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au centre de la politique de la terre et du territoire (1820-1930)

Chapitre 4

Construction de la municipalité

et reconfiguration des structures de propriété au XIXe siècle

Les trois premières décennies du XIXe siècle sont une période de culmination des transformations politiques, territoriales et foncières amorcées à partir des années 1750. Cette période est notamment jalonnée par la proclamation de la Constitution de Cadix – promulguée en 1812 dans le contexte de la dislocation du régime absolutiste et de l’invasion française de la péninsule ibérique –, puis par la proclamation de l’indépendance du Mexique, en 1821. Outre le fait qu’elle établissait une monarchie parlementaire, la constitution de 1812 abolissait les droits seigneuriaux sur l’ensemble des territoires d’un Etat dont les principes juridiques étaient unifiés de part et d’autre de l’océan, et portait donc dissolution des servitudes auxquelles étaient soumis les pueblos d’Indiens intégrés au Marquisat del Valle. Surtout, la constitution de Cadix supprimait le régime particulier de droit que les Lois des Indes avaient établi pour les colonies, notamment en termes de différenciation juridique de deux systèmes de gouvernement local, celui des républiques d’Indiens et celui des chapitres (cabildos) d’Espagnols. En substitution de ces instances, elle instaurait la création de municipalités à l’échelle des localités comptant au moins 1000 habitants1, dont le gouvernement devait être assuré par un conseil ou chapitre, élu au suffrage universel indirect, selon des principes intégrant l’ensemble de la population masculine, indépendamment de son origine ethnique.

La nouvelle de la promulgation de la constitution de Cadix a provoqué une vague de formation de municipalités en Nouvelle-Espagne2. Dans les régions où la trame territoriale était définie par les délégations de terre que la Couronne espagnole avait faites aux pueblos d’Indiens, elle a notamment été saisie par des localités mineures, qui étaient jusqu’alors demeurées assujetties à des chefs-lieux de république, mais qui satisfaisaient aux conditionnalités démographiques posées par la loi, pour former des gouvernements indépendants (Guardino, 2007 ; Mendoza García, 2011 : 59-72). Ce fut probablement le cas de Catemaco qui, entre 1813 et 1814, semble s’être émancipé de la tutelle de San Andrés, reproduisant une histoire qui avait vu un siècle plus tôt le centre économique de la région se séparer de la villa de Santiago. Bien qu’aucune source ne permette d’en situer la date avec précision, cette séparation fut reconnue effective dès la formation de l’Etat de Veracruz, dans le cadre de la nation indépendante, en 1824.

La remise à plat des organisations et des hiérarchies territoriales dans le cadre de la rupture avec l’ordre colonial a par ailleurs confirmé la reconnaissance administrative des Tuxtlas en tant qu’ensemble régional et la prééminence politique de San Andrés sur cette région. En 1825, le Congrès du nouvel Etat de Veracruz – au sein duquel siégeait Manuel Antonio de la Cabada, l’une de

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De façon significative, cette disposition de la nouvelle constitution venait d’une initiative de l’un des députés américains de l’assemblée constituante, Miguel Ramos Arizpe, représentant de Coahuila au titre des provinces internes de la Nouvelle-Espagne.

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Entre 1812 et 1820, les conseils de gouvernement local ou “chapitres” passent ainsi d’une centaine à près de 1 000 sur le territoire de la Nouvelle-Espagne, avec une densité particulière dans les régions indiennes. Sur ce point, voir entre autres Annino (2002), Arrioja (2008), Serrano & Ortiz (ed., 2007) et Salinas (1996).

