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en favorisant un meilleur contrôle moteur de la main dominante droite (Duque et al.,2007).

3.2 Le cas des patients cérébro-lésés

Observations comportementales

Bien que cela ne soit pas systématique (Uttner et al., 2005), de nombreux travaux sou- lignent la présence exagérée de MM chez les patients hémiparétiques à la suite d’un accident vasculaire cérébrale (AVC) ou d’un traumatisme crânien (Cernacek,1961;Chaco & Blank,1974;

Ejaz et al.,2018;Hwang et al.,2005;Y. Kim et al.,2015;Y.-H. Kim et al.,2003;Lazarus,1992;

Nelles, Cramer, Schaechter, Kaplan, & Finklestein, 1998; Seo, 2013). La plupart des études indiquent que les MM, bien que pouvant être présents sur les deux membres, sont retrou- vés de façon plus importante sur le membre non parétique (Ejaz et al.,2018;Y.-H. Kim et al.,2003;Lazarus,1992;Nelles et al.,1998;Seo,2013;Uttner et al.,2005;Wittenberg et al.,

2000). Cependant, certains travaux moins nombreux montrent le pattern inverse à savoir une exacerbation des MM sur membre parétique par rapport au membre non parétique (Chang, Durand-Sanchez, DiTommaso, & Li,2013; Y. Kim et al.,2015). Ces auteurs expliquent leurs résultats contradictoires par le fait que la production de MM pourrait fortement varier selon le niveau de force demandé, le type de tâche mais également le degré de récupération du pa- tient. En effet, l’étude deNelles et al.(1998) suggère l’existence d’un lien entre le degré de MM sur le membre parétique et le niveau moteur du membre supérieur du patient, mesuré par le

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score au Fugl Meyer Assessment1 (partie membre supérieur). Un haut niveau de MM sur le membre parétique a été associé à de meilleures capacités motrices chez le patient post-AVC par opposition à l’absence de MM sur le membre parétique qui était en lien avec de moins bonnes capacités motrices. A l’inverse, un haut niveau de MM sur le membre non parétique a été associé à un moins bon niveau moteur tandis que l’absence de MM sur ce même membre était en lien avec de de meilleures capacités motrices (Nelles et al.,1998).

Plus récemment, des études longitudinales ont permis d’apporter de nouveaux éléments quant aux liens entre les MM observés sur les membres parétique et non parétique des pa- tients cérébro-lésés et le degré de récupération motrice. Ainsi, une première étude de cas longitudinale chez une femme ayant subi un AVC du côté droit a fait état d’une diminution progressive des MM sur le membre non parétique pendant le processus de récupération mo- trice (Ohtsuka, Matsuzawa, Ishii, & Shimizu,2015). Par ailleurs, une autre étude longitudinale récente a quantifié les MM et la fonction motrice de la main parétique chez 53 patients recru- tés dans les deux premières semaines suivant leur AVC (Ejaz et al.,2018). Ces auteurs ont tout d’abord constaté une exacerbation des MM de la main non parétique deux semaines après la lésion. Au cours de l’année suivante, ces derniers diminuaient progressivement en parallèle de la récupération de la fonction de la main parétique (Figure 3.1). A l’inverse, les MM sur le membre parétique étaient initialement réduits par rapport au membre non parétique et aux sujets contrôles (Ejaz et al.,2017) puis augmentaient avec la récupération pour devenir

1. Le Fugl-Meyer Assessement (FMA) est un outil de mesure des incapacités fonctionnelles après un AVC (Fugl-Meyer, Jääskö, Leyman, Olsson, & Steglind, 1975). Il comprend cinq parties évaluant respectivement la fonction motrice, la sensibilité, l’équilibre, l’amplitude articulaire et la douleur articulaire. La partie évaluant la fonction motrice du membre supérieur (FMA-UE : Fugl-Meyer Assessment of Upper Extremity) est consi-

dérée comme le « gold standard » de l’évaluation des fonctions sensorimotrices après un AVC (Sullivan et al.,

2011) et permet de déterminer la sévérité de l’AVC et de quantifier la récupération (Crow et al.,2014) tout en

garantissant une bonne fidélité intra et inter-examinateurs (Hernández et al.,2019). Le FM-UE comporte quatre

sous-sections : (1) épaule/coude/avant bras, (2) poignet, (3) main et (4) coordination et vitesse pour un total de

33items cotés sur une échelle ordinale de 0 = mouvement impossible, 1 = déficience partielle et 2 = aucune

déficience. Ainsi, bien qu’il n’existe pas de consensus dans la littérature sur les seuils exacts ((e.g.,Woodbury,

Velozo, Richards, & Duncan,2013;Woytowicz et al.,2017), le FM-UE permettrait de stratifier les patients selon

un déficit moteur léger (score de 43-66), modéré (score de 29-42) ou sévère (score de 0-28) (Woytowicz et al.,

2017).

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rapidement similaires aux sujets contrôles (Ejaz et al.,2018).

Au vu de ces différents résultats, l’observation de MM asymétriques entre les membres parétique et non parétique semble dépendre du délai post-lésionnel ainsi que du degré de récupération motrice du patient.

