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Chapitre 1 : Introduction

1.4 Cellules cibles

Comme mentionné précédemment, le VIH et le VIS ciblent principalement les cellules exprimant la molécule de surface CD4, regroupant les cellules de la lignée myéloïde et lymphoïde.

1.4.1 Cellules de la lignée myéloïde

La lignée myéloïde regroupe différents types cellulaires. Parmi lesquels, les cellules dendritiques (DCs), les macrophages et les monocytes exprimant la molécule de surface CD4 sont les cibles du virus [104].

Les DCs constituent une des premières cibles du virus lors de l’infection mucosale. Elles véhiculent le VIH jusqu’au niveau des organes lymphoïdes secondaires, où elles interagissent avec les lymphocytes T CD4 (LT CD4). Durant cette migration, les DCs immatures subissent une étape de maturation permettant la présentation antigénique et la transmission efficace du virus. La transmission du virus par les DCs s’effectue de deux façons, par une trans-infection ou par une cis-infection. Lors de la trans-infection, il s’effectue une synapse infectieuse entre les deux types cellulaires via la DC-SIGN (Dendritic Cell-Specific Intercellular adhesion molecule-3-Grabbing Non-integrin), facilitant la transmission directe du virus. La transmission virale peut s’effectuer par la cis-infection, au cours de laquelle, les nouveaux virus produits par les DCs sont transmis aux LT CD4 à leur surface. Avec ce mode de transmission, les DCs peuvent produire du virus à long terme [105].

La réplication virale au sein des DCs est moins productive, comparée à celle dans les LT CD4. Une étude effectuée sur les cellules myéloïdes montre que seulement 1 à 3 % des DCs sont capables de produire du virus in vitro. La fréquence de l’infection des DCs est 10 à 100 fois moins que celle des LT CD4 [106].

15 Les monocytes et les macrophages font partie des cibles du virus durant la primo-infection. Au niveau du cerveau, elles sont infectées au bout d’une semaine d’inoculation [81]. Les monocytes circulant peuvent être infectés de façon latente et une infection productive peut être initiée durant leur différenciation en macrophage [107, 108]. La demi-vie de l’ADN viral dans les monocytes et les macrophages est beaucoup plus longue que celle dans les LT CD4 quiescents, suggérant leur importance dans la dissémination virale [109].

1.4.2 Cellules de la lignée lymphoïde

Les LT CD4 jouent un rôle central dans l’orchestration de la réponse immune adaptative. Ils sont parmi les cibles précoces du virus au cours de l’infection. Ils constituent les sites majeurs de réplication et de dissémination virale [110]. Les LT CD4 ont une capacité plus élevée de production virale comparés aux cellules de la lignée myéloïde [106]. Il a été montré que la CV plasmatique durant la primo-infection à VIH corrèle avec la fréquence des infections productives des lymphocytes T au niveau des organes lymphoïdes [111].

Parallèlement à l’infection des LT CD4, on note leur déplétion qui peut être observée précocement dans le sang périphérique et au niveau des tissus profonds comme la muqueuse intestinale, bien que l’infection directe des cellules ne soit pas le seul facteur qui y est impliqué. La mort cellulaire programmée ou apoptose induite ou non par l’activation du récepteur FAS/CD95 constitue une des principales cause de la déplétion des LT CD4 [112-115]. C’est un processus physiologique d’autodestruction cellulaire qui peut être dérégulé par le virus au niveau de différentes sous-populations cellulaires [116]. Elle pourrait constituer également un système de défense de l’organisme pour éliminer les cellules infectées [74]. L’apoptose peut toucher d’autres types cellulaires infectés ou non par le VIH, comme les cellules de l’immunité innée à savoir les monocytes, les DCs et les polynucléaires neutrophiles [33, 117, 118]. Au stade terminal de l’infection à VIH, on observe un effondrement des LT CD4 correspondant au déficit immunitaire [119-121].

1.4.2.1 Différenciation des lymphocytes T CD4

Les LT CD4 se développent à partir des thymocytes qui ont achevé le processus de maturation au niveau du thymus. Les cellules matures dites naïves quittent le thymus, au stade G0 (au repos) du cycle cellulaire. Elles suivent la circulation sanguine et lymphatique à la recherche d’antigène spécifique. Elles expriment fortement le « homing receptor » CD62L et le récepteur aux chimiokines CCR7 (C-C chemokine receptor type 7),

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permettant leur migration au niveau des organes lymphoïdes secondaires, où s’effectue la présentation antigénique [122].

Suite à la présentation antigénique, les cellules naïves se différencient au cours du temps en centrale mémoire (TCM), effectrice mémoire (TEM) et différenciée terminale (TDT). Ces populations lymphocytaires sont identifiées sur la base de l’expression de différentes molécules de surface. Les cellules naïves et les TDT expriment la molécule CD45RA, contrairement aux cellules mémoires. À la différence des cellules naïves et des TCM qui expriment la molécule CD62L, les cellules TEM n’expriment ni CCR7 ni CD62L, ce qui leur permet de s’accumuler dans les tissus périphériques, où elles peuvent agir immédiatement en présence d’antigène. Comme les TCM expriment fortement le CCR7, elles se trouvent principalement dans la zone T des organes lymphoïdes secondaires, où elles sont prêtes à proliférer et à se différencier en TEM en réponse à une stimulation antigénique [122, 123].

