• Aucun résultat trouvé

Partie iii l ’application du cadre conceptuel au Québec

3.1.2 Le cas des fondations au Québec

Les fondations font désormais partie de la définition de l’économie sociale dans plusieurs pays du monde, notamment en Europe : «Foundations and some other country-specific organisations (such as charities in the

United Kingdom) are also often considered under [the heading of association]» (Defourny, 2004, p. 4). Au

Québec, les fondations ne sont généralement pas reconnues comme faisant partie de l’économie sociale. Par ailleurs, la consultation a révélé que certaines d’entre elles sont considérées faire partie du champ, par « exception », telle Centraide du Grand Montréal.

Nous explorons ici s’il existe des caractéristiques empiriques observables qui permettent de trier les fondations faisant partie du champ de l’économie sociale au Québec de celles qui en sont exclues. Cette réflexion pourra éventuellement servir aussi à la comparaison avec les données d’autres pays.

Au Canada, le statut de fondation est essentiellement relié au concept d’organisme de bienfaisance80, qui

regroupe les œuvres de bienfaisance, les fondations privées et les fondations publiques. Être reconnu comme fondation de bienfaisance procure un avantage fiscal81. Le SCIAN repère aussi aisément les fondations en les

catégorisant sous le code 8132 « Fondations et organismes de charité » (Statistique Canada, 2007b, p.57).

80. « Selon la Loi de l’impôt sur le revenu, il y a trois types de désignations pour les organismes de bienfaisance enregistrés : œuvre de bienfaisance, fondation publique et fondation privée. » (Agence du revenu du Québec. 2005. Sommaire de la politique. En ligne. < http://www.cra-arc.gc.ca/chrts-gvng/chrts/plcy/csp/csp-d02-fra.html>. Consulté le 5 septembre 2011.

ChaIre de reCherChe du Canada en éConomIe soCIale | ColleCtIon reCherChe – no r-2011-02 |

partIe III – l’applICatIon du Cadre ConCeptuel au québeC

63

3.1.2.1 Fondation privée ou publique

Pour évaluer si une fondation fait partie du champ de l’économie sociale, nous pouvons vérifier la correspondance aux critères de qualification que nous avons élaborés. Par ailleurs, avant de tester si une fondation est d’économie sociale, il faut s’assurer qu’elle ne soit pas administrée par une organisation préalablement exclue du champ, c’est-à-dire qu’elle n’est pas administrée à des fins religieuses, politiques, syndicales ou professionnelles, qu’elle n’est pas une fondation reliée à un organisme du secteur public comme un hôpital ou une université et qu’elle n’est pas administrée par une entreprise à capital-actions, une entreprise individuelle ou une société. Par le critère de la gouvernance démocratique, il est aussi nécessaire d’exclure toutes les fondations administrées par une seule personne ou par une même famille, ce qui est le cas d’une partie des fondations privées82.

Le tableau 3.1 présente les différences entre la fondation privée et la fondation publique, en lien avec les critères retenus pour qualifier l’économie sociale au Québec. Une première différence concerne l’autonomie et l’indépendance des dirigeants. Dans les fondations publiques, « plus de 50 % de ses dirigeants doivent être sans lien de dépendance entre eux » (ARC, 2011), c’est-à-dire que « plus de 50 % des administrateurs, dirigeants, fiduciaires ou autres responsables traitent entre eux et avec chacun des autres administrateurs, dirigeants, fiduciaires ou responsables sans lien de dépendance ». Pendant que, dans les fondations privées, la majorité de ses dirigeants « peuvent être avec lien de dépendance entre eux » (ARC, 2011). Une deuxième différence peut relever de la provenance des fonds. En effet, les fondations privées peuvent recevoir la plus grande partie de leurs dons d’une seule source principale, au contraire des fondations publiques qui reçoivent habituellement leurs dons d’une multitude de sources indépendantes.

On constate ainsi qu’il est plus probable de trouver des fondations d’économie sociale du côté des fondations publiques que de celui des fondations privées, à l’aune du critère autonomie et indépendance. Néanmoins, les fondations privées ne sont pas complètement exclues. En effet, plusieurs organisations d’économie sociale ont mis sur pied des fondations qu’elles contrôlent (exemple, Fondation SSQ Groupe financier); celles-ci sont donc susceptibles de faire partie de l’univers de référence. Dans ces cas, c’est le modèle logique des filiales qui s’applique (voir section 2.5.4.4 et figure 2.5).

