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CHAPITRE I : SYNTHÈSE ET RÉACTIVITÉ DES SUPER-NUCLÉOPHILES

III. Quantification de l’effet d’un π-stacking sur la nucléophilicité des pyridines

2. Cas des pyridines

En 2007, le groupe de Tsuzuki

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a mené une étude visant à calculer l’énergie de différentes

orientations dans les complexes benzène/pyridine, benzène/pyridinium et benzène/N

-méthylpyridinium afin de les comparer entre elles par des calculs ab initio. Tsuzuki montre alors que

les interactions dans le cas de la pyridine chargée sont beaucoup plus importantes et s’assimilent à

des interactions cation/π.

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Quant au complexe benzène/pyridine, elles sont plus proches

d’interactions π-π classiques. Cette charge induite est évidemment plus importante dans le cas du

pyridinium chargé que de la pyridine neutre (Figure 20).

Figure 20. Energie des différents complexes en position parallèle (kcal/mol)

Même si la conformation parallèle-décalée s’avère être la plus stable pour le complexe

benzène/pyridine, il n’en ait rien concernant le complexe pyridinium-H. En effet, la conformation en

T induit une plus grande stabilité dans ce cas. L’atome d’azote pointant au centre du benzène chargé

négativement, permet la formation d’une pseudo liaison hydrogène très stabilisante entre le

pyridinium et le cycle aromatique. En revanche, cette conformation est défavorisée dans le cas du

complexe benzène/N-méthylpyridinium à cause de l’encombrement stérique induit par le

groupement méthyle. La géométrie la plus stable est, cette fois-ci, la conformation parallèle-décalée

dans laquelle la charge positive portée par l’atome d’azote se trouve au-dessus du cycle aromatique

(Figure 21).

Figure 21. Conformations les plus stables (kcal/mol)

Le groupe de Fossey a été le premier à mettre en évidence de manière expérimentale les

interactions π/cation dans un système benzène/N-méthylpyridinium.

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Dans cet exemple, la

génération du pyridinium par l’ajout d’iodure de méthyle, permet le passage d’un état « flexible » à

un état « contraint » (

Schéma22).

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Yamada S.; Fossey J.S. Org. Biomol. Chem.,2011, 9, 7275-7281

Schéma 22. Interaction cation/π dans le système benzène/N-méthylpyridinium

Fossey a prouvé l'existence d’une telle conformation par deux études. Tout d’abord, par la mise

en évidence d'un phénomène de fluorescence spécifique avec la formation d'un exciplexe entre les

deux cycles aromatiques. Puis, par des études de RMN NOESY, en montrant la proximité spatiale des

protons H

2’

et H

3

(Figure 22).

Figure 22. Spectre de RMN NOESY du système benzène/N-méthylpyridinium

Dans une étude similaire, le groupe de Shimizu a révélé que la présence d’un dipôle sur le

pyridinium en induisait un second sur le noyau aromatique ce qui avait pour effet de rapprocher ces

deux cycles (Figure 23).

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La balance moléculaire utilisée pour cette expérience a été cristallisée sous

trois formes différentes : neutre, protonée et méthylée. La distance mesurée entre le cycle

aromatique et la pyridine neutre est caractéristique une interaction de type π-π. En revanche, un net

rapprochement entre les deux plans a été observé pour les formes cationiques et particulièrement

dans le cas du N-méthylpyridinium. Cette importante contraction implique une interaction

sensiblement plus forte entre les complexes benzène/pyridinium.

Figure 23. Distance pyridine/aromatique et pyridinium/aromatique dans la balance moléculaire du Pr. Shimizu

Plus récemment, Yamada

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poursuivit cette étude en construisant une autre balance

moléculaire permettant de mettre en compétition interactions π-π vs π-cation. Grâce à la structure

contrainte de cette molécule, il n’est possible d’observer que deux conformères (A et B) et de limiter

l’étude aux interactions π parallèles. Après formation du N-méthylpyridinium, Yamada a tenté

d’évaluer la proportion des conformères A et B présents dans le milieu (Figure 24).

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Li P.; Zhao C.; Smith M.D.; Shimizu K.D. J. Org. Chem.,2013, 78, 5303.

Figure 24. Deux conformères de la balance de Yamada

En s’appuyant sur les constantes de couplage J

H1,H2

et J

H1,H3

(Figure 24), Yamada a pu discriminer A de

B et prouver la prédominance de l’interaction π-cation. Comme Shimizu, l’étude cristallographique

révéla une distance plus faible dans le complexe pyridinium-benzène (3.67 Å) que dans celui

benzène-benzène (3.84 Å). Lors de cette étude, l’influence du solvant fut également considérée. En

accord avec des calculs théoriques de ΔG, Yamada montra que le recours à des solvants peu

dissociant (faible ε), comme le chloroforme ou le dichlorométhane, renforçait l’interaction π-cation

et participait ainsi à augmenter significativement la proportion de A (jusqu’à 91.7% pour le CDCl

3

).

Le π-stacking fait partie des interactions faibles couramment utilisées en catalyse pour contrôler

la sélectivité d’une réaction. Dans cet exemple, reporté par Kawabata, le design du catalyseur

permet, par une double interaction π, de favoriser l’approche du substrat par une face de

l’intermédiaire acylpyridinium plutôt que par l’autre (Schéma 23).

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Schéma 23. Dédoublement cinétique dynamique du cis-4-(dimethylamino)benzoate de 2-hydroxycyclohexyle

Un autre exemple décrit par Jørgensen

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en 2005 montre le rôle de ces interactions dans la

cyclisation énantiosélective d'aldéhydes-isoquinoliniums. Dans ce cas, le catalyseur est directement

lié au substrat et les interactions ont lieu entre les substituants aromatiques du catalyseur et le

substrat (Schéma 24).

Schéma 24 : cyclisation d’aldéhydes-isoquinoliniums

Après formation d'une énamine entre le catalyseur amine secondaire et la fonction aldéhyde du

substrat, l'attaque nucléophile de celle-ci sur le carbone électrophile de l'isoquinolinium est

exclusivement orientée par une interaction π-pyridinium. En effet, les substituants benzyles de la

pyrrolidine chirale interagissent fortement avec la partie hétérocyclique cationique et dirigent

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Nagato M.; Takasu K.; Fuji K.; Kawabata T. J. Am. Chem. Soc., 1997, 119, 3169-3170

l'attaque intramoléculaire de l'énamine sur cette dernière pour conduire à une dihydroisoquinoline

énantioenrichie.

A travers ces exemples, on voit que les chimistes ont étudié et exploité la stabilité

thermodynamique apportée par une interaction π-pyridinium. Cependant, aucun exemple à ce jour ne

traite de l’impact de telles interactions sur la performance d’un catalyseur. En nous appuyant sur les

travaux de Mayr, nous avons entrepris de quantifier l’influence de cette interaction faible sur la

réactivité d’une pyridine en mesurant son paramètre N. Pour ce faire, nous nous sommes attachés à

synthétiser différentes plateformes présentant systématiquement une pyridine et un partenaire π

placé à une distance permettant l’observation d’un π-stacking.