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Chapitre 3. Récepteur aux hormones thyroïdiennes alpha

2. Mécanismes d’actions de TR

2.3. Cas des gènes négativement régulés

Plusieurs études ont mis en évidence par le biais de micropuces à ADN, l’existence de gènes négativement régulés par T3 dans des lignées de cellules hépatiques, de fibroblastes mais également dans le foie qui est un organe cible de l’hormone thyroïdienne (Feng, Jiang et al. 2000; Moeller, Dumitrescu et al. 2005; Ventura-Holman, Mamoon et al. 2007). Pourtant peu de travaux portent sur la régulation négative par TR de ces gènes et les mécanismes de cette régulation sont encore mal compris. Il est maintenant bien établi que TR interagit avec la région promotrice des gènes négativement régulés par T3 (Chatterjee, Lee et al. 1989; Bodenner, Mroczynski et al. 1991). Plusieurs études ont mis en évidence l’implication in vitro de corépresseurs nucléaires comme NCoR ou SMRT dans l’activation basale de la transcription en absence de T3 (Tagami, Madison et al. 1997; Tagami, Park et al. 1999; Yang, Hong et al. 1999; Kim, Ho et al. 2005). Récemment, l’équipe de Yen a montré dans une lignée de cellules pituitaires que le complexe NCoR/HDAC3 interagit avec la région promotrice du gène qui code pour la TSHD(Thyroid Stimulating Hormone D) et initie la transcription basale de ce gène en absence de T3 (Wang, Xia et al. 2009). En présence de T3, le complexe est libéré de TR entraînant l’acétylation des histones et la répression de l’expression du gène TSHD (Wang, Xia et al. 2009). Cependant une étude fonctionnelle in vivo menée par Demeneix en 2001, met en doute l’implication des corépresseurs dans l’activation en absence de T3 de la transcription des gènes négativement régulés par T3. Effectivement cette étude a démontré par Northern blot et hybridation in situ que l’expression de NCoR et SMRT est incompatible avec la régulation physiologique de TRH (Tyrotropin-Releasing-Hormone)-gène négativement régulé par T3- dans le noyau paraventrivculaire de l’hypothalamus (Becker, Seugnet et al. 2001).

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 Rôle physiologique de TRD dans le cerveau

Avant d’aborder le rôle physiologique de TRD et plus globalement des TR dans le cerveau, il est nécessaire de faire plusieurs remarques.

Le syndrome RTH (Resistance to thyroid hormone) caractérisé par une sensibilité réduite des tissus aux actions de l’hormone thyroïdienne se traduit par des niveaux élevés (et variables) de T3 et T4, des difficultés d’apprentissage, un retard mental, des problèmes d’audition et un retard de croissance osseuse (Weiss et Refetoff 2000; Yoh et Privalsky 2002). La majorité des patients RTH sont hétérozygotes avec un gène Thrb muté ; la mutation correspondant généralement à l’incapacité de TRE à répondre à T3 de manière appropriée. Aucun patient diagnostiqué pour un syndrome RTH ne présente de mutation du gène Thra. Par ailleurs un scan du gène Thra dans plusieurs syndromes psychiatriques n’a mis en évidence aucune mutation (Feng, Yan et al. 2001). Ceci semble étayer que les mutations de Thra puissent être létales.

Il est important de signaler par ailleurs que le phénotype des doubles mutants TRD -/-TRE

est moins sévère que celui des souris affectées par l’hypothyroïdie congénitale. Deux études ont caractérisé en 1999, le phénotype de souris TRD

-/-TRE

-/-. Ces souris double mutantes obtenues par inactivation des gènes Thra et Thrb présentent seulement une part réduite des phénotypes observés en cas d’hypothyroïdie congénitale, à savoir un retard de croissance, une hyperactivité de l’axe pituitaire-thyroïde, une maturation retardée des os et de l’intestin et une mortalité post-natale (Gauthier, Chassande et al. 1999; Göthe, Wang et al. 1999). Aucun récepteur à T3 n’a été détecté dans les tissus de ces souris TRD

-/-TRE

-/-, ainsi il est possible d’affirmer que l’absence de toutes les isoformes de TR et l’absence d’hormone en cas d’hypothyroïdie congénitale ont des effets différents. Ces travaux permettent également de privilégier l’hypothèse d’une répression inappropriée des apo-récepteurs (si l’on considère uniquement le cas des gènes positivement régulés par T3) et non d’une activation insuffisante des gènes pour expliquer les conséquences de l’hypothyroïdie congénitale. A ce sujet, Bernal conforte l’idée d’une action permissive des hormones qui libéreraient les fonctions régulées par TR. Au contraire en l’absence de ligand, la signalisation aberrante de TR expliquerait les troubles observés en cas d’hypothyroïdie (Bernal 2007).

