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2. REVUE DE LITTÉRATURE SUR LES CIRCUITS COURTS

2.3 Cas de figure aux États-Unis

Du côté des voisins du sud, plusieurs études relatent la formation de coopératives et de marchés publics pour contribuer à la souveraineté alimentaire. Il existe dans ce pays une tendance à l’agrandissement perpétuel des organisations en faveur de la profitabilité, ce qui est moins recherché en termes de durabilité selon le contexte québécois. Or, une étude particulière sur le régionalisme de la Nouvelle-Angleterre mérite une entrée plus en détail. Ruhf, consultante en chaîne d’approvisionnement alimentaire, définit dans un article le régionalisme « comme un système dans lequel le plus de nourriture possible est produite, transformée, distribuée et consommée aux différents niveaux sociaux, selon les besoins de la population » (Ruhf, 2015). Ce système résilient doit adapter les variétés des productions selon les préférences alimentaires de sa population. L’offre alimentaire doit être disponible à travers des points de vente variés et mener à la nécessité minimale d’importer. Il mène ultimement à une diminution des importations et la création de retombées socioéconomiques bénéfiques. (Ruhf, 2015) Le régionalisme permet le rapprochement d’acteurs sur un vaste territoire, ce qui est socialement bénéfique.

L’auteure reconnait qu’il est improbable de devenir complètement indépendant des systèmes d’approvisionnement alimentaire conventionnels, mais que le régionalisme permet d’augmenter l’autosuffisance à moyenne échelle. Elle soutient que les systèmes régionaux sont plus aptes à répondre aux perturbations que les systèmes locaux, grâce aux plus grands volumes et à la plus grande diversité. Le régionalisme est également plus flexible que les systèmes nationaux, et offre des canaux de communications efficaces pour s’adapter aux changements. D’abord, le régionalisme peut être définit de plusieurs façons : relations politiques et administratives, relations géographiques aux barrières naturelles ou encore relations culturelles. L’interdépendance des centres urbains et ruraux doit être encouragée, car le régionalisme ne se limite pas aux barrières géographiques, mais comprend également la dépendance aux aléas naturels, aux ressources naturelles locales et aux relations

économiques, politiques et sociales régionales. (Ruhf, 2015) La taille géographique du régionalisme contribue à son optimisation.

Cette alternative permet de rapprocher les acteurs d’une région donnée et de contenir des risques humains et environnementaux potentiels causant des interruptions dans les chaînes d’approvisionnement conventionnelles. Diverses situations peuvent être cause d’interruption mondiale : aléas naturels, épuisement des ressources en eau et en énergie, conflit sociaux et politiques. Pour y remédier, le régionalisme prône la durabilité et la flexibilité en agriculture. Ainsi, les conditions théoriques d’un régionalisme sont les suivantes :

« augmentation de la production locale ; chaîne de distribution régionale stable et efficace, comprenant des distances de transports écourtées ; maintien et promotion des pratiques d’agriculture écologique ; diversification des productions, des pratiques, des grandeurs d’organisations et des marchés ; inclusion de la saisonnalité et de la réduction de la consommation de viande rouge dans les habitudes alimentaires » (Ruhf, 2015 : Traduction libre).

L’optimisation des transports régionaux s’avère d’ailleurs moins émettrice en GES qu’un système de proximité qui comprend plusieurs transports en circuits courts non optimisés. De plus, Ruhf soutient que l’État et la société civile doivent soutenir les initiatives à travers des programmes de reconnaissance et de financement. (Ruhf, 2015)

La Nouvelle-Angleterre est une région composée de six états américains, collés ou limitrophes aux frontières québécoise et canadienne. Le Vermont, le Maine, le Massachusetts, le New Hampshire, le Connecticut et le Rhode Island évoluent en étroite collaboration au sein d’un système unique. Le contexte fait en sorte que les trois états du nord produisent en plus grandes quantités, alors que les trois états du sud possèdent les bassins de population plus importants. Les échanges parviennent à équilibrer la répartition efficiente des denrées, et différents programmes contribuent à l’approvisionnement institutionnel et commercial, notamment auprès des supermarchés régionaux. Pour faciliter la relève et l’achat de lots agricole, un système en ligne centralisé en permet le repérage. (Ruhf, 2015)

Les systèmes de commercialisation collaborative en coopératives sont également répandus aux États- Unis, et constituent une forme d’agriculture alternative selon la littérature. Selon Amy Trauger, enseignante spécialisée en agriculture de l’université de Géorgie, le mouvement Back-to-the-land dans le centre-sud de la Pennsylvanie est à l’origine de la création de la Tuscarora Oganic Grower co- operative (TOG). Back-to-the-land est un mouvement protestataire de l’évolution accélérée de l’agriculture en faveur de la mondialisation, né lors de la seconde moitié du siècle dernier. Il s’agit d’un mouvement populaire inclusif qui vise la durabilité de l’agriculture et de ses pratiques. La coopérative TOG regroupe 13 fermes familiales et biologiques et son rôle est de leur permettre d’intégrer les supermarchés, les coopératives alimentaires et les restaurants locaux. La coopérative se

définit comme la rencontre entre un système de distribution capitaliste et des pratiques agraires socialistes. (Trauger, 2007)

Une autre coopérative à laquelle le Québec, et plus précisément l’Estrie, contribue est Deep Root Organic Co-op. Il s’agit d’une bannière où des fermes familiales peuvent se rassembler afin d’avoir une offre plus stable. Cette bannière permet donc à quelque 24 fermes familiales d’offrir entre 85 000 et 100 000 paniers de fruits et légumes biologiques annuellement et par le fait même de pénétrer un large marché concurrentiel sur la côte-est américaine. L’offre est distribuée aux États-Unis seulement, mais elle rassemble des organisations qui ont des buts sociaux, économiques et culturels communs et qui se partagent équitablement les revenus. De surcroit, cette coopérative stimule l’entraide directe entre les fermiers à travers des services de transfert du savoir agricole, de cours et des forums d’apprentissage. Des fermiers d’expérience peuvent devenir mentors de novices notamment pour élargir leurs variétés de fruits et légumes cultivés, apprendre de nouvelles techniques de production, connaitre les nouvelles technologies et rester au fait des standards du marché biologique. (Deep Root Organic Co-op, 2016) La proximité géographique met l’Estrie dans une position avantageuse pour participer au marché américain.

2.3.1 État de la gouvernance agroalimentaire aux États-Unis

Aux États-Unis, le département d’agriculture (USDA) détient et révise périodiquement un Agriculture Improvement Act, aussi nommé le Farm Act. Il prévoit un budget et sa distribution dans les systèmes agroalimentaires nationaux, ce qui concerne principalement les programmes de saine nutrition et l’assurance production, ainsi que la conservation, la recherche et la commercialisation de manière moins importante. (United States Department of Agriculture, 2019) Par ailleurs, certains états et villes sont dotés de politique d’approvisionnement agroalimentaire local, comme l’Illinois, l’Alaska et Chicago (Lafrance et al., 2019). Ce sont des initiatives acteurs gouvernementaux des différents États, qui jouissent d’une certaine autonomie sur ce plan.

Or, de par la nature des dynamiques sociopolitiques non interventionnistes intrinsèques des États-Unis, les programmes de soutien étatiques pour l’agriculture et ses formes alternatives sont moins accentués qu’au Québec. Ainsi, bien que quelques programmes facilitent le repérage de fermes et de sources d’approvisionnement de proximité pour plusieurs ménages américains, il s’avère que les formes alternatives d’agriculture se rassemblent surtout sous forme de réseaux, de systèmes d’approvisionnement alimentaire et de coopératives localisés.