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C 1 Cas cliniques de Madame A et Emma et de Madame Y et Evan :

DISCUSSION SUR L’ACCES A LA PARENTALITE CHEZ LES PATIENTES SOUFFRANT D’UN TROUBLE BIPOLAIRE

AUTEUR TYPE D’ETUDE ET POPULATION RESULTATS

IV. C 1 Cas cliniques de Madame A et Emma et de Madame Y et Evan :

Ces deux cas cliniques suscitent l’émergence d’éléments de discussion.

En premier lieu, nous aborderons Madame A et Madame Y:

Ces deux patientes sont suivies pour un trouble bipolaire depuis le début de l’âge adulte. La prise en charge de ce trouble s’organise en libéral pour elles deux, et repose sur un traitement médicamenteux, dont l’observance peu avant la grossesse semblait correcte.

Tout d’abord, dans les deux cas, la question du projet de grossesse n’a jamais été abordée ni par les patientes ni par les psychiatres référents, lors des entretiens de suivi réguliers. Ceci peut souligner, en accord avec les travaux de Dolman et al (23) que nous avons présentés, une forme d’auto-stigmatisation du trouble mental : les patientes ne s’autorisent pas l’évocation de ce sujet, même en amont d’un projet de grossesse. Concernant les psychiatres, comme nous l’avons vu aussi, l’absence de recommandations claires sur le sujet peut représenter un réel frein et donc la question peut être évitée.

De plus, toujours sur ce même point, notons que Madame A n’a pas abordé avec son mari la question du trouble bipolaire, et a évoqué un « burn out ». Ceci reflète la peur de la stigmatisation des pathologies mentales chroniques de la part de la société : « m’aurait-il épousé ? ». Les travaux de Dolman et al (23) et Ellison et al (27) évoquent les différentes formes de stigmatisations.

Concernant la prise en charge non médicamenteuse, Madame A n’a jamais bénéficié de psychoéducation à sa maladie ou de psychothérapie, contrairement à Madame Y qui y a eu recours, par le passé, et qui qualifiera d’ailleurs cet aspect de la prise en charge comme très bénéfique. Ceci peut constituer des pistes intéressantes pour la suite. En effet, Bond et al (8), en 2015 ont montré l’efficacité de la psychoéducation, dans le trouble bipolaire qui peut diminuer les rechutes, elle peut donc représenter un outil intéressant lors de la grossesse et du post-partum.

114 De plus, les deux patientes et leurs conjoints ont voulu arrêter le thymorégulateur. Les deux psychiatres référents ont accepté. Les patientes ne rapportent pas d’information précise supplémentaire, quant à la balance bénéfice-risque sur la poursuite ou non du thymorégulateur durant la grossesse. En comparant avec nos recherches, ceci souligne, à nouveau, l’absence de recommandations claires.

Concernant la grossesse chez ces deux patientes, nous repérons plusieurs concordances avec les données de la littérature.

Tout d’abord, lors du suivi gynécologique, les antécédents psychiatriques et l’état thymique durant la grossesse ne semblent pas avoir été abordés par les professionnels de la grossesse. Ceci reflète, certainement, un manque d’information aboutissant à l’absence de collaboration entre professionnels de santé sur ces prises en charge.

Sur le plan psychiatrique, les deux patientes ont présenté des symptômes thymiques durant leur grossesse. Ce qui est également en accord avec la littérature : Comme l’ont souligné les travaux de Viguera et al en 2007 et en 2011 (88)(89), l’interruption du traitement peut constituer un facteur de risque de rechute thymique dès la grossesse.

Dans ces deux cas cliniques, la bruyance des symptômes a nécessité initialement une prise en charge en urgence en unité de psychiatrie adulte, avec séparation du bébé.

Ceci aurait-il pu être évité par des recommandations plus précises sur la gestion des traitements, avec une meilleure gestion du suivi global des patientes et une collaboration de meilleure qualité entre professionnels ?

