4.5 Le cas G d’ordre impair
En g´en´eral, l’action du groupeG fournit donc un surplus d’informations qui se retrouvent dans la suite spectrale de poids ´equivariante, compliquant l’appr´ehension de celle-ci. L’homo-logie ´equivariante semble elle-mˆeme contenir tant d’informations qu’elle paraˆıt difficile `a in-terpr´eter (en tout cas g´eom´etriquement), sans passer par les suites spectrales qui y convergent. Cependant, si le groupe Gest d’ordre impair, les objets ´equivariants consid´er´es vont sim-plement correspondre aux invariants sous l’action induite des objets avec action consid´er´es pr´ec´edemment. Cela tient au fait que les chaˆınes, et a fortiori les homologies, consid´er´ees sont `a coefficients dansZ2. En effet, si Gest d’ordre impair, l’anneau Z2[G] est semi-simple en vertu du th´eor`eme de Maschke :
Th´eor`eme 4.5.1. ([7] Theorem 2.1.1) Soient G un groupe fini et k un corps. Alors k[G] est semi-simple si et seulement si la caract´eristique de k ne divise pas l’ordre du groupe.
Or, dans le cas o`uk[G] est semi-simple, toutk[G]-module est `a la fois projectif et injectif. En particulierk, muni de son action triviale deG, l’est et une r´esolution dekpar desk[G]-modules projectifs est alors
...→0→k→k→0.
Ainsi, pour toutk[G]-moduleM, la cohomologie du groupeG`a valeurs dansM est donn´ee par
Hn(G, M) =Homk[G](k, M) =MG pourn= 0, 0 sinon.
De plus, la condition de semi-simplicit´e dek[G] est ´egalement ´equivalente au fait que toute suite exacte courte de k[G]-modules soit scind´ee ([7]). En particulier, le foncteur ΓG qui `a un
k[G]-module associe l’ensemble de ses ´el´ements invariants sous l’action deG est donc exact si la caract´eristique du corpsk ne divise pas l’ordre de G.
Soit donc G un groupe d’ordre impair. Dans le cas qui nous int´eresse, comme la ca-ract´eristique du corps Z2 ne divise pas l’ordre de G, on a pour toutZ2[G]-moduleM,
Hn(G, M) =
(
MG sin= 0 0 sinon.
De mˆeme, le complexe double associ´e au foncteur L est r´eduit `a une unique colonne non nulle p= 0, dans le cas o`u l’on consid`ere la r´esolution projective
...→0→Z2 →Z2 →0 : pour K∗ un G-complexe,
L∗(K∗) = (K∗)G.
Ainsi, pour toutn, l’homologie deG `a valeurs dans leG-complexe K∗ se r´eduit `a
Hn(G, K∗) =Hn(L∗(K∗)) =Hn (K∗)G= (Hn(K∗))G,
Notons enfin que les suites spectrales IE etIIE associ´ees `a K∗ co¨ıncident et convergent au niveau 2 : IEp,q2 =H−p(G, Hq(K∗)) = ( (Hq(K∗))G=Hq (K∗)G si p= 0 0 sinon IIEp,q2 =Hq H−p(G, K∗)= ( Hq (K∗)G = (Hq(K∗))G sip= 0 0 sinon
Soit maintenant X une G-vari´et´e alg´ebrique r´eelle. Alors, d’apr`es ce que l’on vient de voir, l’homologie ´equivariante de X est constitu´ee des classes d’homologie de X invariantes sous l’action deG:
Hk(X;G) =Hk(G, C∗(X)) = (Hk(C∗(X)))G = (Hk(X))G pour toutk.
De mˆeme, la suite spectrale de poids ´equivariante est obtenue en appliquant le foncteur ΓG `
a la suite spectrale de poids avec action. En effet,
ΩC∗G(X) =L∗(WC∗(X)) = (WC∗(X))G et, le foncteur ΓG ´etant exact, pour tous r,p,q, on a
GEp,qr = Ep,qr G.
