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Chapitre I Etat de l’art

3.3 La faune du sol et les Technosols construits

3.3.2 Cas de la construction de sol

3.3.2.1

La faune du sol est présente dans des sols construits à partir de boues d’épuration (chaulées, digérées ou non digérées) et/ou d’écorces (compostées ou non) et/ou de sable et/ou de mull (Huhta et al., 1979) : macrofaune (vers de toutes catégories écomorphologiques, macroarthropodes (chilopodes, araignées, coléoptères, larves de diptères), mésofaune (collemboles de toutes catégories écomorphologiques, acariens, enchytréides, nématodes) y sont présents. Encore une fois, les contraintes de dispersion et d’habitat vont jouer un rôle crucial dans la dynamique de successions des communautés. Lors de sa construction, le sol est en effet quasiment vierge de faune, ce qui joue sur les contraintes de dispersion, et l’Homme maitrise la formulation du sol, ce qui joue sur les contraintes d’habitat. Les interactions biotiques interviendront dans une moindre mesure.

Réponses de la faune du sol

Il en résulte ainsi que (i) les nématodes sont présents dans les matériaux utilisés dans la construction de sol et les insectes volants pondent des larves pendant quelques jours puis disparaissent progressivement, (ii) les collemboles sont plus nombreux au bout de quelques semaines et (iii) les oribates immigrent à des stades plus avancés. La communauté est dans les premiers stades, typique de celle rencontrée dans les bouses ou les milieux riches en matière organique décomposable. La succession est rapide puis ralentit pour aboutir à une communauté moins spécialisée. Toutefois, les communautés sont très différentes des sols arables témoins (Huhta et al., 1979). Enfin, il semblerait qu’un effet combiné de la toxicité des boues (métaux) vis-à-vis des vers de terre et de leur vitesse de dispersion faible par rapport aux autres groupes taxonomiques réduise leur présence. Des expériences en laboratoire (Huhta et al., 1979) sur Apporectodea caliginosa ont montré une mise en diapause et de sévères diminutions de biomasse. Cette étude a également mis en avant que le compostage des boues ainsi que le mélange des matériaux favorisait la succession des espèces comparativement aux matériaux bruts.

Dans un autre contexte, un sol construit a été formulé à partir de sol d’une décharge et de boues de papeteries (ratio 50:50) d’une hauteur de 40 centimètres, couvert d’une fine

couche de boues de papeteries. Des graines de plantes prairiales ont été semées. Pendant les premiers stades, les vers de terre sont rares et exclusivement composés d’espèces de compost (Eisenia fetida et Eisenia andrei) (Piearce et al., 2003). L’abondance et la biomasse ont substantiellement augmenté pour toutes les espèces de vers (Allolobophora chlorotica, Apporectodea caliginosa, Apporectodea limicola,

Apporectodea longa, Apporectodea rosea, Lumbricus castaneus, Lumbricus rubellus et

Lumbricus terrestris) après leur inoculation (Piearce et al., 2003).

3.3.2.2

La seule étude concernant les d’effets de la faune concernant les Technosols construits conclut que la production de turricules est significativement augmentée après inoculations de vers (Piearce et al., 2003).

Effets de la faune du sol

En conclusion, les apports de matières organiques via des déchets organiques en surface ou lors de construction de sol plus élaborée favorisent la survie de la faune et sa contribution au fonctionnement du sol. Les réponses et les effets de la faune, au moins chez les vers, sont très liés à la nature, la quantité et le procédé de construction de sol (pour les Technosols construits) des déchets considérés.

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L’état de l’art permet de constater les lacunes de connaissances sur la faune dans les Technosols construits. Toutefois, en élargissant à tous les sols anthropisés, les connaissances génériques suivantes se dégagent :

Objectifs de la Thèse

• les communautés de faune du sol mettent plusieurs années à s’installer, du fait des contraintes environnementales (dispersion, habitat, pollution) et biotiques qui excluent temporairement certains groupes fonctionnels ou groupes taxonomiques,

