2. La fusion, un processus sans réel impact sur les activités elles‐mêmes mais qui fonde sa
3.4. La fusion a pour conséquences une profonde transformation et une performance accrue de
3.4.3. Le changement d’échelle crée un écart entre le centre et les composantes, mal réglé par la création
3.4.3.1 Les relations avec les composantes internes sont complexes et sources de tensions
L’impact de l’opération de fusion ne se limite pas à l’administration centrale ; il peut être significatif, mais le plus souvent, dans un second temps (sauf en cas de fusions internes concomitantes de composantes), sur
un périmètre plus large, en lien précisément avec la réorganisation structurelle opérée à ce premier niveau et aussi en lien avec de nouvelles procédures de travail et de contrôle.
Alors que le processus de fusion conduit irrémédiablement à une recentralisation de certaines missions, tout au moins dans un premier temps, pour être déjà « seulement » capable de les conduire d’une façon acceptable au regard de la nouvelle taille de l’établissement, les relations avec les composantes internes se sont fréquemment tendues et complexifiées. Ces modifications, pourtant nécessaires, sont perçues comme compliquées par les acteurs des composantes de formation et de recherche, avec des procédures relevant d’une « technocratisation » jugée parfois exagérée sans ou même destructrice de valeur ajoutée, avec des volumes d’actes à traiter sans commune mesure avec la situation avant fusion, et cela malgré les volontés politiques initiales fortes de fluidité.
De telles situations ont pu même faire naître une certaine méfiance à l’égard du niveau central, par
« overdose méthodologique », avec une image interne abîmée, révélatrice de la pauvreté encore de la culture universitaire du contrôle interne qui reste globalement à diffuser ; cette culture est encore quasiment absente dans les composantes, aux portes desquelles elle s’arrête bien souvent.
Les changements de personnes de référence (tout au moins au début), de supérieurs hiérarchiques, de place dans la hiérarchie avec des procédures nouvelles dont il n’est pas toujours aisé de comprendre la pertinence au regard des pratiques antérieures sont générateurs de tensions, inévitables, voire de souffrance au travail reconnue par les acteurs, en central mais aussi en général, sur des périodes plus ou moins longues, pouvant aller jusqu’à trois années après la fusion. La fusion s’accompagne ainsi d’un réel coût humain : « c’est très dur six mois avant et douze mois après », avec des interventions en mode
« pompier » pour traiter l’urgent et l’opérationnel, sur une période encore « instable et anxiogène », peu de temps après un passage aux RCE (en même temps pour Strasbourg !). Cette tension, liée à l’intensification de la charge de travail du fait du changement de taille, est reconnue ; sa source n’est certainement pas que la fusion mais elle y participe fortement.
La tension reste palpable, plusieurs années après la fusion, du fait même de son intensité, qui a pu encore être accrue avec la mise en place progressive de nouvelles structures internes ou simplement avec la concaténation des anciennes conduisant à une multiplication difficile à gérer. L’effet masse pèse avec le changement d’échelle qui impose ou contraint à une réelle industrialisation, avec le risque de ne plus pouvoir tenir compte des spécificités et de distendre le lien, jugé en permanence précieux, entre la gouvernance administrative centrale et les structures de formation et de recherche. Cette industrialisation bouleverse les modes de travail, l’établissement ne pouvant se satisfaire d’outils « bricolés » en interne, pourtant jugés performants avant. Il impose une attention particulière aux risques psycho‐sociaux et l’accompagnement déjà soulevé.
Le lien entre l’administration centrale des établissements et les composantes risque d’être d’autant plus altéré si le choix retenu est précisément de protéger le plus possible ces dernières, avec un souci particulièrement présent dans les établissements, de respecter, voire même de porter leurs différences. Il l’est aussi lorsqu’il s’agit, dans le même esprit, de ne faire de la fusion, tout au moins dans un premier temps, qu’un exercice administratif du central, avec un partage volontairement limité des enjeux, pour éviter l’extension des difficultés, faciliter l’évolution sur le plan politique et, surtout peut‐être, assurer la stabilité et la continuité de l’activité de formation et de recherche (en maintenant aussi les moyens). Un tel choix, rencontré par la mission dans la plupart des sept universités, ne facilite pas la compréhension ni de la charge de travail à supporter ni de la disponibilité relative des services centraux. Il conduit, inéluctablement, à un repli du central sur lui‐même, par protection symétrique, à une certaine fermeture et de fait un éloignement.
3.4.3.2 Le changement d’échelle et la réorganisation de l’administration centrale créent un écart entre le centre et les composantes
L’évolution organisationnelle de l’administration centrale, pleinement liée à l’opération de fusion, présente aussi, le plus souvent, un impact fort en interne même à l’établissement fusionné ; il s’agit d’un « deuxième effet fusion », en creusant un écart manifeste avec des composantes, structures de formation et de recherche, déjà généralement moins fortement et directement touchées par la fusion (sauf fusions de composantes avec une réelle réorganisation administrative), voire protégées de cette évolution.