Les souris déficientes en TRD1 ne présentent pas de signes évidents d’altération globale du système nerveux central alors que l’isoforme TRD1 représente 70 à 80 % des TR exprimés dans le cerveau (Ercan-Fang, Schwartz et al. 1996). De façon intéressante Morte et al. ont montré en 2002 que les souris TRD1

en hypothyroïdie ont une différenciation des cellules de Purkinje et une migration des cellules granulaires du cervelet normales alors que les souris WT en hypothyroïdie présentent un retard de migration des cellules granulaires et un arrêt de croissance des cellules de Purkinje (Morte, Manzano

52 et al. 2002). Ce travail supporte l’idée qu’une répression par l’aporécepteur TrD1 et non l’absence de T3 serait à l’origine des dommages causés en cas d’hypothyroïdie et met en évidence l’importance de TRD1 dans les processus de développement cérébral.

Au niveau du système nerveux central, plusieurs conséquences de l’hypothyroïdie ont été rapportées, à savoir la diminution de la myélinisation, la réduction des arborisations et une migration défectueuse des cellules GABAergiques, la différenciation neuronale (Ausó, Lavado-Autric et al. 2004; Venero, Guadaño-Ferraz et al. 2005; Bernal 2007; Gilbert, Sui et al. 2007; Wallis, Sjögren et al. 2008). Nous développerons dans le prochain paragraphe, le rôle de TRD dans quelques uns de ces processus.

L’étude du rôle physiologique de TRD a fait appel à plusieurs modèles animaux. Il s’agit principalement de souris déficientes en TRD1, (TRD1

-/-) et de souris déficientes pour toutes les isoformes de TRD (TRDo/o

). Un modèle également intéressant développé par l’équipe de Vennström, consiste en une souris hétérozygote (TRD1+/m

) exprimant un gène TRD1 avec la mutation R384C entraînant une affinité avec le ligand T3 dix fois plus faible qui agit donc comme aporécepteur (Tinnikov, Nordström et al. 2002). Ces différentes souris mutantes présentent des troubles comportementaux similaires. En effet les souris TRD1

-/-, TRDo/o

et TRD1+/m

confrontées à différents tests comportementaux tels que le test en espace ouvert (open field), le test de nage forcée, le test de conditionnement de peur ou le test « rotarod » manifestent une augmentation de l’anxiété, une diminution du comportement exploratoire et un dysfonctionnement locomoteur (Tinnikov, Nordström et al. 2002; Guadano-Ferraz, Benavides-Piccione et al. 2003; Venero, Guadaño-Ferraz et al. 2005; Wilcoxon, Nadolski et al. 2007; Pilhatsch, Winter et al. 2010). Les souris TRDo/o

testées dans la piscine de Morris révèlent également des troubles d’apprentissage (Wilcoxon, Nadolski et al. 2007) et les souris TRD1+/m

un déficit dans une tâche de reconnaissance d’objets à long terme (Venero, Guadaño-Ferraz et al. 2005). Les souris TRD1+/m

ont par ailleurs été caractérisées par une résistance marquée aux crises induites par le pentylenetetrazole qui est un antagoniste des canaux chlore associés au récepteur GABAA , à la fois in vivo et in vitro (Hadjab-Lallemend, Wallis et al. 2010). Ces différents troubles pourraient être corrélés avec des altérations de l’hippocampe. Les troubles d’apprentissage, observés chez la souris TRDo/o

sont par exemple corrélés avec une diminution chez ces souris de l’expression au niveau de l’hippocampe de gènes impliqués dans les processus d’apprentissage à savoir GAP-43 (Growth-Associated Protein 43), de la neurogranine et du récepteur aux glucorticoïdes (Wilcoxon, Nadolski et al. 2007). Ces résultats soulignent le rôle fonctionnel de TRD dans les processus de mémorisation dépendante de l’hippocampe. D’autre part des modifications de la neurotransmission GABAergiques ont été détectées chez différentes souris mutantes. Guadano-Ferraz et al. ont observé en 2003 par immunomarquage de GAT-1 (GABA tranporter 1) et de parvalbumine, des marqueurs spécifiques des interneurones GABAergiques, une réduction significative des terminaisons GABAergiques dans le CA1 chez ces souris TRD1

53 WT (Guadano-Ferraz, Benavides-Piccione et al. 2003). Chez les souris TRD1+/m

une diminution du nombre d’une sous-population d’interneurones GABAergiques, les cellules exprimant la parvalbumine dans la même région de l’hippocampe, a également été mise en évidence (Venero, Guadaño-Ferraz et al. 2005). Ceci laisse penser à une implication spécifique de TRD1 dans le système GABAergique et donc le circuit inhibiteur de l’hippocampe. De façon intéressante Kapoor et al. ont mis en évidence tout récemment une diminution du nombre de progéniteurs neuronaux ainsi qu’une diminution de la différentiation neuronale dans l’hippocampe de souris TRD1+/m

adulte soulignant le rôle de TRD1 dans la neurogenèse adulte de l’hippocampe (Kapoor, van Hogerlinden et al. 2010).

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