent un lien direct avec le niveau 1.
Ces questionnements résonnent dans la mise en place des EUR ou par la réflexion autour des NCU, qui ont des conséquences structurelles : rupture entre le premier cycle et le reste des activités de l’université, scission entre formation et recherche ou bien rassemblement des deux activités.
Chaque site est singulier, comme en attestent la variété de modèles choisis par les établissements, mais tous cherchent encore le point d’équilibre pour ces niveaux de structuration intermédiaire, entre deux extrêmes :
– « perpétuer » l’université, conforme à un modèle éprouvé, avec des universités omnidisciplinaires aux facultés fortes, qui peut se traduire par une forme de gouvernance très facultaire, et par conséquent éclatée, tant sur le plan stratégique qu’organisationnel ;
– « réinventer » l’université, mettre en place un nouveau modèle capable de répondre aux enjeux actuels, au risque de voir s’opérer un mouvement de balancier qui ramène, après un temps de restructuration, aux fonctionnements antérieurs.
3.5.2. Sur le plan administratif : vers une nouvelle étape de simplification des processus ?
La « bureaucratisation » de la fusion dénoncée, plus ou moins fortement à l’occasion des échanges avec la mission, conduit, dans les faits, à la réflexion voire à la mise en place de projets de simplification pour des raisons d’efficience et aussi de nécessité politique, pour regagner une agilité sans conteste perdue. La subsidiarité constitue d’ailleurs l’un des principes initiaux fondateurs de chaque projet de fusion. Il s’agit de simplifier, de décloisonner davantage entre structures (soutien et supports avec un appui réciproque renforcé) et de s’assurer plus systématiquement de l’opérationnalisation des décisions et des projets, comme à Bordeaux depuis 2017. Les projets de subsidiarité se font en particulier autour de la problématique des délégations aussi bien administratives que politiques. Si une première étape est nécessairement à conduire sur les premiers mois de l’année de fusion dans le cadre d’une reconfiguration des circuits de décision et des délégations de signatures associées, il apparaît indispensable de les repenser, après le temps de centralisation, pour retrouver de la fluidité et (re)donner de la confiance dans le système, en tenant compte aussi peut‐être davantage de la diversité initiale des communautés.
Cette nouvelle étape de simplification, vécue comme telle par le niveau central, n’est cependant là encore pas toujours vécue de la même manière par les structures et composantes, qui y voient, quant à elles, un nouveau changement dans leurs pratiques, tout en l’appelant, paradoxalement, de leurs vœux après une période de recentralisation, mal vécue. Pour certains acteurs, il s’agit surtout d’une indispensable
« déconcentration par embolie », devant l’incapacité du niveau central à gérer certaines missions, ce qu’il reconnaît difficilement et, parfois, sans réelle volonté de progression, avec des mesures qui peinent à se déployer pour réduire une rigidité réelle de fonctionnement.
La notion de temps apparaît de nouveau cruciale au plan administratif, dans chacun des établissements fusionnés, « pour une acceptation réciproque et réussie », avec « une culture de compréhension mutuelle et un centralisme d’efficacité et de stratégie avec une autonomie de subsidiarité et de confiance » pour
reprendre les termes du président de l’Unistra. La professionnalisation de cette nouvelle administration n’est pas, en outre, sans interroger au regard de la situation des universités non fusionnées, avec un écart en termes de préoccupation et d’actions, mais aussi des équipes dédiées à l’enseignement supérieur dans les rectorats en particulier.
Conclusion
Il n’est pas possible de mettre au jour un modèle type de fusion universitaire, un parangon de fusion idéale, que ce soit dans son organisation institutionnelle ou dans son organisation administrative. Chaque établissement, fort de son histoire et de sa culture, est particulier et a emprunté le chemin qui lui a paru le plus pertinent au regard de ses opportunités et contraintes. La fusion s’avère un processus long, fonctionnant par étapes incontournables, où la volonté politique et la détermination doivent faire adhérer la communauté en recherchant, autant que possible, le consensus, et en acceptant parfois certaines concessions pour permettre à la démarche globale d’aboutir.