Tableau 3.1

Comparaison entre les fondations publiques et les fondations privées en lien avec les critères de l’économie sociale selon l’agence de revenu du Canada et la loi de l’impôt sur le revenu du Canada

Critères et autres spécificités de l’économie sociale

Fondation privée Fondation publique Marque une

différence entre les deux types Distribution limitée ou interdite des excédents

« ses revenus ne peuvent être utilisés pour le bénéfice personnel de ses membres, de ses actionnaires ou de ses dirigeants. » (ARC, 2011)

« Société ou fiducie constituée et administrée exclusivement à des fins de bienfaisance, dont aucun revenu n’est payable à un propriétaire, membre, actionnaire, fiduciaire ou auteur de la fiducie ou de la société ou ne peut par ailleurs être disponible pour servir au profit personnel de ceux-ci » (Canada, 2011b, art. 149.1, « Fondation de bienfaisance »)

« ses revenus ne peuvent être utilisés pour le bénéfice personnel de ses membres, de ses actionnaires ou de ses dirigeants. » (ARC, 2011)

« Société ou fiducie constituée et administrée exclusivement à des fins de bienfaisance, dont aucun revenu n’est payable à un propriétaire, membre, actionnaire, fiduciaire ou auteur de la fiducie ou de la société ou ne peut par ailleurs être disponible pour servir au profit personnel de ceux-ci » (Canada, 2011b, art. 149.1, « Fondation de bienfaisance »

Non

82. « Fondation privée : [...] 50 % de ses dirigeants ou plus peuvent être avec lien [sic] de dépendance entre eux ; reçoit habituellement la majorité de son financement d’un donateur ou d’un groupe de donateurs qui sont avec lien de dépendance ; [...] » (Agence de revenu du Canada, 2011).

Tableau 3.1 (suite)

Comparaison entre les fondations publiques et les fondations privées en lien avec les critères de l’économie sociale selon l’agence de revenu du Canada et la loi de l’impôt sur le revenu du Canada

Critères et autres spécificités de l’économie sociale

Fondation privée Fondation publique Marque une

différence entre les deux types Production organisée de biens et de services

« mène ses propres activités de bienfaisance et/ou finance d'autres donataires reconnus (par ex. des organismes de bienfaisance enregistrés) ; » (ARC, 2011)

« donne habituellement plus de 50 % de ses revenus annuels à d'autres donataires reconnus (par ex. des organismes de bienfaisance enregistrés), mais peut mener elle-même ses propres activités de bienfaisance ; » (ARC, 2011)

Non

Autonomie et

indépendance « 50 % de ses dirigeants ou plus peuvent être avec lien de dépendance entre eux ; » (ARC, 2011)

« plus de 50 % de ses dirigeants doivent être sans lien de dépendance entre eux ; » (ARC, 2011)

« plus de 50 % des administrateurs, dirigeants, fiduciaires ou autres responsables traitent entre eux et avec chacun des autres administrateurs, dirigeants, fiduciaires ou responsables sans lien de dépendance » (Canada, 2011b, art. 149.1, « Fondation publique »)

Oui

Gouvernance

Démocratique − − Non

Autres spécificités « reçoit habituellement la majorité de son financement d'un donateur ou d'un groupe de donateurs qui sont avec lien de dépendance ; » (ARC, 2011)

« reçoit habituellement son financement de plusieurs donateurs sans lien de dépendance ; » (ARC, 2011)

« au plus 50 % des capitaux qui lui ont été fournis ou qui lui ont été versés, de quelque façon, l’ont été par une personne ou par les membres d’un groupe de personnes ayant entre elles un lien de dépendance ; » (Canada, 2011b, art. 149.1, « Fondation publique »)

Oui, dans certains cas

« est constituée en tant que société ou

fiducie ; » (ARC, 2011) « est constituée en tant que société ou fiducie » ; (ARC, 2011) Non « a des fins qui relèvent exclusivement de

la bienfaisance ; » (ARC, 2011) « a des fins qui relèvent exclusivement de la bienfaisance ; » (ARC, 2011) Non

Sources : Agence du revenu du Canada (ARC, 2011) et Loi de l’impôt sur le revenu du Canada (Canada, 2011b).