• la majeure partie des effets significatifs sur le fonctionnement et l’évolution des sols ont été observés lors :

 de l’implantation d’individus de la macrofaune, essentiellement des vers de terre (Baker et al., 2006; Butt, 1999; Curry et Cotton, 1983),

 et/ou de l’apport de matière organique en surface ou en mélange (Haimi, 2000)

qui sont deux opérations susceptibles d’enrichir rapidement le sol en matière organique et d’améliorer sa structure (Haimi, 2000) afin d’y instaurer une régulation naturelle par d’autres acteurs biologiques (autres membres de la faune du sol ; microorganismes). La présente Thèse se focalisera exclusivement sur la macrofaune et la mésofaune et a pour vocation de répondre à plusieurs objectifs scientifiques et appliqués. Tout d’abord, l’objectif scientifique est de contribuer à l’acquisition des connaissances sur la pédogenèse des sols très anthropisés. Il s’agit d’évaluer l’effet de la faune du sol (macro- et méso-) et de sa diversité sur la pédogenèse des sols très anthropisés au travers d’un modèle, le Technosol construit. L’ensemble des processus pédogénétiques majeurs influencés par la faune seront suivis par des indicateurs fiables et courants en pédologie. Cette approche expérimentale sera complétée autant que possible par une approche modélisatrice. Par ailleurs, nous essaierons autant que possible de prendre en compte l’échelle spatiale en distinguant l’agrégatosphère de l’échelle du pédon. L’agrégatosphère sera définie comme l’échelle qui va de l’agrégat et du pore observés en ultrastructure (quelques nm à microm) à ceux visibles à l’œil nu (quelques cm). L’échelle du pédon sera considérée comme un ensemble d’agrégats et de pores d’une échelle supérieure à celui du cm pour atteindre un profil de sol modèle de l’ordre du mètre carré de surface sur plusieurs mètres de profondeur.

La Thèse se structure ainsi autour de trois questions fondamentales en lien avec les interactions « faune du sol »/ pédogenèse (Figure 6):

Question I : Quel type de faune du sol est susceptible de coloniser le Technosol construit ?

Hypothèse I : La survie de la faune du sol dans un Technosol construit dépend : (i) des contraintes environnementales (dispersion et habitat) et (ii) des interactions biotiques

Question I.1 : Quel est la dynamique des communautés de la faune dans un

Technosol construit in situ ?

Question I.2 : Quel est l’effet d’un Technosol construit et de son procédé de

Question I.3 : Quels sont les effets des interactions biotiques internes au sein d’un assemblage composé d’espèces de groupes fonctionnels différents sur la survie de la faune dans un Technosol construit ?

Question II : Est ce que la faune du sol a un effet significatif sur la dynamique de

structuration/agrégation, les transferts d’eau, de matière et de carbone au sein d’un Technosol construit ?

Hypothèse II : Les vers de terre ont un effet significatif sur les processus

pédogénétiques précédemment cités dans le Technosol construit.

Question II.1 : Quelles sont la nature et l’intensité de cet effet à l’échelle de l’agrégat et en fonction du procédé de construction de sol ?

Question II.2 : Quelles sont la nature et l’intensité de cet effet à l’échelle du pédon ?

Question III : Est ce que la notion de diversité fonctionnelle de la faune existe dans un

Technosol construit ?

Hypothèse III : La notion de diversité fonctionnelle existe dans un Technosol construit.

Question III.1 : Y a-t-il des différences de nature et d’intensité de contributions à l’échelle du pédon selon les assemblages de groupes fonctionnels ?

Question III.2 : Y a-t-il des différences de nature de contribution à l’échelle de l’agrégat en fonction du groupe fonctionnel écomorphologique impliqué ?

Temps Légende Processus Décomposeur Ingénieur de l’écosystème Communauté plurifonctionnelle Propriétés du sol Faune Pédosphère Q I.2 Q I.3 Q I.1

Q II.2 Q II.1 Q III.2

Q III.1

Structuration /

Agrégation (eau, matière, carbone)Transferts

Agrégatosphère

TECHNOSOL CONSTRUIT

Communauté monofonctionelle

Procédé de construction de sol

Figure 6. Schéma conceptuel du questionnement scientifique de la Thèse.

Le deuxième objectif de la Thèse est un objectif appliqué. Il s’agit d’évaluer la capacité de la faune du sol à être le catalyseur et/ou le régulateur des processus d’évolution des sols très anthropisés afin de caractériser et d’optimiser les procédés du génie pédologique. Les perspectives se focaliseront essentiellement sur des conseils de gestion de la faune