En pratique, ces différents marqueurs de surface sont utilisés pour différencier les sous-populations lymphocytaires par cytométrie en flux. Cependant, il existe une sous-population lymphocytaire T CD4 appelée Tfh (T follicular helper), qui exprime fortement les molécules de surface PD1 (programmed cell death 1) et CXCR5 (chemokine C-X-C motif receptor 5) (Figure 7). Le CXCR5 est un récepteur pour la chimiokine CXCL13 (C-X-C motif chemokine 13). Son expression permet la migration cellulaire dans la zone folliculaire B des organes lymphoïdes secondaires et la formation de centres germinatifs (GC) [124-127]. Les cellules Tfh sont des cellules particulières car elles fournissent de l’aide aux lymphocytes B. Elles secrètent une quantité abondante d’IL-21 qui est nécessaire à la différenciation et la prolifération des cellules B, ainsi que pour la commutation de classe et l’hypermutation somatique des immunoglobulines [128]. Tout cela permet de générer des plasmocytes et des cellules B mémoires producteurs d’anticorps de haute affinité [125]. Les cellules Tfh sont également caractérisées par une forte expression d’ICOS (inducible co-stimulator) et de BCL- 6 (B-Cell Lymphoma 6). L’ICOS est un corécepteur puissant induit au niveau des cellules T activées. Sa stimulation permet l’inactivation du facteur de transcription FOXO-1 (Forkhead box protein O1), qui est un régulateur négatif de la BCL-6. L’activation du facteur de transcription BCL-6 permet à son tour la différenciation des cellules T activées en Tfh et au développement du GC [129-131]. Le maintien des cellules Tfh au sein des GC et leur différenciation terminale nécessitent la stimulation via le ligand ICOSL par les lymphocytes B [132] (Figure 8). D’autres facteurs de transcription peuvent inhiber la différenciation des lymphocytes T activés en Tfh, comme le facteur de transcription KLF2 (Krüppel-like Factor 2) qui induit l’expression du facteur de transcription Blimp-1 (B lymphocyte-induced maturation protein-1) qui est un répresseur de BCL-6 [133].

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Figure modifiée à partir de [123]

Figure 9 : Interaction entre Tfh et cellule B au niveau du centre germinatif

Figure tirée de Nutt et al., 2011 [134]

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1.4.2.2 Infection des sous-populations LT CD4

Parmi les LT CD4, les lymphocytes mémoires sont les cibles préférentielles du VIH et constituent les principaux réservoirs viraux [135-137]. Comparés aux cellules naïves, ils expriment fortement la molécule CCR5, ce qui les rend beaucoup plus susceptibles à l’infection [138-140].

Comme les lymphocytes mémoires sont composés de différentes sous-populations, des études effectuées au niveau du sang périphérique montrent que la population TCM est celle qui présente le taux le plus élevé d’ADN viral [37, 141]. Etant donné que les lymphocytes du sang périphérique ne représentent que 2% de tous les lymphocytes, la dynamique cellulaire observée dans le sang ne reflète pas toujours ce qui se passe réellement dans les organes profonds.

Au sein des tissus lymphoïdes périphériques et profonds, une perte importante des LT CD4 mémoires est observée durant la primo-infection et surtout au moment du pic de la CV plasmatique [37]. Comme ces cellules mémoires sont constituées par différentes sous-populations, quelques études se sont focalisées sur l’infection des différentes sous-populations lymphocytaires T CD4.

Une étude réalisée par Xu Y et al chez des macaques a montré que les cellules Tfh au niveau des ganglions sont infectées au même niveau que les cellules mémoires non Tfh durant les phases aigües et chroniques de l’infection. Dans cette étude, les niveaux d’expression de PD-1 et de CD127 ont été utilisés pour séparer les différentes sous-populations mémoires [142]. Une étude publiée par Perreau M et al, utilisant les marqueurs CXCR5, PD1 et BCL-6, a montré qu’au niveau des ganglions de patients en phase chronique d’infection, les cellules Tfh sont les sous-populations les plus infectées comparativement aux autres cellules mémoires [143]; ce qui pourrait favoriser leurs dysfonctionnements au cours de l’infection à VIH.

À côté des cellules mémoires, les cellules naïves constituent une proportion considérable de LT CD4 [37]. Il a été montré que même les LT CD4 naïves peuvent être infectées par le virus et intégrer l’ADN viral [141, 144]. Différemment des cellules mémoires, leurs chromatines sont moins décompactées, limitant l’intégration de l’ADN viral [145].

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