familles les plus influentes du commerce de San Andrés3 –, ratifia l’érection du canton des Tuxtlas sur le territoire de l’ancienne alcaldía mayor, et en attribua le chef-lieu à San Andrés. Six mois plus tard, l’ensemble du dispositif administratif, et en particulier le tribunal de première instance, fut déplacé à San Andrés, qui n’était encore qu’un pueblo de rang inférieur à la villa de Santiago4. Cette décision provoqua l’acrimonie et les vives protestations des autorités de l’ancien siège administratif du Marquisat de Cortés, qui demandèrent le rattachement de leur municipe au canton de Veracruz, au motif qu’« il leur serait irrévérencieux de devenir subalterne à un pueblo qui le fut [d’eux-mêmes] » (Medel, 1993, T. I : 181). En dépit de ces arguments, le congrès provincial écarta le recours de Santiago et le bourg se trouva définitivement relégué dans la hiérarchie territoriale du nouvel Etat5. La création des municipalités a représenté un changement institutionnel majeur dans l’organisation des rapports politiques internes à la Nouvelle-Espagne puis au Mexique. Elle a conduit à la formation d’entités politiques autonomes, dotées d’une capacité à produire leur propres régulations, notamment en termes de droits de participation politique et de fiscalité locale. Les municipalités étaient ainsi habilitées à lever des taxes, dites arbitrios (sur les marchés, sur l’introduction de certains produits, comme les alcools, sur l’abattage d’animaux, etc.) et à percevoir des loyers, appelés propios, sur leurs propriétés. Ces délégations larges de compétences sont intervenues dans un contexte national marqué par la situation d’anarchie provoquée par la longue révolution d’indépendance (1810-1821), qui favorisa la fragmentation des espaces politiques, ainsi qu’une restauration durable des formes autonomes de gouvernement local auxquelles les réformes de la monarchie bourbonienne s’étaient attaquées durant les cinquante années précédentes (Tutino, 2002 : 37-42).

L’une des bases de cette autonomie et un fondement du pouvoir politique des municipalités résidait aussi dans leur pouvoir militaire. Celui-ci a été entretenu au cours du demi-siècle qui a suivi l’indépendance par une instabilité politique chronique, qui vit le pays subir deux invasions militaires étrangères (par les Etats-Unis en 1847-48, puis par un corps expéditionnaire français, venu soutenir l’aventure impériale de Maximilien de Habsbourg, entre 1863 et 1867) et être continuellement secoué par les luttes armées entre factions politiques rivales, entre libéraux et conservateurs, fédéralistes et centralisateurs. Les municipalités maintenaient des compagnies armées de Gardes Nationales, dont les cadres étaient formés par des membres de l’élite locale, mais aussi, parfois, par de jeunes indiens recherchant, à travers la carrière des armes, un statut qui leur permettrait de court-circuiter les dispositifs traditionnels d’accès séquentiel au pouvoir communautaire (Mallon, 1995 ; Ducey, 1999 ; Thompson & LaFrance, 1999).

Dans ce contexte d’instabilité politique, qui voyait les instances de gouvernement provinciales (les gouverneurs et les parlements des Etats de la Fédération) et nationales régulièrement mises en question et en opposition par les factions belligérantes, les municipalités ont constitué l’organisation la plus stable et la plus influente au regard des dynamiques socio-politiques et institutionnelles (Mallon, 1994 ; Escobar & Gordillo, 1999 ; Ducey, 2008). Dans ce cadre de la consolidation précaire et de remise en question récurrente de l’Etat-Nation, elles ont constitué le cadre privilégié de construction d’une notion de citoyenneté qui s’éloignait du modèle forgé par la Révolution française (Annino, 2002). À l’image des régimes de droit qui prévalaient dans les pueblos d’Indiens, la communauté locale est demeurée l’instance de délégation de droits politiques. La constitution de Cadix elle-même ne s’appuyait pas sur les notions de contribuable ou de propriétaire pour nourrir le concept de citoyenneté, mais sur le statut de résident (vecino) : posséder un foyer et une famille et

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Manuel Antonio de la Cabada faisait office à cette époque de magistrat du tribunal de première instance de San Andrés. En 1826, il fut élu au sénat de la République (Medel, 1993, T. I : 179).

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Le Congrès de l’Etat de Veracruz n’octroiera à San Andrés le rang de villa, conforme à son statut de chef-lieu cantonal, qu’en 1830, cinq ans après le transfert de l’autorité administrative (Medel, 1993, T. I : 186-188).

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En 1830, Santiago perdra de surcroît la tutelle sur la congrégation de Saltabarranca, située en bordure des terres inondables jouxtant la limite avec Tlacotalpan et qui faisait l’objet de disputes entre les deux juridictions depuis le milieu du XVIIIe siècle (chapitre 3). Bien qu’elle ne compte alors que 873 habitants, cette localité obtient le statut de municipe et est rattachée au canton de Veracruz (Iglesias, 1831, in Blázquez, 1986, T. I. : 254).

