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3.2 Exemple de la reconstitution de la dynamique du bassin à une étape-clé : évolution sé-

3.2.2 Ce qu’il faut savoir sur les foraminifères benthiques

Les macro foraminifères benthiques sont des importants producteurs de sédiments marins peu pro-fonds des environnements tropicaux carbonatés modernes et anciens (Beavington-Penney et Racey, 2004) et notamment des calcaires de Guara (Molina et al., 1988 ; Huyghe, 2010). La distribution des espèces est liée à l’environnement, la profondeur d’eau, la relation symbiotique entre les foraminifères et les algues photosynthétiques, les stratégies de reproduction, ou encore la morphologie (Beavington-Penney et Racey, 2004).

Dans un premier temps, le contenu en foraminifères benthiques de la plateforme carbonatée de Guara au Lutétien a été utilisé pour la datation par reconnaissance des espèces et comparaison avec l’échelle biostratigraphique établie par Serra-Kiel et al. (1998). Le reconnaissance optique des familles (principa-lement Nummulites, Alvéolines, Millioles, Discocyclines ; Figure 3.18) et des espèces et la comparaison du contenu en fossiles des échantillons avec l’échelle SBZ permet de donner un âge ou une gamme d’âges si les fossiles ont été remaniés après leur dépôt.

En plus de servir à la datation des séries sédimentaires de la plateforme carbonatée de Guara, l’écologie des foraminifères benthiques est un puissant outil pour développer des modèles paléoécologiques et pa-léoenvironnementaux. Toutefois, l’interaction entre les différents facteurs environnementaux influençant leur répartition est complexe (Figure 3.19), ce qui rend difficile la corrélation entre les caractéristiques des foraminifères benthiques et l’influence extérieure spécifique. Les paragraphes suivants qui décrivent l’écologie des foraminifères benthiques sont adaptés de Beavington-Penney et Racey (2004).

L’apparition des foraminifères benthiques est souvent liée à des périodes de réchauffement global, sécheresse, augmentation du niveau marin, expansion de l’habitat tropical ou subtropical et la réduction des circulations océaniques (Hallock et Glenn, 1986). Un mauvais recyclage des eaux de surface couplé à une faible productivité organique dans les océans entraîne une faible teneur en nutriments définissant ainsi un milieu oligotrophe, lui-même avantageux pour la relation symbiotique des foraminifères benthiques. D’autres facteurs, physiques et chimiques, influent sur les foraminifères benthiques, tels que la réserve de nutriments, la nature du substrat, l’énergie et la salinité de l’eau et la température. Bien que l’effet de la température soit généralement difficile à évaluer, il est considéré comme le facteur physique influant le plus la distribution des espèces (Lee, 1974). La température a un lien direct avec les propriétés physiques et chimiques de l’eau ainsi que les processus biologiques actifs au sein d’un environnement marin.

Les foraminifères benthiques s’adaptent facilement à un environnement oligotrophe, mais ne répondent pas bien lorsque les ressources en nutriments deviennent abondantes (Hallock, 1985). Une trop grande source de nutriments favorise le développement du plancton et provoque le départ du symbionte. De plus, le plancton réduit la transparence de l’eau qui devient plus toxique pour les foraminifères, ralentissant ainsi leur croissance et réduisant alors le taux de production carbonatée. La décomposition du plancton produit des sulfures et réduit la quantité d’oxygène ce qui induit aussi la disparition des macro fora-minifères benthiques. La quantité de nutriments dépend également de la nature du substrat (Gerlach, 1972).

Dans un environnement aux conditions favorables, les foraminifères arrivent à maturité rapidement et sont de petite taille (Hallock et Glenn, 1986). Cependant, une population stressée par de faible tem-pérature ainsi qu’une insuffisance de nutriments ou de lumière, entraîne une croissance plus lente et sont mature une fois arrivés à une grande taille (Bradshaw, 1957). Cette différence traduit deux modes de reproduction des foraminifères, sexuée ou non, qui est dépendante du degré de stress environnemental qu’ils subissent. Lorsque les conditions sont tolérables pour la croissance mais en dehors de la plage de

tolérance pour la reproduction, les individus continuent à croître jusqu’à une grande taille. Ceci arrive souvent quand l’habitat peu profond des espèces (<20 m) est lessivé dans un environnement profond (50-100 m) (Ross, 1972).

Figure3.18: Photos de lames minces, réalisées à partir des échantillons prélevés sur le terrain regroupant les différents macro foraminifères benthiques observés. A : Grainstone à nummulites ; B : Nummulite, les piliers édifiant la structure interne sont nettement visibles en gris ; C : Nummulite avec sa loge juvénile au centre ; D : Nummulite centimétrique ; E : Grainstone à milioles ; F : Grainstone à nummulites + glauconie ; G : Grainstone à alvéolines ; H : Grainstone à 1. discocycline et 2. nummulite.

Figure 3.19: Interaction des facteurs qui affectent la morphologie et la distribution des foraminifères benthiques (Beavington-Penney et Racey, 2004).

En plus de leur taille, les foraminifères sont caractérisés par leur morphologie interne. La présence d’algues symbiotiques photosynthétiques à l’intérieur du test de plusieurs espèces est mise en évidence par Haynes (1965). La relation hôte-symbionte signifie que les foraminifères sont limités à de faible profondeur d’eau et à un milieu bien éclairé le tout avec un faible transport des individus. Ainsi la présence de ces algues est généralement un indicateur de profondeur d’eau inférieure à 120 m, à l’intérieur de la zone euphotique (Hottinger, 1983 ; Hallock, 1984). Ceci est vrai pour une eau non turbide. Les apports détritiques par les édifices deltaïques font augmenter la turbidité de l’eau. Par conséquent, les foraminifères remontent le long du profil de dépôt pour avoir plus de lumière dans l’eau.

Ross (1972) suggère que la symbiose avec les algues présentes dans les foraminifères benthiques est comparable, en termes de stimulation de croissance et de fixation de carbonate de calcium, au dévelop-pement du corail. La croissance et la calcification dans plusieurs espèces de foraminifères benthiques ont montré une dépendance par rapport à l’activité symbiotique des algues (Leutenegger, 1984). Plusieurs espèces de foraminifères sont associées au même type de symbionte indépendamment de l’endroit et des facteurs écologiques tels que la profondeur de l’eau ou les saisons (Leutenegger, 1984).

La présence de certains foraminifères comme les orbitolites ou les milioles est également un indicateur de la présence d’herbiers sur lesquels ils s’installent et de l’absence de boue dans le substratum (Geel, 2000).