En particulier, cela nous permet de cerner les termes non nuls de la suite spectrale de poids ´equivariante r´eindex´ee dans le triangle de sommets (0,0), (0, d) et (d,0) (si X est de dimensiond), et donc de retrouver les nombres de Betti virtuels ´equivariants dans le cas o`u le groupeGest d’ordre impair :
Proposition 4.5.2. Soit G un groupe fini d’ordre impair. Pour toute G-vari´et´e alg´ebrique r´eelle X et pour tout q, le q-i`eme nombre de Betti virtuel ´equivariant de X ([12]) est obtenu comme somme altern´ee sur les dimensions des termes de la ligneq de la suite spectrale de poids ´
equivariante :
βqG(X) =X
p
(−1)pdimZ2GEep,q2 .
D´emonstration. La suite exacte longue d’additivit´e pour une inclusion ferm´ee ´equivariante est dans ce cas finie (les termes d’abscissep≤0 sont nuls), d’o`u l’additivit´e de la somme altern´ee siG est d’ordre impair.
De plus, si X est compacte non singuli`ere, GEep,q2 =
e E2p,q G = 0 si p6= 0 et G e E02,q =Ee02,qG= (Hq(X))G=Hq(X;G).
Chapitre 5
R´ealisation de la filtration par le
poids ´equivariante et invariants
additifs
Soit Gun groupe fini.
Afin de r´ealiser le complexe de poids ´equivariant, il suffit d’appliquer le foncteur L `a un complexe filtr´e qui r´ealise le complexe de poids avec action.
On va en particulier s’int´eresser au complexe filtr´e r´ealis´e via les filtrations g´eom´etrique et Nash-constructible, qui co¨ıncident sur lesG-vari´et´es alg´ebriques r´eelles. En effet, cela nous per-mettra de construire des invariants additifs sur lesG-vari´et´es alg´ebriques r´eelles dont diff´erents indices tendent `a penser qu’ils pourraient r´ealiser, notamment dans le cas G = Z/2Z, les nombres de Betti virtuels ´equivariants que G. Fichou a d´efini dans [12]. Ce sont les uniques invariants additifs d´efinis sur la cat´egorie des G-vari´et´es alg´ebriques r´eelles co¨ıncidant avec les dimensions des groupes d’homologie ´equivariante sur les vari´et´es compactes non singuli`eres.
5.1 Les filtrations g´eom´etrique et Nash-constructible ´equivariantes
On a vu que le foncteur qui associait `a une G-vari´et´e alg´ebrique r´eelle X son complexe des chaˆınes semi-alg´ebriques `a supports ferm´es muni de la filtration g´eom´etriqueGC∗(X) sur lequelGagit par fonctorialit´e r´ealise le complexe de poids avec action (3.2.5). En le composant avec le foncteurLqui pr´eserve les quasi-isomorphismes filtr´es, on obtient alors un foncteur qui r´ealise le complexe de poids ´equivariant (et qui est d´efini au niveau des chaˆınes, en fixant une r´esolution projective de Z ouZ2 surZ[G], resp.Z2[G]) :
D´efinition et Proposition 5.1.1. Pour X uneG-vari´et´e alg´ebrique r´eelle, on noteΛCG
∗ (X) le complexe L(GC∗(X)) de C−, et on le nomme complexe g´eom´etrique ´equivariant de X.
Le foncteur
ΛC∗G:SchGc(R)→ C− ; X7→ΛC∗G(X) obtenu ainsi r´ealise le complexe de poids ´equivariant (dansH◦ C−).
Remarque 5.1.2. On a vu (2.6.12) que les foncteursGC∗ etNC∗co¨ıncidaient surSchc(R). Dans la suite, on privil´egiera la d´efinition de cette r´ealisation du complexe de poids par les fonctions Nash-constructibles.
La r´ealisation du complexe de poids ´equivariant (d`es le niveau des chaˆınes) par cette filtra-tion va nous permettre de d´eceler une additivit´e que l’on ne parvenait pas `a lire sur la suite spectrale de poids ´equivariante.