Le temps de la municipalité

« par dessus toute autre condition, jouir du respect de la communauté d’appartenance parce que l’on a “un mode de vie honnête” » constituaient le fondement des droits de participation politique (Ibid. : 212). Les “juntes électorales” instituées au cours des années 1810 et 1820 dans le cadre de la municipalité ou de la paroisse avaient notamment le pouvoir constitutionnel absolu de vérifier et valider les obligations que les citoyens-électeurs devaient remplir. La communauté et le territoire communal sont ainsi devenus, au cours des premières décennies de vie indépendante, les espaces où se définissaient les droits constitutionnels des individus.

Ce chapitre s’intéresse aux processus de construction des municipalités tuxtlèques et à la façon dont elles ont exercé les prérogatives qui leur étaient allouées par la constitution de Cadix et celle de la nouvelle nation mexicaine. Il s’attache plus spécifiquement aux mécanismes par lesquels les municipalités se sont dotées de fonds de terres propres, destinés à leur permettre de générer des ressources fiscales, mais aussi d’asseoir et de consolider un pouvoir qui reposait sur l’assignation clientéliste de droits d’accès et de culture à leurs ressortissants. À partir du milieu du XIXesiècle, ces prérogatives municipales ont fait l’objet d’attaques systématiques de la part de l’Etat central, qui visaient à réduire l’autonomie des organisations politiques locales et portaient plus particulièrement sur les formes de propriété foncière corporative exercées par les communautés et les municipalités. Nous nous intéresserons à la façon dont les tentatives de réforme légale de l’Etat mexicain dans le champ foncier ont fait l’objet de stratégies de négociation, évitement, appropriation et instrumentation dans le contexte local, dans le cadre de luttes entre différentes factions politiques pour le contrôle du pouvoir municipal et le contrôle de la force de travail paysanne.

Ces processus sont analysés dans ce chapitre en référence plus spécifique à la situation de San Andrés Tuxtla, qui a constitué, au long du XIXe siècle, comme à la fin de la période coloniale, le centre de gravité économique et politique de la région. Municipe le plus densément peuplé de tout le Sotavento, siège d’une élite commerçante et agraire dont le pouvoir disposait de relais politiques au niveau de l’Etat de Veracruz et dans la représentation législative nationale, San Andrés représente un cas d’étude qui éclaire les trajectoires d’intégration des sociétés rurales mexicaines à un projet de Nation libérale. Ce projet a constitué la grande œuvre que les libéraux mexicains ont tenté d’imposer au long du XIXe siècle, à travers l’abolition des formes de propriété corporative et l’instauration d’un régime foncier de droit privé, dont il était attendu qu’il soutiendrait la diffusion d’un modèle de citoyenneté individuelle, à caractère universel, qui supplanterait les formes locales d’appartenance collective fondant l’exercice pratique des droits politiques. Ce projet a été au cœur des enjeux de construction et de reconfiguration des institutions municipales à San Andrés au long du XIXe siècle.

La fusion des sphères de gouvernement politique et foncier : la construction de la municipalité et de la propriété communale

Bref panorama économique et démographique au lendemain de l’indépendance La mise en place et l’institutionnalisation des chapitres municipaux dans les trois principaux bourgs des Tuxtlas a dû se faire dans un contexte particulièrement difficile. À la différence des régions voisines du centre de Veracruz ou du Moyen-Papaloapan, les Tuxtlas, situés sur la marge des principaux axes d’échange et de circulation, ont peu été affectés par les actions militaires mettant aux prises les guérillas indépendantistes et les troupes royales. Les élites locales, fidèles à la Couronne, ont conservé la maîtrise des corps de miliciens espagnols et pardos et ont assuré avec efficacité la protection de leurs intérêts matériels vis-à-vis des factions rivales6. Avec la proclamation

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En 1815, José Antonio et Domingo Antonio Riveroll, membres de l’une des principales familles commerçantes de San Andrés – et l’un des plus influentes au long du XIXe siècle, voir infra – figuraient ainsi parmi les officiers de la milice royale qui protégeait le bourg (Medel, 1993, T. I : 153, 159).

d’indépendance, la position loyaliste des élites tuxtlèque semble avoir peu affecté leur capacité d’influence dans le nouveau contexte politique, comme l’indique l’élection de Manuel Antonio de la Cabada, l’un des appuis les plus solides de la municipalité de San Andrés, au Congrès constituant de l’Etat de Veracruz, en 1824, puis sa nomination au Sénat de la république, à partir de 1826.

