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Les relations entre inflammation et dégradation articulaire restent encore mal comprises. Les constatations cliniques de PR avec destruction articulaire sans signes inflammatoires locaux et de PR très inflammatoires sans aucune destruction ne sont pas si rares et posent la question des rapports entre médiateurs de l’inflammation et médiateurs de la dégradation. C’est ainsi qu’expérimentalement l’interleukine-1 beta (IL-1") semble plutôt lié à la dégradation articulaire et le TNF-! (Tumor Necrosis Factor apha) plutôt à l’inflammation. Cette notion est confirmée expérimentalement puisqu’un traitement par un antagoniste de l’IL-1", l’IL-1RA, dans un modèle murin de polyarthrite inhibe la dégradation du cartilage en diminuant l’activité métalloprotéase sans pour autant modifier les paramètres de l’inflammation (136). Cependant, les biothèrapies anti-TNF-! actuelles mettent en évidence un effet significatif de ces traitements sur la dégradation articulaire (137-139). Ces résultats suggèrent que tous ces médiateurs agissent en réseau, l’inhibition de l’un d’entre eux pouvant avoir des conséquences sur l’ensemble du réseau, le TNF-! se trouvant en amont de cette cascade cytokinique.

Il en va très certainement de même pour les éicosanoïdes, dérivés lipidiques issus des acides gras à 20 atomes de carbone, qui s’organisent aussi en un réseau encore moins bien élucidé aujourd’hui que le réseau cytokinique. Certains éicosanoïdes ont des propriétés pro-inflammatoires alors que d’autres possèdent une activité anti-inflammatoire. Leur effet sur la dégradation articulaire reste obscur, sauf pour la PGE2 (prostaglandine E2) qui paraît bien être un médiateur impliqué dans ce processus. Des souris génétiquement délétées pour l’un des récepteurs membranaires à la PGE2 (EP4) deviennent insensibles à l’arthrite au collagène (140). Cet effet pourrait être médié par la prostaglandine E synthétase microsomale (mPGES-1), enzyme participant à la dernière étape de la synthèse de la PGE2. En effet, les souris génétiquement délétées en mPGES- 1 ne développent plus d’arthrite au collagène (141). Une voie de recherche intéressante concerne les effets anti-MMPs des ligands de haute affinité de PPARc (thiazolidinediones) sur les chondrocytes in vitro, alors que ces molécules n’ont pas d’effets anti-inflammatoires (123). Les études actuelles sont orientées vers la recherche du(es) ligand(s) naturels de ces facteurs (117).

Les principaux médiateurs inflammatoires impliqués dans la communication intercellulaire au cours de la PR sont représentés sur la Figure 19.

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Figure 19 : Représentation schématique des acteurs cellulaires et médiateurs inflammatoires impliqués dans la physiopathologie de la PR (d’après Choy, MD et al. (142))

L’homéostasie articulaire repose sur un équilibre complexe entre l’expression des médiateurs inflammatoires. Lors de la PR, les macrophages produisent de grandes quantités de cytokines dont font partie le TNF-! et l’IL-1", deux cytokines pro-inflammatoires qui vont réguler l’expression de nombreux autres médiateurs (Figure 19) (MMP, interférons, interleukines).

F. Dégradation du cartilage et auto-immunité

Comme nous l’avons vu dans les parties précédentes, des facteurs génétiques, hormonaux et environnementaux interviennent dans la pathogénie de la PR en contribuant à l’activation d’une réponse immunitaire innée et acquise mal contrôlée (Figure 20).

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Figure 20 : Phases de la pathogénie de la PR (d’après Firestein et Zvaifler 2003 (143, 144)).

Les différents processus ne s’excluent pas mutuellement. L’activation de l’immunité innée et adaptative peut avoir lieu en parallèle (flèches bidirectionnelles).

Nous nous intéressons ici au rôle que pourrait jouer l’immunité innée dans l’initiation et la pérennisation de la réaction inflammatoire articulaire observée au cours de la PR. Comme cela est suggéré sur la figure précédente, le déclenchement de la polyarthrite rhumatoïde passe par une activation des synoviocytes « fibroblast-like ».

De nombreux constituants bactériens ou PAMPs (pathogen associated molecular patterns) ont été identifiés dans la cavité synoviale. En interagissant avec différents PRRs (pattern-recognition receptors), ils pourraient contribuer à la réponse inflammatoire synoviale. Il a récemment été étudié dans quelle mesure la stimulation des FLSs rhumatoïdes par un PAMP présent à la surface de streptocoques oraux (la protéine I/II) pourrait intervenir dans l’acquisition du phénotype « agressif » de ces cellules résidentes de la membrane synoviale qui jouent un rôle essentiel dans l’étiopathogénie de la PR.

