• Aucun résultat trouvé

Les changements climatiques au sein des organisations des droits de la personne

Au cœur de la communauté internationale, la CCNUCC est un des instruments les plus largement ratifié. Cette quasi-universalité est partagée par les deux Pactes internationaux, soit le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels85 (ci-après PIDESC), ratifié par 164 États Parties et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques86 (ci- après PIDCP), ratifié par 168 États Parties. Du côté des instruments régionaux, on parle principale la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales87 (ci-après CSDH) mieux connue comme la Convention européenne des droits de l'homme, ratifiée par les 47 États Membres du Conseil de l'Europe88; la Convention américaine relative

aux droits de l'homme89(ci-après CARDH), qui est ratifiée par 25 des 35 États Parties de l'Organisation des États Américains (ci-après OÉA); et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples90, est ratifiée par 53 États Parties de l'Organisation de l'unité africaine (ci-après OUA). L'étendue de ces ratifications est importante, car elle souligne l'universalité de certains des droits humains énoncés au sein de ces instruments91.

84 Pour cette section, nous avons consulté l'ensemble des rapports du Conseil des droits de l'homme afin d'en

relever les mentions sur l'environnement et sur les changements climatiques.

85 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966, 993 RTNU 3, (entrée

en vigueur: 3 janvier 1976) [PIDESC].

86 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, 999 RTNU 9, (entrée en vigueur: 23

mars 1976) [PIDCP].

87 Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales telle qu’amendée par les

Protocoles no. 11 et no. 14, 4 novembre 1950, (entrée en vigueur: 3 septembre 1953) [CSDH].

88 LE CONSEIL DE L’EUROPE, « Le Conseil de l’Europe en bref », Qui sommes-nous, en ligne : <http

://www.coe.int/fr/web/about-us/who-we-are> (consulté le 27 juillet 2015).

89 Convention américaine relative aux droits de l’homme, 22 novembre 1969, (entrée en vigueur: 18 juillet 1978)

[CARDH].

90 Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, 27 juin 1981, (entrée en vigueur: 21 octobre 1986)

[CADHP].

91 Voir le tableau de l'Annexe III pour une meilleure visualisation de la ratification des instruments de protection

Les organisations de mise en œuvre de ces instruments ont, pour la plupart, des mécanismes décisionnels, dont certains ont la capacité de prendre des décisions contraignantes à l'égard de leurs membres. C'est le cas notamment pour la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après CEDH), de la Cour interaméricaine des droits de l'homme (ci- après CIDH) et de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après CADH). Il est à noter que l'OÉA et l'OUA ont aussi des commissions des droits de l'homme mais que les décisions de ces dernières n'ont pas force de loi. Sous l'effigie du Haut-commissariat aux droits de l'homme, la mise en œuvre du PIDCP est prise en charge par le Comité des droits de l'homme (CDH) alors que celle du PIDESC l'est par le CDESC.

Dans la première section, nous commenterons la reconnaissance, au sein de la communauté internationale, du lien entre les droits de la personne et les changements climatiques ainsi que les droits humains reconnus comme étant touchés par les perturbations climatiques. Dans la seconde, nous examinerons les décisions et travaux des organisations internationales et régionales de protection des droits de la personne pertinents en matière de changement climatique.

Chapitre 1 : Le Conseil des droits de l'homme, les institutions régionales de

droits de la personne et l'environnement

92

Les changements climatiques sont une préoccupation humaine observable, autant au niveau politique, scientifique et légal. Malgré le fort consensus scientifique existant, la presse a longtemps nourri une partialité au profit du déni des changements climatiques en permettant une couverture médiatique proportionnelle entre de soi-disant « experts » niant la nature anthropique du réchauffement planétaire (ou en niant catégoriquement ce dernier) et les réels scientifiques du climat, soumis à une évaluation par les pairs93. Cette

surreprésentation des climato-sceptiques au sein des médias semble avoir contribué à l'embrouillement de la science et du moins partiellement, à l'inertie réglementaire au niveau international.