3.1.2.2 Vocation de la fondation publique

La vocation d’une fondation est aussi un élément déterminant pour l’évaluation de son appartenance ou non à l’économie sociale. En effet, les fondations à vocation large seraient plus susceptibles de correspondre aux principes de l’économie sociale que les fondations à vocation étroite. La typologie proposée par Fondations philanthropiques du Canada (2004) identifie trois types de fondations publiques : les « fondations communautaires », ayant une vocation large à l’échelle de « la communauté d’une zone géographique ciblée » ; les « fondations à des fins recommandées par le donateur », ayant une vocation plus restreinte car sujette au choix du donateur quant à l’utilisation de sa contribution ; et les « fondations qui sollicitent des fonds », qui

ChaIre de reCherChe du Canada en éConomIe soCIale | ColleCtIon reCherChe – no r-2011-02 |

partIe III – l’applICatIon du Cadre ConCeptuel au québeC

65

ont un seul objectif précis de collecte de fonds, comme le cas des fondations d’hôpitaux ou d’universités. À l’aide de cette typologie, on peut dire que les fondations d’économie sociale seraient fort probablement des fondations publiques de type communautaire. Par ailleurs, la recherche scientifique dans ce domaine est encore à ses débuts au Québec et une évolution du cadre conceptuel est à prévoir dans le traitement des fondations vis-à-vis l’économie sociale.

Fondations communautaires du Canada (FCC) définit la fondation communautaire comme « un organisme philanthropique dont la mission est d’établir des fonds de dotation destinés à répondre aux besoins à long terme et à court terme de la collectivité.

• être officiellement enregistré comme organisme de bienfaisance et être reconnu comme fondation publique exonérée d’impôt auprès de l’Agence du revenu du Canada. Son numéro d’enregistrement reflète son statut d’organisme de bienfaisance ;

• être indépendant et autonome (ne relever ni directement ni indirectement du gouvernement, d’une entreprise, d’une association, d’un particulier, de parents, ou d’un groupe religieux, culturel ou ethnique). Il doit être dirigé par un groupe de bénévoles, habituellement nommés individuellement et qui ont pour mandat de représenter de façon responsable la collectivité qu’ils desservent ;

• avoir un programme de subventions suffisamment large pour assurer le financement de nombreux organismes dans un grand éventail de champs d’intérêt et de segments de la population. Les bénéficiaires doivent être des « donataires reconnus » selon la définition de la Loi de l’impôt sur le revenu ;

• disposer d’une structure qui vise principalement à accroître ses fonds de dotation permanents et non permanents qui incluent des fonds sans restriction destinés à soutenir les divers objectifs caritatifs établis par son conseil d’administration et par ses donateurs ;

• se présenter comme une « fondation communautaire » sans nécessairement avoir les mots « fondation communautaire » dans sa raison sociale ;

• concentrer ses subventions et ses services caritatifs dans une zone géographique bien définie ;

• gérer et investir de façon prudente et responsable les fonds caritatifs et tenir des documents comptables complets et exacts ;

• « surveiller régulièrement ses processus et ses activités internes afin de toujours répondre aux normes de pratique les plus élevées » (FCC, s.d.).

Mentionnons aussi que la définition de « fondation communautaire » existe ailleurs dans le monde, en Europe, notamment, où le European Foundation Centre (EFC) définit les fondations communautaires comme des fondations où :

«donors are members of a community, either individuals, businesses or public bodies, who provide

endowments to a larger organisation that manages the entire portfolio. The community foundation depends on income from these endowments, called funds, for the monies that it will distribute. Use of fund income may be at the discretion of the community foundation’s board, on the advice of the donor, or designated for specific programme subject areas or even specified beneficiaries. The establishment of a fund may be through a bequest» (European Foundation Centre, 1995).

Par ailleurs, faire partie du mouvement des fondations communautaires est un élément suffisant, mais non nécessaire pour faire partie du champ de l’économie sociale, les fondations de ce type n’ayant pas l’obligation de devenir membre d’un regroupement de fondations communautaires.

Le tableau 3.2 résume les critères qu’une fondation publique qui pourrait faire partie de l’économie sociale. Tableau 3.2

indicateurs d’économie sociale pour les fondations

Critères Indicateurs

Distribution limitée ou interdite des excédents Être une fondation enregistrée.

Production organisée de biens et de services Médiation financière (activité d’intermédiation entre les donateurs et les bénéficiaires) et activité de bienfaisance (mène ses propres activités de bienfaisance et/ou finance d'autres donataires reconnus).

Autonomie et indépendance Être autonome d’une autre entité juridique conformément au critère du cadre conceptuel (sauf si cette entité fait partie de l’économie sociale). Gouvernance démocratique Être démocratique conformément au critère du cadre conceptuel. Allocation des fonds Les fonds doivent être, au moins en partie, alloués par les bénévoles-

administrateurs de la fondation plutôt que par les donateurs dans le cas où les donateurs et les administrateurs sont des personnes distinctes.