• Aucun résultat trouvé

III. Composition et organisation de la paroi primaire

IV.1. Cellulosomes et Xylanosomes

Plusieurs auteurs avancent que les cellulosomes sont plus efficaces que les systèmes d’enzymes libres dans la dégradation des parois végétales (Demain et al., 2005). Il est possible que les pressions de sélection qu’impose un environnement anaérobie aient conduit à la formation des cellulosomes bien que la nature de ces forces évolutives reste encore inconnue.

-Composition

Les cellulosomes sont constitués d’une protéine fibrillaire (la « scaffolding » protéine) avec des masses (sous-unités enzymatiques) disposées périodiquement le long des fibrilles (Madkour and Mayer, 2003). La protéine non-enzymatique « scaffolding » ou scaffoldine contient des sites de liaison (les cohésines) pour les sous-unités cellulosomiques (Bayer et al., 1994). Ces sous-unités possèdent différentes fonctions et contiennent invariablement un site de liaison à la cohésine, la dockerine (Bayer et al., 1994) (Figure 24). L’interaction cohésine/dockerine est un facteur important dans l’assemblage du cellulosome (Tokatlidis et

al., 1991). L’interaction entre ces deux unités est spécifique de 4 acides aminés de la

dockerine (Mechaly et al., 2000). La majorité des scaffoldines contiennent entre 6 et 9 cohésines qui peuvent lier jusqu’à 26 enzymes cellulosomiques différentes. Ainsi, les grandes possibilités de combinaisons d’enzymes liées à la scaffoldine offrent un nombre important de

La guerre aux portes de la plante cellulosomes différents au sein d’un seul microorganisme (Doi et al., 2003). Cette diversité de cellulosomes est augmentée par le fait que certaines espèces bactériennes, comme Acetivibrio

cellulolyticus possèdent plusieurs scaffoldines (Xu et al., 2003b; Xu et al., 2004a; Xu et al.,

2004b). Cette hétérogénéité dans la population des cellulosomes va permettre à la bactérie une meilleure adaptation aux différents types de parois végétales rencontrées dans l’environnement et ainsi une activité de dégradation accrue.

-Liaison à la surface cellulaire bactérienne

La plupart des scaffoldines contiennent un segment, le module SLH (surface layer homology) ou domaine SLH qui est habituellement présent chez la majorité des SLPs (surface layer protein) (Rincon et al., 2003; Rincon et al., 2004). Les domaines SLH permettraient l’ancrage des protéines à la paroi bactérienne (Figure 24) et pourraient se lier au peptidoglycane.

-Liaison à la paroi végétale

De manière opposée, un autre élément des scaffoldines permet la liaison à la paroi végétale. En effet, chaque scaffoldine contient également un domaine de liaison à la cellulose (CBD, cellulose-binding domain) ou module de liaison à un carbohydrate (CBM, carbohydrate- binding module) (Boraston et al., 2004) (Figure 24). Les CBMs ont été classés en 59 familles d’après leurs séquences (Cantarel et al., 2009). Des études structurelles et biochimiques divisent ces modules en 3 classes selon le type de saccharide qu’ils vont reconnaître (Boraston

et al., 2004). Les parois végétales sont hétérogènes et sont composées d’une grande variété de

polysaccharides qui interagissent entre eux. Ainsi en plus de la liaison à la cellulose, les cellulosomes ciblent d’autres molécules pour permettre aux composants catalytiques du complexe enzymatique d’être mis à proximité de leurs substrats spécifiques. En effet plusieurs enzymes cellulosomiques possèdent des CBMs spécifiques de la cellulose, du xyloglucane, du xylane ou encore de la pectine.

-Les enzymes cellulosomiques

On compte parmi les enzymes cellulosomiques des cellulases, des hémicellulases, des pectinases, des chitinases et plusieurs autres enzymes auxiliaires capables de dégrader la paroi

La guerre aux portes de la plante

32 végétale. Chez C. thermocellum, 26 enzymes ont pu être identifiées (Bayer et al., 1998). Plusieurs de ces enzymes agissent de concert pour faciliter la dégradation des polymères principaux tels que les xylanes ou les mannanes par exemple.

