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Chapitre 2:  Ubiquitination

IV. C. Différentes chaînes d’ubiquitine

La variété des fonctions biologiques déclenchées par le signal d’ubiquitination s’explique notamment par la diversité des chaînes d’ubiquitination générées (Fig.10).

♦ La polyubiquitination par des chaînes d’ubiquitine liées en Lys48 (chaînes K48) est le type d’ubiquitination le plus répandu. Elle a pour principale conséquence la dégradation des protéines par le protéasome 26S (Pickart 1997). Le protéasome 26S est un multi-complexe de 2,5 MDa, composé d’un sous-complexe, le protéasome 20S, qui possède l’activité catalytique

et un ou deux autres sous-complexes identiques, le protéasome 19S, capables de lier les protéines polyubiquitinées. Ainsi, les composants du complexe protéasome 19S, notamment les protéines Rpn1 et Rpn2, reconnaissent le substrat, le lient et le déplient pour l’envoyer au complexe 20S, où les chaînes d’ubiquitine sont dépolymérisées et recyclées, et les protéines dégradées (Inobe and Matouschek 2014). Il est maintenant bien décrit que les composants du protéasome et ses protéines adaptatrices se lient de préférence les chaînes d’ubiquitine K48 et donc les substrats sur lesquels ces chaînes sont fixées (Young, Deveraux et al. 1998, Elsasser, Gali et al. 2002). Plus rarement, d'autres conséquences que la dégradation par le protéasome ont été identifiées pour les protéines polyubiquitinées par des chaînes K48. Ainsi, lors de cassures double-brin de l'ADN (DSBs ou Double-Strand Breaks), il a été montré que la E3 ligase RNF8 induit la polyubiquitination par des chaînes K48 de substrats au niveau des DSBs. Ceux-ci sont alors reconnus par le complexe de protéines p97-UFD1-NPL4, qui possède des motifs de liaison à l'ubiquitine spécifiques des chaînes K48. Ce complexe est ainsi recruté au niveau des DSBs, où il peut activer la réparation de l'ADN, en régulant notamment RAD51 (Meerang, Ritz et al. 2011). Les chaînes K48 peuvent donc avoir un rôle de reconnaissance par d’autres protéines, sans obligatoirement envoyer la protéine substrat au protéasome.

♦ Les chaînes K63 ont généralement des conséquences autres que la dégradation par le protéasome et peuvent intervenir dans des fonctions très variées, comme par exemple la réparation de l’ADN, la transduction du signal, l’endocytose ou la dégradation des protéines

par le lysosome (Passmore and Barford 2004). La

polyubiquitination des histones H2A et H2AX en K63 par la E3 ubiquitine ligase RNF8 est par exemple cruciale pour le recrutement de complexes de réparation à l’ADN, tel que BRCA1 (Breast Cancer 1) (Yan and Jetten 2008). Les chaînes K63 jouent également un rôle capital dans l’endocytose des protéines et leur dégradation par la voie des lysosomes. Les lysosomes sont des organites présents dans le cytoplasme, contenant notamment des protéases capables de digérer le contenu d'endosomes ou de phago-endosomes avec lesquels ils fusionnent. Pour que les protéines soient dégradées par cette voie, il faut donc qu'elles soient endocytées (c’est le cas par exemple pour les récepteurs membranaires) ou inclus dans un phagosome (Ciechanover 2005). Il a par exemple été montré que la E3 ligase virale K3 entraîne la polyubiquitination des molécules MHC de classe I en K63. La protéine adaptatrice d'internalisation Epsin1, qui possède des domaines de liaison à l'ubiquitine UIM (Ubiquitin Interacting Motif) (cf. Chapitre 2/ V.) ayant une affinité accrue avec les chaînes d'ubiquitine

K63, va ainsi reconnaître les molécules MHC de classe I polyubiquitinées en K63 et induire leur endocytose et leur dégradation (Duncan, Piper et al. 2006). Il a été montré que le récepteur à l'EGFR était aussi dégradé par cette voie grâce à sa polyubiquitination en K63 (Huang, Kirkpatrick et al. 2006). Ces dégradations de protéines sont donc dépendantes de protéines responsables de l’endocytose, telles que les protéines Epsin1 ou Eps15, qui possèdent des domaines de liaison à l’ubiquitine UIM ayant une affinité particulière avec les chaînes K63 (Tanno and Komada 2013). Néanmoins, il a été montré que d’autres types d’ubiquitination, incluant la monoubiquitination et la polyubiquitination par des chaînes K11 sont aussi impliquées dans la dégradation lysosomale de protéines (Xu, Duong et al. 2009).

♦ Les chaînes K11 ont également été décrites comme étant impliquées dans la dégradation de protéines impliquées dans le cycle cellulaire (Jin, Williamson et al. 2008). En effet, la E3 ligase APC/C (Anaphase Promoting Complex)contrôle la progression au cours du cycle cellulaire en polyubiquitinant en K11 plusieurs protéines du cycle cellulaire, telles que la cycline B1 ou E2F1, ce qui conduit à leur dégradation par le protéasome (Budhavarapu, White et al. 2012).

♦ D’autres types de chaînes de polyubiquitine en K6, K27, K29 ou K33 ont été décrites mais leur rôle reste à ce jour peu ou pas connu (Sadowski, Suryadinata et al. 2012).

♦ Il faut également noter l'existence de chaînes mixtes de polyubiquitine. Dans ce type d'ubiquitination, des protéines sont modifiées par des chaînes de polyubiquitine où les peptides d’ubiquitine se fixent entre eux sur plusieurs résidus lysines différents. Ces chaînes sont appelées mixtes ou branchées. Par exemple, la E3 ligase Ring1B catalyse sa propre polyubiquitination par des chaînes d'ubiquitine mixtes sur des résidus lysines K6, K27 et K48. Cette polyubiquitination en chaîne mixte est nécessaire à son activité ligase, elle lui permet notamment de monoubiquitiner les histones H2A (Ben-Saadon, Zaaroor et al. 2006).

♦ Enfin, plus récemment, un autre type d’ubiquitination a été découvert. Il s’agit de la formation de chaînes d’ubiquitine linéaires, dans laquelle les chaînes d’ubiquitine sont fixées entre le résidu méthionine N-terminal d’une molécule d’ubiquitine et le résidu glycine C-terminal d’une autre molécule d’ubiquitine (Walczak, Iwai et al. 2012). Ces chaînes linéaires d’ubiquitine sont générées par le complexe E3 ubiquitine ligase LUBAC (Linear Ubiquitin Chain Assembly Complex), composé de 3 protéines, HOIL-1 (Heme-Oxidized IRP2 ubiquitin Ligase-1), HOIP (HOIL Interacting Protein) et SHARPIN (Shank Associated RH Domain

Interacting Protein). Ce complexe permet d'inhiber l'apoptose induite par TNF-α en activant NFκB. En effet, après stimulation au TNF-α, LUBAC conjugue des chaînes d'ubiquitine linéaires à NEMO, la sous-unité régulatrice d'IKK, et induit son activation (Haas, Emmerich et al. 2009).