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CHAPITRE I : Synthèse bibliographique

I.2. Biocorrosion des aciers inoxydables

I.2.3. Cas de Pseudoalteromonas NCIMB 2021

Les bactéries du genre Pseudomonas sont des bactéries à Gram négatif, aérobies, en forme de bacilles et sont couramment rencontrées par exemple dans les eaux industrielles et l’eau de mer. Plus particulièrement, Pseudoalteromonas NCIMB 2021 est une bactérie marine connue pour produire des EPS [Beech, 1999b], [Beech, 2000b], [Gubner, 2000], [Torres Bautista, 2015], [Brian-Jaisson, 2016].

Plusieurs espèces de Pseudomonas sont impliquées dans les processus de biocorrosion des aciers inoxydables, en particulier Pseudomonas aeruginosa [Morales, 1993], [Cournet, 2010], [Hamzah, 2013], [Abdolahi, 2014], [Xia, 2015], [Li, 2016a], [Li, 2016b], [Jia, 2017], [Xu, 2017a], [Zhou, 2018], Pseudoalteromonas sp. [Moradi, 2014], Pseudoalteromonas NCIMB 2021 [Beech, 2000a], [Yuan, 2007a], [Yuan, 2008], [Yuan, 2009], une culture mixte de Pseudomonas fluorescens et d’un isolat de Bactéries Sulfato- Réductrices [Ortiz, 1990], une culture mixte de Pseudomonas aeruginosa, Pseudomonas fluorescens et Klebsiella pneumoniae [Pendyala, 1996], une culture mixte de Pseudomonas fragi et Desulfovibrio desulfuricans [Antony, 2010], une culture mixte de Pseudomonas fragi et Desulfovibrio vulgaris [Ismail, 1999] ou encore une culture mixte de Pseudoalteromonas NCIMB 2021 et Desulfovibrio desulfuricans [Yuan, 2009].

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D’une manière générale, l’ensemble de ces études souligne que la formation d’un biofilm par des bactéries de types Pseudomonas à la surface d’aciers inoxydables favorise la corrosion par piqûres du fait de l’hétérogénéité du biofilm qui conduit à l’établissement de cellules de concentration, en particulier une aération différentielle. De plus, la création de micro-niches anaérobies permet le développement de Bactéries Sulfato-Réductrices (BSR) qui peuvent à leur tour favoriser la corrosion voire conduire à une synergie entre les deux types de bactéries [Ortiz, 1990], [Ismail, 1999], [Antony, 2010]. Dans le cas des études menées sur des aciers inoxydables duplex [Moradi, 2014], [Li, 2016b], [Xia, 2015], [Xu, 2017a], [Zhou, 2018] l’adhésion et/ou la corrosion préférentielle d’une des phases n’est pas mentionnée.

Les paragraphes suivants portent une attention particulière aux travaux portant sur la biocorrosion d’aciers inoxydables par la formation d’un biofilm de Pseudoalteromonas NCIMB 2021.

Beech et al. [Beech, 2000a] ont étudié l’effet de la formation d’un biofilm de Pseudoalteromonas NCIMB 2021 formé en eau de mer artificielle à 25°C pendant 36 jours sur un acier inoxydable 316 laminé à froid (pas de polissage, film formé fraîchement après polissage et film formé après polissage et jusque 3 semaines de stockage). Les surfaces ont été analysées par XPS pour les échantillons témoins ainsi que pour les échantillons colonisés par Pseudoalteromonas NCIMB 2021 (après avoir retiré le biofilm). Les auteurs suggèrent que des teneurs élevées en Cr et en Mo dans la partie externe du film passif inhibent le développement du biofilm. Le film passif est fortement affecté par le développement du biofilm : dans la partie externe du film passif, un appauvrissement en Fe et en Mo et un enrichissement en Cr sont détectés, et l’épaisseur du film passif est significativement réduite. Les auteurs concluent que ces modifications sont le résultat de la formation de micropiqûres observées par MEB qui pourraient être dues à la formation de métabolites comme des EPS acides ou des acides organiques.