En effet, le caract`ere scind´e de la suite exacte courte d’additivit´e (au niveau des chaˆınes) de la filtration Nash-constructible induit un invariant additif obtenu `a partir de l’une des deux suites spectrales qui convergent vers les termes de la page 2 de la suite spectrale de poids ´
equivariante :
Proposition 5.1.3. SoitY ⊂X une inclusion ferm´ee ´equivariante dansSchGc(R). Pour toutq
et tout i, on a une suite exacte longue finie
· · · →IIqEi,j2 (Y)→IIqEi,j2 (X)→IIqE2i,j(X\Y)→IIqE2i,j−1(Y)→ · · ·,
o`uIIqEi,j2 =HjH−iG,Ee∗1,qest le termeIIqE2 de la suite spectrale (associ´ee `a la r´ealisation du complexe de poids par la filtration Nash-constructible) qui converge vers la ligneq des termes
G
e
E2 de la suite spectrale de poids ´equivariante. D´emonstration. Les suites exactes courtes
0→ NpCk(Y)→ NpCk(X)→ NpCk(X\Y)→0
sont scind´ees par le morphisme d’adh´erencec∈ NpCk(X\Y)7→c∈ NpCk(X). Elles induisent alors l’exactitude et le caract`ere scind´e des suites
0→E0p,q(Y)→Ep,q0 (X)→Ep,q0 (X\Y)→0.
De plus, tous les morphismes consid´er´es sont ´equivariants par rapport aux actions induites de G.
Fixonspetq. La suite exacte pr´ec´edente induit alors une suite exacte longue de cohomologie du groupe G:
0→ Ep,q0 (Y)G → Ep,q0 (X)G→ E0p,q(X\Y)G→
→H1 G, Ep,q0 (Y)→H1 G, Ep,q0 (X)→H1 G, Ep,q0 (X\Y)→. . .
Le morphisme scind´eEp,q0 (X)→Ep,q0 (X\Y) induit des morphismes scind´esHk G, Ep,q0 (X)
→
Hk G, Ep,q0 (X\Y)
pour toutk, qui sont en particulier surjectifs. Pourk≥0 fix´e, le noyau du morphismeHk+1 G, E0
p,q(Y)
→Hk+1 G, E0
p,q(X)
, qui est l’image deHk G, E0
p,q(X\Y)
→
Hk+1 G, Ep,q0 (Y), est donc r´eduit `a 0. On obtient alors des suites exactes courtes
0→Hk G, Ep,q0 (Y)→Hk G, Ep,q0 (X)→Hk G, Ep,q0 (X\Y)→0 pour toutk.
5.1. LES FILTRATIONS G ´EOM ´ETRIQUE ET NASH-CONSTRUCTIBLE ´EQUIVARIANTES85
Ainsi, pour tout k, en appliquant le foncteur Hk(G,·) aux suites exactes courtes de com-plexes
0→Ep,0∗(Y)→Ep,0∗(X)→Ep,0∗(X−Y)→0,
on obtient de nouvelles suites exactes courtes
0→Hk G, Ep,0∗(Y)→Hk G, Ep,0∗(X)→Hk G, Ep,0∗(X\Y)→0.
En particulier, fixons q et i et rappelons que Ee∗1,q = E−0q,∗+2q. Alors, on a la suite exacte courte
0→H−i G, E−0q,∗+2q(Y)→H−i G, E−0q,∗+2q(X) →H−i G, E−0q,∗+2q(X\Y)→0,
qui induit la suite exacte longue d’homologie
. . .→Hj H−i G, E−0q,∗+2q(Y)→Hj H−i G, E−0q,∗+2q(X)→
→Hj H−i G, E−0q,∗+2q(X\Y)→Hj−1 H−i G, E0−q,∗+2q(Y)→. . . ,
i.e. la suite exacte longue
. . .→IIqEi,j2 (Y)→IIqEi,j2 (X)→IIqE2i,j(X\Y)→IIqEi,j2 −1(Y)→. . .
Ces suites exactes longues (finies car les complexesEe∗1,q sont born´es) induisent des invariants additifs.
Remarque 5.1.4. Le fait que les suites exactes courtes
0→ NpCk(Y)→ NpCk(X)→ NpCk(X\Y)→0
soient scind´ees par un morphisme ´equivariant induit de la mˆeme fa¸con des suites exactes courtes 0→Hn(G,NpCk(Y))→Hn(G,NpCk(X))→Hn(G,NpCk(X\Y))→0.
Les suites exactes courtes de complexes associ´ees induisent alors des suites exactes longues d’homologie.
En particulier, on obtient la suite exacte longue (finie) d’homologie des paires (NpC∗)G,(NpC∗)G:
Hk (NpC∗(Y))G (Np−1C∗(Y))G →Hk (NpC∗(X))G (Np−1C∗(X))G →Hk (NpC∗(X\Y))G (Np−1C∗(X\Y))G →Hk−1 (NpC∗(Y))G (Np−1C∗(Y))G