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CHAPITRE IV. TÂCHE 3 : DIFFICULTÉS DE LA CONCEPTION DES

2.3. Cas particulier de la pompe doseuse : les interfaces que les étudiants

Plus précisément, concernant la pompe doseuse que les étudiants doivent concevoir, la figure 44 représente par des segments les liaisons de contact (guidages et assemblages) entre deux sous-structures. Les segments épais représentent les liaisons de contact aux interfaces, c'est-à-dire qui relient deux sous-structures dont l'un est à la charge d'un groupe et l'autre à la charge du groupe jumelé.

Dans la liste précédente des paramètres déterminant l’interface , ceux qui sont représentés sur ce schéma sont donc uniquement les jeux de fonctionnement dans les guidages et les surfaces de contact entre deux pièces assemblées. La nécessité de définir ces paramètres déterminant l’interface peut donc être anticipée grâce au schéma cinématique et à la consigne de distribution des sous-structures (feuille de consigne 29). La consigne n°3 de cette feuille de consigne 29 prescrit d'ailleurs aux étudiants de

carter du doseur piston

manivelle bielle

vis sans fin roue dentée plateau vis de réglage appui guidage en rotation liaison hélicoïdale guidage en rotation assemblage assemblage assemblage rotule rotule guidage en rotation moteur système de blocage coulisseau guidage en translation fixations au sol crochets Accouplement nervures carter appui Tête de dosage Carter Réducteur Système de réglage Système de transformation de mouvement Moteur et accouplement

Couleur rouge : Groupe B

Couleur bleue : Groupe A

Figure 44 : Les sous-structures de la pompe doseuse à concevoir, leurs liaisons de contact et leur distribution entre les deux groupes jumelés (d'après le schéma

cinématique corrigé et la feuille de consigne 29)

Ainsi, les jeux dans les guidages doivent être prévus (la géométrie des surfaces parfaites théoriques de contact entre les pièces réalisant les guidages doivent être identiques sur les deux dessins) ; les interférences de position doivent être évitées ; les interférences cinématiques doivent être évitées ; les ouvertures dans le carter doivent permettre le montage des pièces à l'intérieur ; les surfaces de jonction doivent être identiques sur les deux dessins ; le milieu intérieur doit être prévu et être cohérent.

3. La méthode de référence

Comment doit-on s’y prendre pour concevoir les interfaces ? Quelle méthode les étudiants doivent-ils apprendre à mettre en œuvre ? Et en particulier en ce qui concerne la pompe doseuse ?

Dans les entreprises, une partie des interfaces est mise en évidence dès le découpage du projet selon les sous-structures de la machine. Par exemple, pour concevoir une voiture, tous les projets sont découpés en sous-ensembles de façon standard : planche de bord, climatisation, instrumentation, soubassement, berceau moteur, train avant, train arrière, freinage (Chez Renault, d’après Luzi, 1997, p. 60). Lors de ce découpage, certaines relations entre ces sous-structures sont déjà connues : par exemple certains composants du système de freinage devront être fixer sur le train avant et le train arrière (les freins), sur le soubassement (tuyaux d’alimentation hydraulique et câble d’indication de l’usure des disques), etc. Ces « relations » permettent d’établir l’existence ou non d’une interface entre deux sous-structures

attribuées à deux équipes. Pour les étudiants, il en est de même : un découpage en sous-structures leur est imposé au départ, et on leur demande d’effectuer une première visioconférence qui fixera « les contraintes d’un groupe sur l’autre » (voir figure 44). Puis au fur et à mesure de la conception de chacune des sous-structures, des décisions seront prises sur le choix de solutions techniques. Il faudra que ces solutions, adoptées sur l’une ou l’autre des sous-structures, soient compatibles entre elles. Les « relations » précédentes devront être préciser et respecter de manière par les deux groupes. D’autres interfaces, qui étaient inconnues au début du projet, émergeront et les contraintes qu’elles imposent devront aussi être précisées et respectées.

Deux stratégies de coordination, imposée par la conception des interfaces, sont possibles. Elles diffèrent sur la façon de lever l’indétermination due au fait qu’un concepteur ne connaît pas les solutions adoptées sur une autre sous-structure par un autre concepteur (parce qu’elles n’ont pas encore été conçues ou sont en cours d’élaboration), alors qu’il en a besoin pour avancer son travail.

