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La mère de Bilal sollicite en mars 2015 un rendez-vous d’inscription au CMPP Sévigné, de sa propre initiative pour son fils âgé de six ans.

! ! *)!! • Histoire de vie

Les parents de Bilal ont vécu ensemble pendant neuf ans, ils se sont séparés en février 2015 après quatre mois de mariage, et sont actuellement en instance de divorce. Bilal est le seul enfant du couple parental, il a deux demi-frères plus âgés nés d’une première union du père. Ces garçons de quinze et treize ans sont à la garde principale de leur mère, et résident chez leur père un week-end sur deux, lors des temps d’accueil de Bilal.

Bilal est en résidence alternée, décision prise d’un commun accord selon madame, la transition entre les domiciles a lieu le vendredi après l’école. Les résidences des parents sont relativement proches, et Bilal a pu poursuivre sa scolarité dans la même école. Il est en CP dans l’école du village et a le projet de devenir électricien.

Les deux parents travaillent, le père est vendeur, et la mère auxiliaire de vie. Bilal déjeune à la cantine le midi, et bénéficie d’activités périscolaires en fin d’après-midi et le mercredi. Par ailleurs, il fait du football en club deux fois par semaine.

La séparation a eu lieu à l’initiative de monsieur, madame l’explique ainsi « j’ai fait une

grosse dépression, finalement quand j’allais mieux c’est lui qui a flanché et qui a voulu qu’on se sépare. »

Monsieur est resté vivre dans la maison familiale, où il réside depuis le mois de mai 2015 avec sa nouvelle compagne, Julie. Madame a pris un appartement au moment de la séparation, elle est célibataire.

La maman est suivie en psychiatrie pour un trouble bipolaire, elle a été hospitalisée dans ce contexte en service spécialisé il y a deux ans. Les grands-parents maternels sont très étayants, Ils accueillent fréquemment leur fille et leur petit-fils sur des temps de week-end, ils représentent un repère pour Bilal.

• Présentation clinique

Madame inscrit son fils au centre médico-psycho-pédagogique pour un suivi pédopsychiatrique, elle met en avant le «mal être de Bilal à cause de la séparation».

Il s’agit d’un petit garçon de six ans, blond aux yeux bleus, qui n’a jamais bénéficié de prise en charge psychiatrique spécialisée. Il a eu un développement tout à fait normal, sans aucun retard, il est entré dans les acquisitions scolaires sans difficulté. Il a pour antécédents chirurgicaux un phimosis opéré en juin 2015, et une chirurgie plastique de l’arcade sourcilière gauche faisant suite à une chute il y a plusieurs années.

! ! **!! Lors de l’inscription, en mars 2015, la maman souhaitait un lieu de parole neutre pour son fils, elle se disait très inquiète pour lui.

Le père est d’accord pour la prise en charge de son fils, mais n’a jamais souhaité l’accompagner en consultation malgré nos sollicitations.

Les entretiens se déroulent en deux temps, d’abord Bilal seul puis avec sa mère.

Lors des premiers entretiens, on va alors pouvoir observer un petit garçon calme, coopérant, au faciès peu expressif, qui exprime une tristesse manifeste. Bilal parle de ses « crises », qui se produisent tous les jours et qu’il voudrait voir s’arrêter. « J’ai eu beaucoup de crises (…) je

pleure et ça s’arrête pas (…) je vais me coucher, au bout d’un moment je m’endors et quand je me réveille c’est fini ». Par ailleurs, il exprimait beaucoup d’idées morbides les semaines

suivant la séparation « je serai mieux au ciel », « je vais me mettre un coup de couteau », « je

vais me mettre dans la Seine ».

La mère évoque une rupture franche avec l’état antérieur, elle le décrivait avant comme un petit garçon plein de vie et curieux. On note désormais une grande irritabilité, des colères et un retentissement scolaire. En effet, la maitresse aurait signalé des troubles de la concentration importants et des problèmes de comportement qui n’existaient pas au préalable. Actuellement, les idées morbides ont disparu mais il persiste des troubles du sommeil, une irritabilité, et des crises de pleurs fréquentes témoignant d’un épisode dépressif chez cet enfant.