Yuan et al. [Yuan, 2007a] ont étudié l’effet de la formation d’un biofilm de Pseudoalteromonas NCIMB 2021 en eau de mer artificielle enrichie en nutriments à 25°C jusque 49 jours (avec renouvellement de 75 % tous les 7 jours) sur un acier inoxydable 304 (poli miroir). La caractérisation AFM souligne que l’épaisseur, la taille et l’hétérogénéité du biofilm augmentent au cours de la formation du biofilm. Après avoir retiré le biofilm, il apparaît que les piqûres sont initiées au bout de 14 jours d’immersion et que le nombre et la

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profondeur des piqûres augmentent au cours de la formation du biofilm, alors que les piqûres sont beaucoup moins profondes après immersion dans le milieu stérile. Les auteurs suggèrent que le caractère hétérogène du biofilm crée des cellules de concentration qui conduisent à la formation de piqûres. Les analyses XPS des échantillons témoins et des échantillons colonisés par Pseudoalteromonas NCIMB 2021 (après avoir retiré le biofilm) révèlent que la formation du biofilm induit plusieurs modifications du film passif : un enrichissement en chrome et un appauvrissement en fer de la surface, une diminution de l’épaisseur du film passif, une modification du rapport Fe2+/Fe3+, une augmentation de la proportion de Cr(OH)3 par rapport à Cr2O3 (qui explique pourquoi l’enrichissement en chrome n’est pas associé à une amélioration de la résistance à la corrosion) et plus généralement une augmentation de la proportion d’hydroxydes par rapport à la proportion d’oxydes ainsi qu’une modification de la nature des espèces Cr6+.

Une étude ultérieure du même groupe [Yuan, 2008] conclut que la formation d’un biofilm de Pseudoalteromonas NCIMB 2021 (dans les mêmes conditions expérimentales que précédemment, mais jusque 77 jours d’exposition) favorise la corrosion par piqûres d’un acier inoxydable 304. Grâce à une caractérisation électrochimique (courbes de polarisation et spectroscopie d’impédance) les auteurs montrent que la formation du biofilm induit une accélération de la réaction anodique due à la détérioration de la passivité et un ralentissement de la réaction cathodique dû à la diminution de la concentration en oxygène. Ce phénomène est plus marqué pour des expositions long terme (49, 63 et 77 jours). La comparaison de la taille des piqûres obtenues suggère que Desulfovibrio desulfuricans a des propriétés plus corrosives que Pseudoalteromonas NCIMB 2021.

I.2.4. Résumé

La biocorrosion est un phénomène complexe qui résulte des interactions entre le matériau, l’environnement et les microorganismes, plus particulièrement les bactéries. Un élément clé dans les processus de biocorrosion est la formation d’un biofilm à la surface, qui est défini comme des communautés bactériennes englobées dans une matrice d’EPS. Le caractère hétérogène du biofilm est propice à la création de cellules de concentration susceptibles de favoriser la corrosion. De nombreux matériaux sont susceptibles d’être touchés par la biocorrosion, y compris les aciers inoxydables et plus particulièrement les aciers inoxydables

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duplex. La biocorrsosion ne se limite pas au cas très connu des Bactéries Sulfato-Réductrices. En effet, des bactéries variées peuvent être impliquées et peuvent agir à plusieurs niveaux sur les réactions anodiques et/ou cathodiques du processus de corrosion. Les mécanismes associés sont donc très nombreux et spécifiques de chaque situation.

Les bactéries telles que Pseudomonas sont reconnues responsables de nombreux cas de biocorrosion des aciers inoxydables. La création de cellules d’aération différentielle du fait de la consommation d’oxygène par la respiration bactérienne favorise la corrosion par piqûres. La littérature présente quelques exemples de biocorrosion d’aciers inoxydables par la bactérie marine Pseudoalteromonas NCIMB 2021. Néanmoins, des questions sur la relation entre la résistance à la corrosion et la composition chimique du film passif sont toujours ouvertes. Par ailleurs, les mécanismes de biocorrosion sont peu détaillés dans le cas des aciers inoxydables duplex, en termes par exemple d’adhésion et/ou de corrosion préférentielle d’une des phases.