La première stratégie, que nous appelons stratégie contractuelle consiste à définir l'interface a priori, de manière hypothétique à partir du peu qui est connu des sous-structures. Cette interface fait office de contrat entre les équipes de concepteurs, en sachant qu'elle peut faire l'objet de négociations au cours de l'avancement du projet. C'est par exemple la stratégie adoptée par Bertrand Nicquevert (2000, p.9-11), dont la mission est d'« assurer l'intégration géométrique » lors du grand projet de conception du détecteur de particules ATLAS au CERN (Centre Européen de Recherche Nucléaire). Pour cela, il définit a priori un espace maximum pour chaque sous-système du détecteur, attribué à chaque équipe de concepteurs. Le premier but est de permettre à chaque équipe de travailler, de la manière la plus indépendante possible des autres, en levant (de manière fictive) l'indétermination portant sur les sous-structures voisines. Le deuxième but est de définir un objet sur lequel pourront avoir lieu les discussions et les négociations : elles porteront sur cette surface « enveloppe », frontière entre deux espaces attribués. Cette stratégie contractuelle a aussi été observée par Jean-Claude Moisdon et Benoît Weil (1992, p. 41) : lors de la conception d'une voiture, « les techniciens [de bureau d'études] prévoient au départ des marges de manœuvre importantes, en affichant des contraintes plus fortes qu'ils doivent effectivement observer », qu'il est ensuite possible de négocier. Cette stratégie permet la conception simultanée de deux sous-structures interdépendantes, par deux concepteurs différents.

La deuxième stratégie de coordination consiste à prendre en compte ce qui est déjà conçu par les autres concepteurs pour venir s'adapter dessus. Cette stratégie que nous qualifions d’opportuniste correspond à l'idée de Pascal Béguin lorsqu'il décrit « l'intégration technique » dans la conception de circuits électriques comme « la prise en compte de la production d'autrui à titre de composante dans sa production propre » (Béguin, 1994, p. 153). Cette stratégie suppose qu'un concepteur (ou équipe) doive attendre que l'autre concepteur ait fini de concevoir sa sous-structure avant de concevoir celles qui en dépendent. Afin qu’un concepteur ne soit pas bloqué, en attente d’informations produites par un autre concepteur, la stratégie « opportuniste » doit

s’accompagner d’une planification de la conception des sous-structures en fonction de leur distribution entre les concepteurs et des contraintes qui les lient.

Ce que nous retenons de commun entre toutes ces pratiques, c’est que, dans un projet de conception distribuée, il est nécessaire d’anticiper le lieu des interfaces, c’est-à-dire les sous-structures concernées, dès le début du travail simultané de différentes équipes. Soit pour définir des espaces enveloppes réservés à chaque sous-structure. Soit pour faire la planification de la conception des sous-structures en fonction des besoins d’informations aux interfaces.

Les premières consignes données aux étudiants vont dans ce sens :

« donnez les limites d ‘encombrement des sous-structures dont vous êtes responsables, au groupe distant avec lequel vous êtes jumelés »

« Fixer les contraintes d’un groupe sur l’autre ».

C’est pourquoi la méthode de conception des interfaces que nous prenons comme référence consiste à :

1. Anticiper le lieu des interfaces et définir des espaces enveloppes ou planifier la conception des sous-structures en prenant en compte les contraintes d’interface 2. Définir et communiquer au groupe jumelé les paramètres déterminant l’interface 3. Prendre en compte les informations communiquées sur les paramètres

déterminant l’interface lors de la conception des sous-structures

4. Hypothèses sur les sources de difficultés

La conception des interfaces, nécessaire pour assurer la compatibilité des différentes sous-structures conçues par chacun des deux groupes jumelés, impose d'abord des contraintes dans les activités que chacun des groupes doit effectuer de son côté. La première contrainte est que ces activités doivent être coordonnées. La deuxième est que, lors de la conception d'une sous-structure, les étudiants doivent prendre en compte l'existence potentielle des sous-structures à la charge du groupe jumelé, qui ne sont pas dessinées sur leur feuille de calque. Ensuite, la conception des interfaces passe par la communication à distance des paramètres déterminant l’interface.

4.1. Anticiper les problèmes d'incompatibilités aux