• Aucun résultat trouvé

Chapitre I. La dispersion des ressources et des lieux

Chapitre 4. La division spatiale des activités économiques

4.3 La différenciation spatiale des logiques économiques

4.3.2 Les centres de production

Les centres de production se définissent comme des lieux ou des petites aires de concentration des activités manufacturières. À l’échelle mondiale, les principaux centres de production font apparaître deux catégories territoriales. Il y a d’abord des grandes zones relâches ou « urban regions » (Scott, 2001) qui s’étalent autour des très grands centres urbains. Et il y existe aussi des « districts industriels » très souvent décentrés (Markussen, 2000), qui sont en réalité des zones denses en entreprises généralement localisées en contexte non métropolitain.

Au Québec, les villes de Québec, Trois-Rivières et Montréal représentent les principaux centres historiques de production industrielle. Même si l’industrialisation a fortement favorisé Montréal au XIXème siècle, elle s’est aussi dispersée sur le territoire en fonction de la structure québécoise de peuplement. Dans la période post- industrielle que nous vivons actuellement, la production industrielle s’est-elle redéployée ?

Pour répondre à cette question précisons d’abord qu’en matière de production, de nombreuses petites unités manufacturières, plutôt artisanales, existaient jadis en régions périphériques afin de satisfaire les besoins locaux. L’urbanisation et son corollaire, l’accroissement des marchés, avaient, en effet, favorisé l’apparition de petites fabriques à marché local ou régional, en particulier dans les secteurs de l’alimentation, de l’habillement, de la fabrication mécanique, de l’habitation.

À la faveur de l’intégration sectorielle plus récente reliée largement à l’intensification capitalistique dans les moyens de production et aux exigences des donneurs

d’ordres, de nombreuses petites usines furent rachetées ou durent fermer leurs portes au profit des plus grosses. Dans ce processus d’augmentation de la taille par consolidation, les territoires périphériques ont largement perdu leurs petites unités de production.

En réalité, de nombreuses manufactures ont quitté les territoires périphériques au profit des territoires centraux ou métropolitains offrant des marchés plus importants. Ces nouvelles unités consolidées distribuent désormais leurs produits dans les régions périphériques grâce au système routier nettement amélioré. Il semble en effet que la réduction de la distance par la construction d’infrastructures de transport reliant désormais très bien les périphéries éloignées a davantage éliminé la contrainte à l’importation que celle à l’exportation étant donné les différences de volume à transporter.

Le mouvement bien visible de concentration spatiale de la production connaît présentement une phase d’accélération, notamment dans l’agroalimentaire. Ainsi, les abattoirs, les boulangeries, les laiteries, les fromageries et fabriques diverses sont de plus en plus rares en territoires périphériques. Appuyées par des normes gouvernementales qui s’inspirent de principes d’hygiène ou de salubrité, ces unités de production ont dû fermer leurs portes et suivre la route de l’intégration sectorielle déjà empruntée par les meuneries, les confiseries, les ateliers de meubles et de textile. En fait, nous avons assisté à l’effritement de la classe de petits producteurs industriels localisés sur les divers territoires périphériques du Québec. Le capital financier, cumulé jadis à l’échelle locale, est désormais largement réinvesti dans les unités industrielles de dimensions nationales, par l’entremise de la bourse.

Par ailleurs, certains spécialistes constatent qu’à l’image des métropoles américaines au cours des dernières décennies, la principale concentration québécoise de la production, Montréal, se déconcentre dans le vaste territoire métropolitain. Ce faisant, elle alimente alors inégalement des centres industriels plus ou moins importants tels que Ville Saint-Laurent, Boucherville, Repentigny, Lavaltrie, Blainville, etc.

Cette déconcentration industrielle profite aussi à plusieurs villes de la deuxième couronne entourant ce grand centre urbain, notamment au sud-est du Saint-Laurent.

80 Soulignons aussi qu’à Trois-Rivières, l’aire industrielle de Bécancour semble jouer ce rôle de pôle industriel en zone péri-urbaine alors que dans la frange urbaine de Québec, Montmagny et Donnacona tirent certains bénéfices de la déconcentration industrielle. Ce redéploiement industriel ne semble toutefois pas profiter aux pôles régionaux de développement tels que Sherbrooke, Trois-Rivières, Rimouski, Chicoutimi.

Notre analyse de la concentration spatiale de la production déconcentrée hors des grands centres urbains nous amène par ailleurs à souligner la présence de nouvelles concentrations d’activités manufacturières dans la région sud-est du Québec, entre Montréal et Québec. On reconnaît ici plusieurs territoires de MRC situés dans les régions de la Montérégie, des Cantons-de-l’Est, de la Beauce et des Bois-Francs. Les centres de production de cette zone rassemblent de plus en plus les opérations de transformation des matières premières provenant en partie des régions périphériques ainsi que les manufactures qui ne veulent plus se localiser dans les grands centres urbains.

Dans les faits, le centre géographique du Québec situé relativement près de la frontière américaine profite de sa position optimale pour produire non seulement pour le marché québécois mais aussi pour celui du sud, soit les États-Unis. Magog, Granby, Victoriaville, Sherbrooke, Saint-Jean-sur-le-Richelieu, Drummondville, Saint- Georges, Thetford Mines, etc., représentent, avec leurs satellites (Warwick, Princeville, Waterloo, etc.) localisés dans leur zone d’influence, de nouvelles concentrations importantes de production pendant que plusieurs agglomérations plus petites telles que Lac Mégantic, Bromptonville, Montmagny, Beauceville, Waterloo, Saint-Joseph, Acton Vale et autres attirent plusieurs unités de production.

Dans un tel contexte de nouvelles concentrations relativement dispersées de la production, l’analyse de ce territoire configuré tel un « croissant manufacturier » à cheval sur les Appalaches entre les Basses Laurentides et Montmagny en passant par l’ouest de Montréal et le sud de Québec, devient pertinente puisque celui-ci polarise fortement les nouveaux emplois industriels du Québec contemporain. D’autant plus que la croissance des exportations québécoises vers les États-Unis au cours des années 1990 (Proulx, P.P., 2002) à la faveur du libre-échange et d’un taux de change favorable, a favorisé l’industrialisation de cette zone de production.

Une plus grande attention et une meilleure connaissance de ces centres manufacturiers dynamiques, de leurs interdépendances et de leurs complémentarités dans un contexte de concurrence nous permettraient de déduire des priorités en matière d’aménagement et d’organisation globale de ce vaste système territorial de production (STP). Il se pourrait alors qu’une meilleure analyse de ce croissant manufacturier conduise les pouvoirs publics à cibler des mesures visant à y augmenter encore la croissance et à diffuser les effets de celle-ci vers les territoires limitrophes, notamment Rivière-du-Loup, Saguenay, Bécancour, Basse-Mauricie, Joliette. Les résultats actuels de la recherche sur les « districts industriels » pourraient à cet égard nous alimenter de mesures potentielles.

Documents relatifs