L’écart peut être géographique au regard de la taille et de la dispersion éventuelle du nouvel établissement fusionné ; il peut être surtout métier avec une hyper‐professionnalisation du niveau central face à un encadrement administratif limité d’éventuelles structures intermédiaires et une dégradation réelle de compétences au plus près du terrain. La dégradation peut aussi trouver son origine dans un turn‐over élevé (40 % des BIATSS à l’UFR sciences reconfigurée de l’AMU). L’écart est inéluctablement générateurs de difficultés dans le nécessaire dialogue permanent entre le niveau central, l’éventuelle structure intermédiaire et l’unité de formation et/ou de recherche, dans la compréhension des enjeux desquels les composantes peuvent se sentir plus ou moins éloignées mais aussi des méthodes nouvelles de travail qui ne peuvent qu’évoluer dans la mesure où il est difficile de garder un même lien aussi direct et ténu, toujours apprécié voire recherché, qu’avant fusion.
La perte de lien n’est parfois pas comprise, avec une anonymisation des contacts qui déshumanise la relation (et fait disparaître l’informel) ; elle l’est d’autant moins si la restructuration du niveau central favorise, en parallèle, une culture du silo faute d’une communication inter‐directions adéquate, favorisant un « jeu de ping‐pong » qui altère la qualité des échanges avec les composantes et est naturellement source de conflits : « les circuits courts ne marchent plus dans une grande machine, la force des liens faibles s’est distendue », comme l’indique un directeur de composante de l’UGA. Il en résulte une nouvelle maturité administrative particulièrement inégale.
À la recherche d’un nouvel équilibre entre le niveau central et le local, dans une logique matricielle, le développement et l’animation de réseaux métier en interne n’en sont que plus indispensables pour assurer réactivité et qualité de service.
3.4.3.3 Des structures administratives intermédiaires comme les plateformes administratives de campus peinent à répondre aux besoins de proximité
La mission a pu constater l’apport d’une autre réponse à cette évolution, plus structurelle via l’émergence de structures administratives intermédiaires ou de proximité43. Ces structures ont pu être réfléchies dès le projet administratif de fusion, en lien avec le projet politique (AMU et UB44), ou émergent postérieurement dans un souci de subsidiarité par étape / vague. Elles reposent sur l’idée d’une masse critique seule capable d’assurer le niveau de compétences nécessaire pour garantir le professionnalisme indispensable au fonctionnement des composantes ; elles ont vocation à contribuer, en cela, à la diffusion d’une culture administrative globale et générale, avec des gains d’efficacité à terme pour l’ensemble des acteurs.
Le bilan d’une telle innovation structurelle apparaît mitigé. À l’UB, l’organisation administrative, réfléchie sur trois niveaux dès l’origine (le niveau central, le niveau intermédiaire des campus, collèges et départements et celui des composantes UFR, instituts et écoles), a fait l’objet d’une double autoévaluation.
Le premier bilan tiré, un an après la fusion, en avril 2015, dans le but d’optimiser la mise en œuvre de l’organisation institutionnelle avait déjà soulevé la nécessité de renforcer la co‐construction des modes de fonctionnement et des procédures et favoriser les liens entre structures, pour accroître le décloisonnement et développer l’appui réciproque. En 2017, à l’occasion de la préparation des élections, l’établissement bordelais a lui‐même considéré que certaines plateformes administratives de campus étaient en difficulté (hétérogénéité de fonctionnement, d'expertise, de compétences...) et n’avaient pas fait la preuve de leur bon fonctionnement. Elles sont désormais supprimées, alors que les fonctions de soutien en proximité des structures académiques sont toujours considérées comme insuffisantes. L’université de Strasbourg a également retenu une organisation par pôle géographique mutualisé géré par le niveau central, sur la base du volontariat des composantes, sans pression mais dans une dynamique d’incitation et sans forcément reprise de postes pour faciliter la mise en place (les deux tiers y adhèrent). Si ces structures administratives intermédiaires apparaissent porteuses de valeur ajoutée, les pôles financiers créés en 2011 pour vingt composantes ne semblent, aux dires des acteurs, jamais acquis et font toujours l’objet de continuelles interrogations (faute peut‐être de contrats de services formalisés). Dans le domaine de l’immobilier, l’organisation immobilière et logistique reste délicate à mettre en place encore maintenant et bute également sur le fonctionnement facultaire.
43 Pour plus de précisions, voir annexe 5, partie 6.
44 L’UM entend également promouvoir, dans son projet administratif de fusion, des antennes de proximité, notamment pour les
services communs, afin de garantir un service adapté au plus proche des usagers.
De telles difficultés attestent de la complexité de l’articulation politique et administrative entre niveaux, évoluant à des vitesses différentes avec des qualifications et positionnements hétérogènes ; elle démontre la nécessité d’un renforcement de l’administration décentralisée et de mise en place de contrats de services entre les pôles administratifs et composantes, avec l’accompagnement adéquat tenant compte des spécificités, ce qui a manifestement manqué à l’UB. Plus généralement et au‐delà des deux exemples cités, le maintien d’un grand nombre d’UFR dans un établissement d’aussi grande taille continue de susciter le débat ; s’il est politiquement pleinement assumé pour reconnaître la richesse de la diversité, il peut être source de difficultés sur le plan administratif. La mise en place de structures administratives intermédiaires reste globalement à interroger au regard des missions confiées, celles provenant du central et celles revendiquées par les composantes à leur niveau dans un souci de valeur ajoutée (en évitant de reconstituer des universités internes par site), du timing de leur mise en place pour faciliter leur implantation, des moyens alloués et des compétences requises pour diffuser une réelle culture de gestion.