Il n’en est pas allé de même de la situation économique. La révolution d’indépendance a particulièrement affecté les centres textiles situés sur la route entre Mexico et Veracruz, et notamment les filatures de Puebla, Tlaxcala et Orizaba, cette place étant l’objet de plusieurs sièges et de combats violents entre 1815 et 1820. Les interruptions des routes commerciales et la destruction des fabriques industrielles ont considérablement affecté le système de traite cotonnière qui fonctionnait dans l’ensemble du Sotavento depuis la fin du XVIIe siècle. Elles ont notamment conduit à une baisse considérable des prêts privés et à l’effondrement total des crédits ecclésiastiques depuis la place de Puebla, entre 1816 et 1820 (Thompson, 1989 : 96 ; Dobado et al., 2008 : 768). Après les guerres napoléoniennes, la contrebande textile a atteint un niveau sans précédent, anéantissant toute possibilité de restauration industrielle. Ce n’est qu’à partir des années 1830, avec l’adoption de mesures protectionnistes et le rétablissement d’une certaine capacité de surveillance des côtes que les centres textiles ont pu entamer leur redressement (voir la deuxième partie de ce chapitre). En 1830, la production de coton des plaines côtières du Veracruz ne représente plus guère que le cinquième du volume qu’elle avait atteint à la fin du XVIIIe siècle (Chávez Orozco & Florescano, 1965 : 83). Dans sa “statistique” de l’Etat de Veracruz élaborée en 1831, José María Iglesias indique que « la production de cotons […], depuis de nombreuses années est réduite à une part minime de ce qu’elle était auparavant. L’introduction de tissus étrangers en a réduit notablement les produits » (Iglesias, 1986 [1831] : 241). Dans les Tuxtlas, la production agricole marchande se réduit alors principalement à la canne à sucre cultivée dans 15 petites plantations à San Andrés et 45 à Santiago, dont les dérivés alimentent neuf distilleries artisanales implantées dans les trois bourgs de la région, auxquelles s’ajoutent six autres unités qui opèrent dans le chapelet de rancherias qui s’égrainent en bordure des voies navigables (Ibid.). C’est là également que se trouve le principal capital productif de la région, dans les troupeaux bovins – 7 700 têtes de bétail selon les calculs d’Iglesias – appartenant aux membres de l’élite locale et aux cofradías de la Vierge du Carmel et du Très Saint Sacrement, qui comptent chacune plus de 1 300 bovins.

La population totale du canton s’élève alors à 18 800 habitants environ, soit un accroissement de 25% au regard de celle qui avait été recensée un quart de siècle plus tôt. Elle reste concentrée dans les deux principaux bourgs, San Andrés (8 014 habitants) et Santiago (5 650 habitants). Mais outre Catemaco (1 090 habitants), la quarantaine de congrégations et rancherías qui se sont formées au cours du XVIIIe siècle comptent plus de 4 000 résidents et révèlent le glissement du centre de gravité démographique qui opère dans la région en direction des espaces où des formes de tenure foncière individuelle sont en cours de construction (chapitre 3). Cette tendance s’est sans doute renforcée au cours des années 1830, après qu’une épidémie de choléra a décimé près de 3 000 personnes à San Andrés, soit près de 40% des habitants du bourg (Medel, 1993, T. I : 188-191). En 1844, la population cumulée du chef-lieu de canton et de Santiago, 12 359 personnes au total, accuse encore les stigmates de cette épidémie et demeure inférieure d’un dixième à sa taille antérieure à l’épidémie (Blázquez, 1986, T. I : 413).