Dans ce processus, la mission constate un lien fort avec les financements PIA, qui, souvent, fournissent l’occasion de la réorganisation et, systématiquement, apportent le financement nécessaire à la bonne marche du projet. Les évolutions constatées relèvent d’ailleurs fréquemment de ces financements plus que de l’opération de fusion en tant que telle. Globalement, dans un premier temps, les activités de formation et de recherche auront été peu affectées par la fusion elle‐même mais celle‐ci révèle fortement la différence observée depuis des années d'une recherche qui a le plus souvent un rôle moteur dans les mécanismes de transformation de l'université et la formation qui évolue plus lentement.
À l’occasion de ce qui relève d’une opération majeure de réorganisation, les universités concernées ont démontré une nouvelle fois leur capacité à gérer la complexité de leur structuration et de leur gouvernance et à élever le niveau de professionnalisation de leur gestion, croissant depuis le passage aux responsabilités et compétences élargies. Pour les universités fusionnées les plus anciennes, le résultat est patent, avec une capacité à se saisir, porter de grands projets, nationaux ou locaux, et à les soutenir, preuve s’il en est de la robustesse du modèle et de la dynamique d’ensemble ainsi créée.
Les fusions s’inscrivent dans un cadre stratégique étayé, pour un objectif principal de meilleures visibilité et lisibilité nationale et internationale qui veulent rompre avec les découpages disciplinaires institués depuis plus de quarante ans. La refondation de ces établissements est assurément réussie, elle ouvre de nouveaux horizons, de nouvelles ambitions et aussi de nouveaux enjeux.
Un des enjeux internes auxquels font face ces nouveaux grands ensembles demeure la stabilisation d’une organisation et d’une gouvernance adaptées et efficientes. La recherche de ce point d’équilibre, porteur notamment de davantage d’interdisciplinarité et de qualité de service, reste semée d’embûches ; comme dans un mouvement continu de balancier, les éléments d’organisation traditionnelle des universités, facultaires, reprennent souvent et petit à petit une place dans la marche de l’édifice. Peut‐on parler d’une forme de résilience ? Les changements viennent un temps bousculer l'équilibre établi et le système, par des effets de résistance, revient dans sa position initiale après avoir été légèrement perturbé. Or, le système traditionnel n’apparaît pas forcement le plus pertinent pour assurer pleinement le lien entre la formation et la recherche, si évident et pourtant encore trop insuffisamment développé, faute à la fois de structures adaptées (les UFR n’ont souvent plus de véritable rôle en matière de recherche) et d’instances d’évaluations qui trop encore les distinguent. Il connaît des limites criantes face à des établissements de cette taille qui demandent plus d’ouverture et de transversalité pour répondre aux objectifs qu’ils se fixent.
Pour ces nouveaux établissements, se posera, très tôt pour certains, la question de la transmission, à la fin des mandats des présidents pionniers, à de nouvelles équipes capables de piloter ces structures de taille importante, pour continuer un projet d’établissement à la hauteur de leurs ambitions.
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Liste des annexes
Annexe 1 : Présentation liminaire des établissements ... 39 Annexe 2 : La fusion, un long fleuve agité ... 43 Annexe 3 : La fusion, un changement d’échelle qui s’accompagne le plus souvent d’une réorganisation des composantes et de l’introduction de structures de niveau intermédiaire ... 64 Annexe 4 : La fusion, un processus structurant qui affecte peu les activités de l’établissement ... 80 Annexe 5 : la fusion, un processus politique qui affecte bien plus fortement l’organisation administrative de l’établissement ... 105 Annexe 6 : Liste des personnes rencontrées ... 129 Annexe 7 : Questionnaire ... 139 Annexe 8 : Évolution des composantes à Aix‐Marseille Université ... 147 Annexe 9 : Extrait du rapport IGF‐IGAENR n° 2017‐036 ... 149