-La régulation de l’expression des gènes cellulosomiques

Des études microscopiques pionnières ont montré la présence de protubérances qui

contiennent des polycellulosomes (Lamed et al., 1983) qui ne sont observables que lorsque les cellules poussent en présence de cellulose (Blair and Anderson, 1999). En présence de cellulose, 4 heures sont nécessaires à la formation de ces protubérances chez Clostridium

cellulovorans. L’ajout de sucres solubles tels que le glucose, le cellobiose ou le methylglucose

ne permet pas la formation des polycellulosomes et est responsable d’une dissociation rapide des protubérances. De plus, il est intéressant de noter que la présence d’un carbohydrate spécifique comme le glucose, le cellobiose, le xylane, le mannane ou la pectine dans le milieu de croissance influence directement la composition et l’activité enzymatique des sous-unités des cellulosomes (Ali et al., 1995; Han et al., 2003a). Chez C. cellulovorans, au niveau transcriptionnel, l’ajout de ces mêmes substrats va induire l’expression de la majorité des gènes cellulosomiques. En revanche, l’ajout de divers monosaccharides conduit à des niveaux faibles ou modérés de l’expression de ces mêmes gènes (Han et al., 2003b).

-Les xylanosomes

Les xylanes, composés d'un squelette de résidus de D-xylose unis en β-(1,4) et de plusieurs

types de substitutions (Cf. Figure 23, glucuronoarabinoxylane), représentent le groupe de polysaccharides non cellulosique majeur au sein des parois végétales (Dodd and Cann, 2009). La production de xylanases est une stratégie très largement répandue chez un grand nombre de microorganismes pour permettre une dégradation efficace du xylane (Kulkarni et al., 1999; Sunna and Antranikian, 1997). Précédemment, nous avons pu voir que plusieurs bactéries anaérobies cellulolytiques sont capables de produire des cellulosomes (Schwarz, 2001). De la même manière, chez quelques bactéries plusieurs types de xylanases sont organisés en structures multifonctionnelles, les xylanosomes. Ces complexes jouent un rôle très important dans la dégradation de l’hémicellulose (Sunna and Antranikian, 1997). Le premier xylanosome a été identifié chez Butyrivibrio fibrisolvens H17c. Il est composé de 11 protéines

La guerre aux portes de la plante distinctes possédant une activité xylanase et 3 protéines ayant une activité endoglucanase, le complexe ayant une masse de plus de 669 kDa (Lin and Thomson, 1991).

-Cellulosomes et bioénergie

La société fait actuellement face à des problèmes énergétiques sans précédents et de grande envergure. Il est aujourd’hui nécessaire de développer des énergies renouvelables et alternatives afin de palier aux futures carences en énergie fossile. Cela requiert le développement de combinaisons de processus basés sur des substrats renouvelables.

Actuellement, chaque année, 1011 tonnes de biomasse végétale, comprenant principalement

les parois végétales, sont dégradées par les microorganismes et l’énergie produite par ce processus correspondrait à plusieurs centaines de milliards de barils de pétrole (Boudet et al., 2003; Ragauskas et al., 2006). Cependant, l’hydrolyse des polysaccharides reste l’étape limitante de la conversion de la lignocellulose en carburant. Cela nécessite le développement de systèmes enzymatiques très efficaces. Le cellulosome peut être décrit comme une des nanomachines naturelles les plus élaborées. Leur découverte a mis en lumière la nécessité d’un bloc enzymatique afin de surmonter l’hydolyse complexe des parois végétales. De plus, à l’heure de la génétique, les cellulosomes de bactéries telles que C. thermocellum peuvent être modifiés afin d’augmenter leur capacité à synthétiser de l’éthanol à partir de lignocellulose. Une stratégie alternative intéressante consiste à synthétiser génétiquement des cellulosomes qui seraient introduits chez des microorganismes qui sont capables de transformer par fermentation des sucres simples en molécules d’intérêt industriel tel que le butanol mais qui n’ont pas d’appareils endogènes de dégradation de la paroi végétale (Mingardon et al., 2005; Perret et al., 2004a; Perret et al., 2004b).

La guerre aux portes de la plante

34

IV.2. Les enzymes de dégradation de la paroi végétale chez les bactéries