C’est dans ce contexte économique et démographique adverse que se construisent les structures et les institutions politiques locales qui accompagnent la formation des municipalités tuxtlèques. L’un des principaux défis que sont alors amenés à relever les chapitres (cabildos) municipaux réside dans la constitution de ressources budgétaires stables et suffisantes pour maintenir une administration publique. Lors de la visite d’Iglesias, en 1831, le revenu total annuel de la municipalité de San Andrés s’élève à 800 pesos et celui de Santiago ne dépasse pas 600 pesos (cit : 114-115). Ces chiffres sont à comparer avec les revenus cinq à sept fois plus élevés que génèrent les confréries religieuses : 4 300 pesos pour la cofradía du Carmel de Catemaco en cette même année 1831 (Ibid.), 3 875 pesos pour celle du Très Saint Sacrement, cinq ans plus tard (Archives Paroissiales de San Andrés Tuxtla, Libro de

Le temps de la municipalité

Cordilleras, vol. 3). Comme le souligne Iglesias, « aussi bien le chef-lieu de San Andrés que les pueblos qui forment ce canton manquent de fonds légal [de terre] et […] le duc de Monte-Leone est reconnu comme l’unique propriétaire [des] terrains » (Ibid. : 116). La constitution d’un fonds de terres propre, leur permettant de générer des rentes foncières susceptibles d’alimenter leur trésorerie représente alors une contrainte urgente et incontournable pour les municipalités. La décision du gouvernement fédéral, en 1833, de déclarer propriété de l’Etat les terres dites “de conquête”, celles que la Couronne espagnole avait allouées en seigneurie ou en majorat aux conquérants et à leurs descendants, va leur fournir les moyens de pallier cette contrainte.

La constitution et la gestion du “commun municipal” : l’intégration des institutions foncières à l’organisation de la traite cotonnière La constitution nationale de 1824 avait déjà confirmé les dispositions des lois de Cadix portant abolition des droits seigneuriaux et des redevances qui leur étaient associées dans les colonies espagnoles. Le décret d’expropriation de 1833 conduisit Giuseppe Pignatelli d'Aragon, duc de Terranova et Monteleone et héritier de la famille Cortés, à désigner Lucas Alamán, un industriel textile et l’une des figures les plus influentes du parti conservateur mexicain, pour le représenter légalement et procéder à la vente des biens mobiliers et immobiliers qui composaient le patrimoine du Marquisat del Valle. Alamán déposa un recours légal auprès de la Cour Suprême qui lui procura les délais nécessaires pour mener à bien ce mandat. En septembre 1837, Alamán vendit l’ensemble des terrains de la juridiction des Tuxtlas au Colonel Luis Ruiz, un propriétaire terrien et négociant d’Alvarado, qui possédait notamment une égreneuse de coton à vapeur dans ce port, et avec lequel Alamán était probablement lié en affaires dans le commerce du coton. Ruiz avait été député du département d’Acayucan dans la première législature de l’Etat de Veracruz, en 1824, où il avait siégé en compagnie de Manuel de la Cabada. Sa proximité avec les négociants impliqués dans la traite cotonnière et sa maîtrise des réseaux politiques régionaux le plaçaient dans une position idéale pour tirer le meilleur parti des terres dont il venait de faire l’acquisition. Au cours de l’année suivante, Ruiz passa plusieurs accords avec des particuliers et les gouvernements des municipes tuxtlèques pour leur transférer la plus grande partie de ces terrains.

La première opération de démembrement de l’ancienne propriété seigneuriale eut lieu en juin 1839, lorsque Ruiz rétrocéda pour 250 pesos à Joseph Oulliver7 une surface « d’un site de bétail » (1 667 ha), située aux lieux-dits de Cebollal et Nexteta, sur les hauteurs qui jouxtaient la ville de San Andrés (figure 4.1). La vente correspondait à un projet de création d’une fabrique textile pour mettre à profit, à la fois, le bassin de production de matière première constitué par l’environnement rural immédiat, et la force motrice fournie par les chutes d’eau du río Tajalate. Dans le cadre de cette opération, Oulliver s’engageait à céder « par écriture qu’il fera en temps opportun à la compagnie de filature et de tissage de San Andrés Tuxtla qui va s’installer sur une partie de ces terrains, le lieu et la chute d’eau où sera édifié l’établissement qui devra pouvoir jouir en tout temps du libre et total usage de l’eau »8. L’acte de vente précisait en outre que :

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