Il a été montré que la stimulation des FLSs par la protéine I/II induit la synthèse et la libération de cytokines telles l’IL-6 et l’IL-8 qui sont impliquées dans l’activation et le recrutement cellulaire. Les FLSs ainsi activés ne libèrent pas de TNF-! ni d’IL-1", cytokines qui jouent un rôle fondamental dans la PR. Il a également été montré que bien que la protéine I/II induit l’ARNm de l’IL-18 dans ces cellules, les FLSs ne produisent ni ne libèrent cette cytokine du fait de la non traduction de cet ARNm en pro-IL-18. Ces résultats ont été confirmés dans une étude plus globale de la réponse des FLSs de patients polyarthritiques, réalisée par cDNA array. La protéine I/II stimule en outre l’expression de plusieurs gènes pouvant contribuer au caractère agressif des FLSs de patients atteints de PR, notamment

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l’expression et la libération de métalloprotéase (MMP) 3, enzyme clé de la destruction du cartilage (Figure 21). Il est ainsi démontré que même si la réponse des FLSs à la protéine I/II est restreinte comparée à celle obtenue avec des macrophages, la stimulation de ces cellules par des composants bactériens présents dans la cavité articulaire pourrait contribuer aux deux phénomènes pathogéniques de la PR, l’inflammation et la destruction articulaire.

Figure 21 : Schéma récapitulatif. En bleu : voies de signalisations activées par la protéine I/II et menant aux cytokines pro-inflammatoires.

http://www.gremi.asso.fr/_/Prix%20GREMI%202005.htm

Par l’étude des voies de signalisation activées par la protéine I/II dans les FLSs rhumatoïdes, il a été mis en évidence que l’intégrine !5"1 est un récepteur de la protéine I/II à la surface des FLSs. De plus, la FAK (focal adhesion kinase) joue un rôle clé dans les voies de signalisation conduisant à la synthèse d’IL-6 et d’IL-8 induite par la protéine I/II. Cette synthèse fait également intervenir les MAPKs (mitogen-activated protein kinases) ERK1/2 et JNKs, une augmentation de l’activité de liaison d’AP-1 et la translocation nucléaire de NF- k B. La FAK qui jusqu’à présent était surtout associée à des fonctions telles l’adhésion, la différenciation cellulaire et l’apoptose jouerait donc également un rôle important dans la réponse inflammatoire. Il a également été montré que MyD88, protéine adaptatrice essentielle de la voie des TLRs (Toll-like receptors), est impliquée dans la synthèse de cytokines induites par la protéine I/II.

Cytokines induite par la protéine I/II.

Il apparaît donc que des interactions PAMPs-PRRs variées pourraient contribuer à l’activation in situ des FLSs et constituer un événement majeur dans l’initiation de l’inflammation synoviale et de sa réactivation chez des personnes présentant des

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prédispositions génétiques à développer une PR. Cette hypothèse implique donc non pas un antigène spécifique mais une variété d’antigènes qui favoriseraient par stimulation de l’immunité innée le recrutement, l’activation des LT et la rupture de la tolérance au soi.

La description récente d’un modèle murin d’arthrite induite par des immunoglubulines pathogènes reconnaissant l’enzyme ubiquitaire glucose-6-phosphate isomerase (GPI), le modèle K/BxN, a ouvert une nouvelle hypothèse concernant la dégradation du cartilage au cours de la PR (145, 146). Dans ce modèle, la GPI se dépose en grande quantité à la surface du cartilage et se colocalise avec des IgG et du complément C3. Ainsi, l’hypothèse proposée serait que des complexes GPI-anti-GPI se formeraient à la surface du cartilage, initiant une cascade inflammatoire par l’intermédiaire de la cascade du complément. Les cellules ainsi accumulées au contact du cartilage produiraient les médiateurs décrits dans le chapitre précédent (147). En fait, plusieurs travaux antérieurs suggéraient déjà fortement un rôle pathogène d’autres anticorps dirigés contre différents antigènes issus du cartilage, comme le collagène de type II (148) ou YKL-39 (149).

Il apparaît donc que les lésions engendrées par cette pathologie affectent tous les tissus articulaires. Il semble qu’une prise en charge efficace de cette affection nécessite des outils diagnostic permettant d’évaluer l’état d’avancement de la pathologie de manière précise et précoce. Pour ce faire la Tomographie par émission de positons (TEP) est une technologie émergente et prometteuse dans le domaine des pathologies inflammatoires(150).

G.L’imagerie dans le diagnostic des pathologies