Figure 3.1. Changements longitudinaux des MM chez les sujets contrôles et les patients au cours de la première année suivant la lésion cérébrale. Les tracés du graphique renvoient à la main active. Pour les patients, les MM sont initialement exacerbés pour les doigts de la main non parétique lors de pressions actives avec les doigts de la main parétique (tracé bleue). Les MM de la main parétique lors de la tâche de pression avec la main non parétique sont également représentés (tracé violet). Adapté deEjaz et al. (2018).

Hypothèses cérébrales

La survenue d’une lésion cérébrale unilatérale entraîne d’importantes modifications au niveau de la dynamique intra- et inter-hémisphérique. L’altération de cette dynamique cé- rébrale ainsi que son évolution au cours de la récupération pourrait alors rendre compte de l’asymétrie des MM observée chez les patients cérébro-lésés. Ainsi, l’exacerbation précoce des MM sur le membre non parétique lors d’un mouvement avec la main parétique (Ejaz et al.,

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2018) pourrait venir d’une activation supplémentaire de l’hémisphère controlésionnel. En ef- fet, des études en IRMf retrouvent des activations sensorimotrices anormalement bilatérales dans la phase subaiguë lors d’un mouvement unimanuel du membre parétique (Butefisch et al., 2005;Nair et al.,2007; N. S. Ward, 2003). Ces activations se normaliseraient avec le temps et la récupération en phase chronique vers un pattern plus controlatéral/ipsilésionnel (N. S. Ward,2003). Cette réduction des activations bilatérales en phase chronique pourrait ainsi sous-tendre la diminution progressive des MM observée sur le membre non parétique au cours de la récupération motrice (Ejaz et al.,2018;Ohtsuka et al., 2015). En effet, diffé- rents travaux ont précédemment rapporté une corrélation entre l’activation de l’hémisphère controlésionnel et les MM observés sur le membre non parétique lors d’un mouvement avec le membre parétique (Y.-H. Kim et al.,2003;Wittenberg et al.,2000). De façon similaire, de nombreuses études par TMS ont mis en évidence une réduction de l’inhibition intracorticale au sein de l’hémisphère controlésionnel à la suite d’un AVC (Liepert, Hamzei, & Weiller,2000;

Manganotti, Acler, Zanette, Smania, & Fiaschi,2008;Manganotti et al.,2002;Shimizu et al.,

2002). De plus, cette inhibition intracorticale réduite a été observée précocement avant de se normaliser avec le temps en fonction de la récupération motrice des patients (Manganotti et al.,2008,2002). Ainsi, cette désinhibition de l’hémisphère controlésionnel pourrait être liée à une moindre activité du système GABA-ergique (Liepert et al.,2000) de même qu’à une réduc- tion de l’IIH du M1 lésé sur le M1 controlésionnel (Bütefisch et al.,2008;Shimizu et al.,2002) favorisant alors l’émergence de MM sur le membre non parétique lors d’une mouvement avec le membre parétique. Bien que l’activation de l’hémisphère controlésionnel puisse en partie sous-tendre l’exacerbation des MM sur le membre non parétique, son rôle fonctionnel exact reste encore mal compris et fait l’objet de discussion dans la littérature (e.g.,Buetefisch,2015;

Dodd, Nair, & Prabhakaran, 2017). Ainsi, l’implication de l’hémisphère controlésionnel lors d’un mouvement avec le membre parétique pourrait à la fois refléter une plasticité inadaptée et être la cible d’intervention thérapeutique par rTMS mais également un mécanisme com-

3.2. Le cas des patients cérébro-lésés

pensatoire dans le contrôle de la main parétique (Buetefisch,2015;Di Pino et al.,2014;Dodd et al.,2017).

Par ailleurs, la quantité moins importante de MM retrouvée sur le membre parétique lors de la réalisation d’un mouvement volontaire avec le membre non parétique (Ejaz et al.,2018;

Lazarus,1992;Nelles et al.,1998;Seo,2013) pourrait être sous-tendue par une IIH ciblant le M1 lésé anormalement élevée (Duque, Hummel, et al.,2005;Murase et al.,2004;Takechi et al.,

2014). En effet,Takeuchi et al.(2010) ont pu mettre en évidence une corrélation négative entre cette IIH ciblant le M1 lésé et les MM observés sur la main parétique. De plus, il a été proposé que l’exacerbation de cette IIH ciblant le M1 lésé ait une influence négative sur la récupération motrice (Murase et al.,2004). En lien avec cette hypothèse, une récente étude longitudinale a mis en évidence une réduction progressive de l’inhibition transcalleuse ciblant le M1 lésé au cours de la récupération motrice (Takechi et al.,2014). Ainsi, l’émergence progressive de MM sur le membre parétique pourrait être sous-tendue par cette réduction de l’IIH ciblant le M1 lésé et refléter une meilleure récupération motrice (Ejaz et al.,2018;Nelles et al.,1998).