La mère met en avant « la différence de comportement de Bilal » entre les moments où il séjourne chez son père et ceux où il se trouve chez elle, « il est infecte avec moi ». Bilal expliquera alors que sa maman est dans la salle d’attente « j’entends maman pleurer et ça me

rend triste » il présente une anxiété majeure avec de nombreuses ruminations autour de la

tristesse de sa mère et de son absence potentielle (madame a déjà été hospitalisée pour dépression). J’ai alors pu observer une différence importante dans sa présentation lorsqu’elle nous rejoint dans le bureau, le jeune garçon adoptant une attitude très revendicatrice, et à la fois régressive. Il maintient un contact physique permanent à sa mère, et restera sur ses genoux jusqu’à la fin de l’entretien. Madame explique que lors des séparations, Bilal pleure pendant un long moment et que son père est très en difficulté pour le consoler, il semble véritablement abattu, et se replie. Il verbalise régulièrement son désir de retrouver ses deux parents à la maison. Il présente également de nombreuses ruminations et préoccupations morbides (accident, hospitalisation potentielle) concernant ses parents en leur absence.

De plus, madame évoquera lors des entretiens du mois de juin, la mise en place d’un clivage. Lors des semaines chez le papa, Bilal se montre très opposant avec Julie « t’es pas ma mère je

! ! *+!!

t’aime pas ». Alors que de retour chez sa mère il pourra dire « je préfère Julie elle est plus gentille que toi ».

Il va trouver au CMPP un espace neutre dont il va se servir, s’appuyant sur les différents professionnels pour interpeler ses parents. Un travail mère-enfant avec une psychologue ainsi qu’une guidance parentale avec une éducatrice seront proposés à cette famille. Peu à peu, l’enfant sort de son épisode dépressif mais on a pu observer toute la fragilité de sa construction se manifester lors de ce moment de vie sous la forme de difficultés d’adaptation avec une symptomatologie anxio-dépressive marquée.

Pour conclure, ces deux jeunes patients et leur famille illustrent bien toute la problématique développée en amont, chacun dans un degré d’urgence et dans un environnement différents.

On peut reprendre ces deux cas cliniques, à travers deux dimensions développées dans notre partie théorique, que sont les troubles de l’attachement et l’anxiété de séparation.

On va retrouver chez Flora, des conflits parentaux majeurs et au premier plan. Cette jeune fille apparaît comme parentifiée auprès de sa mère, et sa situation peut faire évoquer un attachement insécure avec renversement des rôles. De plus, une symptomatologie anxieuse se manifeste chez elle sous la forme de somatisations.

D’un autre coté, chez Bilal, un enfant de six ans, la distance avec les premières étapes du développement psychologique est moins grande. Ce jeune garçon, dont la mère présente une pathologie psychiatrique sévère, s’est développé dans un environnement qui peut apparaître comme insécure. On peut observer chez lui des manifestations de trouble de l’attachement avec renversement des rôles, se préoccupant tout particulièrement de l’état de santé mentale de sa mère. De plus, il présente une anxiété majeure de séparation, avec de nombreuses ruminations morbides.

Flora et Bilal bénéficient d’une prise en charge en consultation ambulatoire, ils semblent l’un comme l’autre avoir bien investi leur suivi, et une alliance thérapeutique de bonne qualité a pu s’instaurer avec leur famille.

! ! +,!!

V/ Discussion

La séparation parentale est un événement de vie à risque de troubles psychopathologiques pour l’enfant (79)(78)(98)(83). Cette séparation même si elle vient concrétiser une situation préalablement conflictuelle, naturellement ressentie par l’enfant, va officialiser la rupture et l’éclatement de la famille. Une multiplicité de facteurs est susceptible d’intervenir alors sur l’équilibre psychoaffectif d’un enfant. Ces facteurs sont complémentaires et se potentialisent l’un l’autre. Un certain nombre d’entre eux, parmi les plus significatifs ou efficients, peuvent être relevés.

Pour chacun de ces facteurs, le pédopsychiatre pourra s’interroger sur la pertinence des actions qui pourraient être menés par d’autres intervenants, ainsi que sur la compétence requise pour les traiter ou mettre en œuvre des stratégies efficaces.

En effet, suivant les cas il est indiqué de laisser à l’environnement familial toute capacité de vivre et de trouver à dépasser ces moments de séparation avec leur enfant. On ne saurait en effet surestimer l’importance du rôle et des habiletés des parents pour aider leurs enfants à faire face au divorce même si, par ailleurs, des aides et du soutien sur lesquels nous reviendront, peuvent être proposées aux parents et à l’enfant par différents professionnels et institutions de l’enfance (école, psychologues, éducateurs,…).

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