Nous aborderons ensuite ces deux bébés et les interactions avec leur mère :

Ces bébés ont en effet été confrontés à des graves difficultés maternelles mais aussi à une séparation de leur mère précoce.

Nous avons réuni dans le tableau suivant, les différentes interactions comportementales à l’admission sur l’UPE et à la sortie, afin de mieux les visualiser.

Ainsi, pour Evan et pour Emma, les interactions mère-bébé ont été difficiles, au début de la prise en charge sur l’UPE, elles se sont améliorées tout au long de

115 l’hospitalisation conjointe. Cet aspect est concordant avec les données de la littérature, nous retrouvons, en effet, dans les travaux de Pawlby et al (65), en 2010 cette même évolution. De plus, on retrouve chez Madame A un caractère plus intrusif dans les interactions avec sa fille, cet aspect est également décrit dans cette étude. Cependant, il est absent chez Madame Y.

Madame A et EMMA Madame Y et EVAN

Interactions corporelles

- Début de la prise en charge : ➔ EMMA :

* Gestualité adaptée * Moments d’irritabilité ➔ Madame A :

* Tient son bébé à distance * Gestes de tendresse parfois excessifs

- Fin de la prise en charge : ➔ EMMA et Madame A : * Ajustement : Interactions corporelles moins intrusives.

- Début de la prise en charge : ➔ EVAN :

* Gestualité adaptée * Recherche de contacts corporels avec sa mère ➔ Madame Y :

* Portage adapté mais dans une posture qui favorise peu

l’échange

* Gestes de tendresse rares - Fin de la prise en charge : ➔ EVAN et Madame Y : * Ajustement avec interactions corporelles plus continues et plus fréquentes

Interactions Visuelles

- Début de la prise en charge : ➔ EMMA :

* Sollicite un tiers, accroche un objet, recherche sa mère du regard ; mais maintien

discontinu de cette interaction * Hypervigilance /« Aux aguets »

- Début de la prise en charge : ➔ EVAN :

* Sollicite un tiers, accroche un objet et recherche sa mère du regard.

* Détourne son regard si pas de réponse maternelle.

116 Interactions visuelles (suite) ➔ Madame A : * Discontinuité : moments très insistants puis rupture

- Fin de la prise en charge : ➔ EMMA et Madame A : * Echanges plus continus et diminution de l’intrusivité.

* Maintien de l’interaction parfois toujours difficile lors des

disputes avec son mari.

➔ Madame Y :

* Recherche peu le regard de son bébé

* Maintien bref de l’interaction

- Fin de prise en charge : ➔ EVAN et Madame Y : * Interactions visuelles de meilleure qualité avec

expressions du regard variées

Interactions Vocales

- Début de la prise en charge : ➔ EMMA :

* Vocalise régulièrement. * Pleure très souvent mais se montre consolable.

➔ Madame A : * Echanges alternant ininterruption puis rupture * Ne tient pas compte de la disponibilité d’EMMA

- Fin de la prise en charge : ➔ Ajustement maternel avec échanges plus réguliers et plus adaptés

- Début de la prise en charge : ➔ EVAN :

* Vocalise vers sa mère et s’arrête si pas de réponse maternelle.

* Pleure souvent, difficultés à être consolé

➔ Madame Y :

* S’adresse peu à son fils * Expressions vocales monotones

- Fin de la prise en charge : ➔ Meilleurs échanges, plus de réciprocité, et initiation

117 Interactions

faciales

- Lors de la prise en charge : ➔ EMMA et Madame A :

* Interactions de bonne qualité : échange de sourires

* Expressions du visage adaptées

- Début de la prise en charge : ➔ EVAN :

* Sourit à sa mère et à un tiers ➔ Madame Y :

* Réponses brèves aux sourires avec expressions du visage pauvres

- Fin de la prise en charge : ➔ EVAN et Madame Y :

* Meilleure qualité des échanges avec sourires réciproques et maintien du sourire

Table 11 : Interactions comportementales à l’admission et à la sortie pour 2 dyades