Enfin, il est intéressant de noter qu’une récente étude longitudinale a remis en question l’origine corticale des MM observés à la suite d’une lésion cérébrale (Ejaz et al.,2018). En ef- fet, lors d’un mouvement avec la main parétique, ces auteurs n’ont retrouvé aucune activation sensorimotrice ipsilatérale/controlésionnelle supplémentaire par rapport à des sujets sains malgré la présence exacerbée de MM sur le membre non parétique (Ejaz et al.,2018). De plus, ces auteurs ont rapporté une large distribution des MM au sein des doigts de la main non- parétique incluant des doigts homologues et hétérologues à ceux impliqués volontairement dans le mouvement. Ce pattern comportemental des MM va à l’encontre d’une origine cor- ticale des MM pour laquelle on s’attendrait à observer une version réduite mais strictement identique du pattern du mouvement généré par la main volontairement active (Ejaz et al.,

2018). Ainsi, ces auteurs ont avancé l’hypothèse d’une origine sous corticale des MM avec une implication du système réticulo-spinal. En effet, l’implication de ce système réticulo-spinal

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pourrait être modulée à la suite de la lésion cérébrale (Xu et al.,2017), et conduire, du fait de son organisation bilatérale (Hirschauer & Buford,2015), à l’exacerbation des MM sur la main non parétique ainsi qu’à des mouvements parasites sur la main parétique (Ejaz et al.,2018). De façon précoce, la contribution de ce système réticulo-spinal pourrait être majorée et refléter un mécanisme de contrôle compensatoire de la main parétique. Puis, au cours de la récupéra- tion, les régions corticales sensorimotrices rétabliraient une modulation correcte du tractus réticulo spinal conduisant alors à une réduction des MM sur le membre non parétique (Ejaz et al.,2018).

3.2. Le cas des patients cérébro-lésés

En résumé

— Chez l’adulte sain droitier, la main dominante droite semble plus propice à être activée involontairement lorsque la main non dominante gauche réalise un mou- vement volontaire. Néanmoins, cette asymétrie des MM n’est pas retrouvée de façon systématique et pourrait dépendre du type de tâche ainsi que des caracté- ristiques du mouvement.

— L’asymétrie comportementale des MM chez l’adulte sain droitier pourrait être sous-tendue par des activations cérébrales ipsilatérales au mouvement égale- ment asymétriques. En effet, la réalisation d’un mouvement avec la main non dominante gauche est associée à une activation des régions motrices et prémo- trices ipsilatérales plus importante que lors d’un mouvement avec la main domi- nante droite. Cette asymétrie cérébrale pourrait refléter la dominance de l’hémi- sphère gauche dans le contrôle moteur et reposer sur une plus grande efficience des processus inhibiteurs ciblant l’hémisphère non dominant droit.

— Chez le patient cérébro-lésé, l’observation de MM asymétriques entre le membre parétique et non parétique semble dépendre du délai post-lésionnel ainsi que du degré de récupération motrice du patient. Ainsi, une exacerbation des MM sur le membre non parétique est observée dans les premiers mois post-lésionnels et semble être associée à une fonction motrice déficitaire. A l’inverse, l’apparition de MM sur le membre parétique semble survenir plus tardivement mais a été associée à de meilleures capacités motrices.

— L’asymétrie des MM entre les membres parétique et non parétique pourrait être sous-tendue par un perturbation de la dynamique cérébrale intra- et inter- hémisphérique survenant à la suite de la lésion. En effet, la réalisation d’un mouvement avec le membre parétique est associée à une majoration des acti- vations cérébrales ipsilatérales et pourrait conduire à l’exacerbation des MM sur le membre non parétique. A l’inverse, lors d’un mouvement avec le membre non parétique, une inhibition interhémisphérique ciblant le M1 lésé anormalement élevée pourrait limiter l’apparition de MM sur le membre parétique.

Chapitre 4

Liens entre les fonctions attentionnelles

et exécutives et les mouvements miroirs

Comme nous l’avons précédemment évoqué, l’observation des MM chez l’adulte sain se li- mite souvent à une activité électromyographique involontaire. Différents facteurs pourraient néanmoins favoriser leur apparition. Ainsi, il a été proposé que des tâches complexes impli- quant un contrôle moteur fin et précis ou au contraire une fatigue musculaire importante conduiraient à l’exacerbation des MM chez l’adulte sain. Outre l’implication d’un réseau mo- teur étendu, il a également été proposé que des mécanismes de contrôle cognitif puissent sous-tendre la restriction des MM (Addamo et al.,2007).

Dans ce chapitre, nous commencerons par détailler les différentes observations compor- tementales chez le sujet sain de l’enfant à la personne âgée et dans le cas de certaines pa- thologies qui supportent l’idée d’un lien existant entre des mécanismes cognitifs de natures attentionnelles et exécutives et les MM.

Puis, dans une seconde partie, nous présenterons les différents travaux menés chez les su- jets sains jeunes et âgés ainsi que dans le cas de certaines pathologies qui suggèrent l’existence d’un lien entre des réseaux attentionnels et exécutifs au niveau cérébral et les MM.

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