Les effets des changements climatiques sont de plus en plus étudiés94 et l'évolution de

la technologie permet désormais une prévision plus réaliste des conséquences de ce réchauffement. La détection et l'attribution, un domaine d'étude consistant en la démonstration de changements climatiques selon certains critères statistiques définis et l'établissement des causes probables des changements détectés95, connait encore plusieurs

92 À noter que plusieurs des paragraphe s de cette section ont été rédigés dans le cours DRT6500 Méthodologie

en droit et que leur réutilisation a été approuvée par la professeure Kamelia Kolli ainsi que par notre directrice de maîtrise, Mme Hélène Trudeau.

93 Maxwell T BOYKOFF et Jules M BOYKOFF, « Balance as bias : global warming and the US prestige press », (2014)

14-2 Glob. Environ. Change 125 à 136. À lire aussi sur la campagne de désinformation de l'industrie pétrolière : James HOGGAN, Climate cover-up : The Crusade to Deny Global Warming, Vancouver, Greystone Books, 2009 et N. ORESKES et E. M. CONWAY, préc., note 12.

94 Selon le dernier rapport du GIEC, le nombre de publications scientifiques sur l'impact des changements

climatiques a plus que doublé entre 2005 et 2010,supra, note 6, 4.

95 GROUPE DEXPERTS INTERGOUVERNEMENTAL SUR LÉVOLUTION DU CLIMAT, 2007 : Résumé à l’intention des décideurs.

Contribution du Groupe de travail I au quatrième Rapport d’évaluation., Cambridge, Royaume-Uni, Cambridge

limitations en terme d'attribution : « For some events, attribution studies show that climate change has increased the risk of occurrence, but for others there is a decrease in risk or no change [..] there are also cases where it is not possible to assess the climate change signal due to model limitations or a lack of observational data96. » La science ne permet

malheureusement pas encore de démontrer, hors de tout doute, la responsabilité des émissions anthropiques pour tous les évènements climatiques ou de dessiner une corrélation infaillible entre les émissions d'un pays X et les catastrophes climatiques dans un pays Y. Toutefois, les niveaux de certitude dégagés par les experts du GIEC sont amplement suffisants pour passer à l'action et l'argument longtemps utilisé par plusieurs quant à l'incertitude de la science du climat est désormais caduc puisqu'il est basé sur : « a misconception about scientific method. The assumption is sometimes made that science can deliver absolute (100 %) certainty in causal relationships97. » Compte tenu des effets connus des changements

climatiques sur les systèmes humains et de la vulnérabilité de nombreuses populations aux désastres climatiques, l'inaction est décriée comme leur condamnation. La reconnaissance, en droit international, du lien entre les changements climatiques et les droits de la personne, s'est accélérée depuis les années 2000 et nous possédons désormais des listes de droits que la communauté internationale, notamment le HCDH, a reconnus comme étant touchés par les changements climatiques.

Un aperçu historique de nombreux instruments internationaux illustre la relative nouveauté de ce concept au sein du système international. L'intérêt pour la question se perçoit toutefois au sein de certaines lois nationales parfois même des lois à caractère constitutionnel, du droit à un environnement de qualité. En dépeignant l'évolution de l'intérêt de la communauté internationale pour cette question, soit la reconnaissance au sein des organes

96 Rachel JAMES, Friederike OTTO, Hannah PARKER, Emily BOYD, Rosalind CORNFORTH, Daniel MITCHELL et Myles ALLEN,

« Characterizing loss and damage from climate change », (2014) 4-11 Nat. Clim. Change 938–939, 939.

pertinents de l'Organisation des Nations Unies (ci-après ONU) des effets des changements climatiques sur les droits humains, il est possible de faire des liens entre l'évolution rapide de la science avec la rhétorique au sein des organisations de défense des droits de la personne.

Après avoir procédé au survol historique de l'évolution du lien entre droits humains et environnement, nous procèderons ensuite à une analyse des droits humains touchés par les changements climatiques en relatant les nombreux instruments de droit international des droits de l'Homme pertinents.

Section i): La reconnaissance scientifique du lien entre les changements climatiques et les